Jim Morrison
img img Jim Morrison img Chapitre 4 Chapitre 3. « Witchy woman, she got the moon in her eye »
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Chapitre 6 Chapitre 5. « I wanna do what I want anywhere » img
Chapitre 7 Chapitre 6. « Si le bigo est dans ta ville dis à tes cousins on y va » img
Chapitre 8 Chapitre 7. « I'm walking on sunshine » img
Chapitre 9 Chapitre 8. « Voilà du bon son pour rouler la nuit » img
Chapitre 10 Chapitre 9. « Fais tes bails on fait les nôtres » img
Chapitre 11 Chapitre 10. « Et le ciel de Paris a son secret pour lui » img
Chapitre 12 Chapitre 11. « Regarde comme il fait chaud dehors, faut sortir s'aérer » img
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Chapitre 4 Chapitre 3. « Witchy woman, she got the moon in her eye »

On avait passé la journée en studio pour enregistrer différents morceaux pour les projets persos de plusieurs gars de L'entourage. Passer la journée entre pote à rapper, bouffer et glousser, j'avais vraiment le meilleur job. On avait aussi prévu un album en commun. Il allait vraiment être différent des autres, différents de nos projets persos. Il fallait juste qu'on trie les titres qu'on allait garder dans l'album, parce qu'on en avait une trentaine et il fallait vraiment faire un choix. Dans tous les cas, il allait en envoyer, c'était sûr.

Et même si c'était pas le cas, un accomplissement entre frères, ça valait tout l'or du monde.

Puis ce débile de 2zer avait foutu un coup de pied dans une canette et s'était retourné la cheville. Me demandez pas comment, j'avais toujours pas compris. Ce qui était sûr c'était qu'elle était pas seulement foulée, les gars et moi on avait bien tous entendu un *crak*, et la tête de notre pote avait pas vraiment laissé place au doute.

C'était donc humblement que Nek et moi on s'était proposés de l'accompagner à l'hosto. Enfin on avait surtout pas eu le choix. Il restait que nous et Fram', et il avait prévu de voir son plan cul. J'avais sacrifié le mien au profit d'une bonne nuit à l'hôpital entre potes. Quel con. À cette heure-là j'aurais peut-être déjà tiré mon coup.

Ce fut donc comme ça qu'à une heure du mat' je me retrouvais aux urgences avec ce putain de boulet encore défoncé.

On s'était installés en salle d'attente, tout en continuant d'insulter 2zer pour sa connerie, totalement conscient du fait qu'on serait pas sortis de là avant quatre ou cinq heures du sbah.

On était assis à côté d'un gars au bras visiblement cassé et en face d'une meuf en bas de survêtement et en veste de sport, avec un gros sac de sport noir à ses pieds.

J'avais été que quelques fois aux urgences quand j'étais tipeu et encore j'en avais aucun souvenir. Mais j'aimais pas vraiment l'endroit. L'attente j'avais du mal déjà. Et puis tous ces gens angoissés et souffrants ça me mettait mal à l'aise.

J'avais rien à faire et mon regard se posa rapidement sur la meuf assise en face de moi. Elle avait l'air en panique, sa jambe tremblait nerveusement. Je me surpris à la trouver jolie malgré ses traits crispés et sa tenue sportive. Je me doutais que c'était pas par choix esthétique. Elle était pas épaisse et je me demandais si elle était le genre de meuf à faire belek à son alimentation et faisait du sport plus pour éviter de prendre de poids que par plaisir.

Elle avait des cheveux châtains remontés en un chignon visiblement fait à la va-vite, et son visage était assez enfantin. Elle devait pas avoir plus de vingt piges. Je crois qu'elle avait les yeux marrons mais ils étaient cachés derrière des lunettes de vue ronde donc j'arrivais pas trop à savoir. Elle avait vraiment peu de formes ou alors elles étaient bien cachées par son survêt.

Une gamine quoi. Loin d'être le genre de meuf qui m'attire l'œil et que j'aime mettre dans mon lit.

Ça me fit penser à Eva, la latina que j'étais censé retrouver ce soir. En pensant à ses lèvres pulpeuses, sa poitrine abondante et ses fesses à la Kim K, je maudis encore une fois mon pote pour la nuit de rêve que j'étais en train de rater.

Une canette. Une putain de canette.

La gamine devait pas être française. Elle avait parlé en anglais au téléphone pendant dix minutes. Je crois que j'avais reconnu un accent ricain mais j'étais pas sûr. En tout cas ça devait être son mec, j'avais pas compris grand chose de la discussion à par sa dernière phrase. J'étais pas bilingue mais c'était clairement un « Je t'aime aussi ».

