La petite fille qui riait tout le temps...
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Chapitre 4 No.4

Seul mon père continuera à lire jusqu'à la fin de sa vie des livres relatant la guerre, comme s'il essayait de comprendre après coup...

C'est comme cela que j'ai appris que leur logement de fonction jouxtait le camp et que lorsque le premier train était parti ils avaient pu faire sortir,« en catimini »,des juifs afin de les soustraire à l'appel de l'embarquement... après, me dit-elle, ce n'était plus possible parce qu'un officier allemand est arrivé pour superviser. Je sais, poursuivit-elle, qu'il a proposé à ton père de travailler en bonne intelligence... et ton père lui a répondu : « Je ne pourrai être intelligent avec vous que le jour où je verrai vos talons. »

Elle riait, elle était fière et toute joyeuse en me racontant cela !

Moi aussi j'ai été fière à la suite du jour où, je devais avoir 7ans, avec lui je suis rentrée dans une librairie de la ville. Dès qu'il l'aperçut, le libraire s'est avancé vers lui. Les bras grands ouverts, il lui a dit : « Commandant, si vous n'aviez pas été là, ce jour-là, j'y passais ! »

J'ai compris, lorsqu'il l'a raconté à ma mère, qu'avant que la ville ne soit libérée il avait organisé et participé à son évasion du Palais de Justice, dans le couloir qui devait le conduire devant le tribunal...

C'est étrange, mais moi qui ne me souviens jamais des noms, des dates, des lieux, des grades, j'ai conservé dans ma mémoire la silhouette et le nom de ce libraire, comme inscrit en lettre de feu, ou d'or, je ne sais pas ; mais il y est inscrit à tout jamais.

Je crois bien qu'à l'époque son nom de code était « Le Marchand de papier », même nom, apparemment même profession, pourtant il semblerait que ce monsieur ait été déporté... Cela nécessiterait que j'approfondisse mes recherches, mais lorsque l'on a comme seul fil conducteur que des souvenirs vieux de bientôt 70 ans, ce n'est pas très facile !

Depuis j'ai appris que, ce jour-là, ils étaient quatre à avoir pu s'évader, mais cela ne change pas grand-chose !

Dans les « anecdotes » encore, je sais, que de mars à mi-juin 42, mon père fût dépêché au camp de Sisteron pour tenter de remettre un peu d'ordre, un peu d'organisation dans la gestion de ce camp.

Je crois même que c'est là-bas que ma grande sœur, enjambant son « youpala » qui venait de s'effondrer, a commencé à marcher toute seule.

Le camp de Sisteron accueillait aussi des « indésirables », mais essentiellement des« droits communs » et était géré, paraît-il, de l'intérieur par les« caïds de la mafia ».

Lorsqu'il arrive, entre autres, le camp est infesté de poux et il sollicite l'intervention d'un« parrain » interné dans le camp, pour obtenir que chacun accepte de se raser le crâne afin d'être enfin débarrassé de cette engeance malfaisante...

De nombreuses années plus tard, la fille ou petite fille d'un des grands patrons de Renault ayant disparue, il sollicite à nouveau cette même personne, très connue du « milieu », 24 h plus tard, la gamine était rentrée à la maison... cela sert parfois d'avoir des relations !

Mais je crois bien que tout n'était pas aussi sympathique que cela !

En septembre donc la famille arrive à Vichy et s'installe dans un petit hameau à proximité.

Assez vite les rejoignent la mère de ma mère et sa petite sœur ; elle a une douzaine d'années maintenant... c'était tout de même plus facile de trouver à se nourrir dans la campagne du centre de la France que dans le Midi.

Ma mère s'est alors initiée aux« joies et aux difficultés » de l'agriculture et de l'élevage. Elle racontait parfois en riant qu'un jour où elle plantait un champ de pommes de terre dans un terrain très pentu, un paysan qui passait par là s'était arrêté pour lui dire :

- Vous savez, c'est plus facile de planter en remontant, plutôt que la tête en bas !

Je la reconnais bien là, elle avait dû vouloir« rentabiliser » ses déplacements !

De même, lorsqu'au bout de quelques mois, le rôti de porc, du cochon qu'elle élevait avec tant de soins est enfin arrivé sur la table, ma grande sœur, avertie (elle devait avoir 2ans1/2), ne put s'empêcher de s'exclamer, chagrinée, « Pauvre Kiti ! »... Il paraît que, ce jour-là, personne n'a pu manger du cochon !

Notre mère apprendra un jour que l'essentiel des difficultés qu'elle rencontrait pour acquérir des denrées était lié au poste qu'occupait son mari au gouvernement... Après, cela fut plus facile.

Pendant ce temps-là, son frère, mon oncle, était prisonnier en Allemagne ; il n'en reviendra qu'à la fin de la guerre, bien amoché.

Plus tard encore les rejoindra la famille de mon père...

J'entends encore ma grand-mère maternelle me dire l'air bougon :

- Oui, on dit toujours que ta grand-mère cuisinait bien, mais tu comprends, c'était facile, quand il n'y avait plus rien, elle me disait : « C'est toujours moi qui fais à manger ! Aujourd'hui, c'est votre tour. » Tu comprends, c'était facile !

Mais il y eut des choses plus sérieuses.

Un jour, ils s'aperçoivent que leur fille, ma sœur, se sert très peu de son bras gauche, elle ne se plaint pas, mais elle évite d'utiliser son bras... assez vite, les médecins diagnostiquent un ostéosarcome, autrement dit : un cancer de l'os. La seule éventualité proposée est de couper le bras de la fillette.

Le rendez-vous est pris, mais le matin de l'intervention, la mère s'y refuse... elle ne peut pas envisager de faire couper le bras de son bébé de 20 mois et décide de consulter un médecin, de chez elle, en qui elle a toute confiance ! Au lieu de l'amener à l'hôpital, elle prend le train et revient dans le Midi. Le médecin consulté émet des doutes ; il confirme ses doutes, c'est une tuberculose osseuse ! C'est très grave, mais cela se soigne ! Il creuse un trou dans l'os de la fillette, et tous les jours verse de l'alcool à 90° par cette fenêtre ouverte... Je pense, j'espère, qu'aujourd'hui on aurait des traitements moins invasifs...

Dur, me direz-vous, mais cela ne faisait que commencer !

Peu de temps après, elle reçoit un télégramme de sa mère : « Rentre au plus vite, mari très mal. »

Le médecin lui confirme :

- Tu n'as pas le choix, ce que je fais à ta fille tu peux le faire... tu dois rentrer.

Et la voilà à nouveau dans le train, avec sa fille dans les bras, le bras et l'épaule plâtrés, avec juste la fenêtre... le voyage est long, difficile, les voies de chemin de fer ont été « sabotées », le train est détourné par Marseille... elle n'a qu'un pot de confiture pour donner à manger à sa fille et là, la fillette refuse, elle n'en veut plus de sa confiture

Alors la mère pleure...

            
            

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