À un moment elle avait soupiré, l'air soulagée, et était restée là quelques minutes, les yeux dans le vide. Je voyais qu'elle se retenait de golri à nos conneries. Mais j'avais aussi l'impression qu'elle luttait contre l'envie de tout péter.

Elle quitta finalement le vide des yeux pour regarder avec surprise son téléphone.

Après avoir soupiré d'une telle force que les fenêtres auraient pu trembler en voyant le nom affiché sur son écran, elle sortit avec son sac de sport et mit son téléphone à l'oreille.

Je me retournai vers mes potes et on discuta de rap tout en gloussant. Du rap, encore du rap, toujours du rap. On pouvait pas s'en empêcher, notre vie tournait autour de ça. Et des meufs.

Au bout d'un moment on n'eut plus rien à se dire, la fatigue commençant à avoir raison de nous après la grosse soirée qu'on avait commencé. Je commençais à sérieusement me faire chier.

Putain les urgences c'était vraiment la pire invention. Dans le mot « urgence » y'avait l'idée que ça pouvait pas attendre nan ? Pourtant on allait sûrement passer la nuit le cul posé sur nos chaises. Putain heureusement qu'il se vidait pas de son sang le con parce qu'il serait déjà mort à cette heure-là.

J'avais besoin de fumer et je décidai de sortir, laissant Nek et Zer2 dans une discussion animée sur le diagnostic de la cheville de ce dernier.

Je retrouvai la meuf de toute à l'heure assise sur une marche devant l'entrée. Elle était dans une discussion assez virulente et je plaignais la personne de l'autre côté du téléphone tout en m'allumant une garo. En fait elle parlait français. Et je croyais que ce coup-ci c'était son mec. Enfin je savais pas, je savais même pas pourquoi j'essayais de comprendre, je la connaissais pas, c'était sa vie. J'étais beaucoup trop curieux.

– T'es sérieux là ? Si tu voulais me voir tant que ça t'avais qu'à venir me voir jouer espèce de débile ! J'ai ma vie moi aussi t'es pas ma priorité... Oh nan commence pas avec tes vieilles crises de jalousie, on s'est rien promis toi et moi. Ça fait que deux mois qu'on se connait, je t'appartiens pas mon gars... Ouah par contre là ça va pas le faire... Mais évidemment qu'il passera toujours avant toi ! Je t'ai jamais menti à ce propos, je te l'ai fait savoir clairement depuis le début. Si t'es jaloux de lui c'est ton problème mais ça fait vraiment de toi un gros con... Je... Hein ?! Eh tu sais quoi ? Va bien te faire foutre, je te dois rien, je vois pas pourquoi je me fais chier à argumenter.

Sur ces mots doux elle raccrocha, posa son téléphone violemment sur son sac en continuant à insulter son interlocuteur, et se prit la tête dans les mains. Décidément je captais plus rien. Et si c'était son mec bah il devait pas capter grand chose non plus.

Je souris d'amusement. Elle était tellement fine et frêle, elle semblait si innocente à première vue, pourtant elle se laissait pas faire putain, elle avait l'air d'en avoir du caractère. À ce moment-là j'aurais eu aussi peu envie de la faire chier qu'un Mekra bresson.

Elle sortit une roulée d'une petite boîte et se l'alluma, sa jambe toujours tremblante. Au deuxième coup d'œil ça avait moins l'air d'une clope que d'un stick.

– Qu'est-ce que tu regardes ?

Elle m'avait craché ces mots d'une telle violence, ça ne fit qu'étirer mon sourire.

– Rien, rien. C'est juste que j'aurais pas aimé être le « gros con » que t'as hagar.

Ses traits se détendirent un peu. Sa jambe tremblait pourtant toujours et je voulais vraiment savoir ce qui était la cause de toutes ces émotions, j'étais archi curieux.

– Je peux m'asseoir à côté de toi ou tu vas me foutre un coup de boule ?

Elle me fit un signe de tête et tira sur son spliff.

– J'aurais pas pensé qu'une meuf comme toi fumait des gros teh, dis-je en riant.

Elle sourit d'un air amusé et je me surpris à être satisfait d'avoir réussi à la dérider en voyant son sourire illuminer son visage. Elle était mignonne en vrai.

– Cas d'extrême urgence. Le jeu de mot est pas voulu hein, dit-elle après un petit silence, en désignant le bâtiment derrière nous.

Je souris, amusé par son naturel. Elle me tendit le spliff - je me demandais brièvement comment elle avait capté que j'étais dans ce genre de bails quand je le pris entre mes doigts- et je tirai dessus.

– Ciber, fis-je avant de souffler la fumée. Et c'est quoi l'extrême urgence ?

– Rien qui te concerne.

Clair, concis. Elle savait ce qu'elle voulait et c'était certainement pas de la pitié. Pourtant j'en connaissais des meufs qui faisaient tout pour montrer qu'elles allaient pas bien ou faisaient semblant juste pour avoir la sympathie ou l'attention d'un mec.

Mais elle avait l'air différente. Je la connaissais pas mais pourtant je me doutais qu'elle parlait pas souvent de ce qu'elle ressentait. Ça se voyait dans ses yeux : elle essayait de se persuader elle-même que tout allait bien. D'ailleurs quand elle avait tourné la tête vers moi pour me tendre le joint, à travers ses lunettes j'avais remarqué une tache bleue ciel qui prenait un quart d'un ses yeux marrons. C'était perturbant.

– C'était ton mec ? demandai-je en lui rendant son spliff.

– Askip, fit-elle en le portant à un briquet pour le raviver.

Je hochai la tête. Elle voulait pas me parler et ça m'intriguait d'autant plus. J'entendais ma grand-mère d'ici : « La curiosité est un vilain défaut Mikael ».

Elle regardait droit devant elle, les yeux dans le vague, semblant trouver l'obscurité qui nous faisait face passionnante. J'arrivais pas très bien à distinguer les traits de son visage, la lumière des marches nous éclairant que faiblement.

Elle brisa finalement le silence qui s'était installé au bout de longues secondes :

– Et toi ? T'es là à cause de ton pote boiteux c'est ça ? J'avoue qu'il y a plus stylé que de se péter un pied sur une canette.

Je ris. Elle avait donc entendu.

– Ouais ouais bah tu vois j'avais pas vraiment prévu de passer la nuit ici pour une connerie pareille.

– Ça me fait rire. Vu comme ça vous avez l'air de trois voyous vachement sûrs d'eux mais quand vous allez devoir expliquer cette histoire vous allez perdre toute votre street cred'.

Elle avait l'air amusée et ça me faisait plaisir que la connerie de 2zer ait pu illuminer un petit peu sa soirée.

– Parle pour lui, c'est sa merde, moi j'accompagne juste. Mais t'inquiètes pas qu'il se débrouillera pour inventer un mytho genre « putain les gars ils étaient cinq sur une mamie, ils avaient un couteau, je les ai hagar et je me suis pété la cheville. Mais bon ça aurait pu être pire ».

Elle rit puis un silence s'ensuivit. Je voyais qu'elle souriait encore un peu, et sa jambe avait cessé ses rebonds répétés. Elle avait l'air plus détendue.

Elle me tendit de nouveau son spliff :

– Tiens, finis-le, ça me suffit. Ça faisait longtemps que j'avais pas fumé.

Sa voix me fis sortir de ma réflexion. Elle continua :

– Même si je suis déjà sur place si y'a un problème, je vais pas faire la ouf.

Je pris le joint, et sans plus de cérémonie elle se dirigea à l'intérieur.

Pourquoi elle me laissait si perplexe ? C'était une meuf banale dans un putain d'hôpital, c'était tout. De toute façon c'était souvent une constante : les gens mystérieux avaient une attraction particulière sur les autres. Le fait qu'elle me rejette un peu me donnait envie de continuer à la questionner.

Je finis de fumer et rentrai quelques minutes plus tard pour retrouver mes potes. Elle était plus assise en face et se trouvait maintenant face à un pélo en blouse blanche, en pleine discussion.

Je savais pas ce qui se racontait entre le médecin et elle mais elle avait pas l'air bien. Je savais pas si on lui annonçait une mauvaise nouvelle, et je me surpris à espérer que ça n'arrive pas. En me rappelant le sourire que j'avais réussi à lui décrocher, j'avais pas envie de voir son visage se fermer et savoir que sa vie venait de changer dans le mauvais sens.

Je tendis l'oreille pour mieux entendre, trop curieux, mais la discussion sembla s'arrêter là.

Puis une infirmière vint assouvir ma curiosité en s'arrêtant près du toubib et de la gamine :

– Vous êtes son infirmière ? demanda cette dernière.

L'intéressée répondit positivement :

– Oui, ne vous en faites pas, il va bien, il a juste besoin de repos.

– Oui, le Dr. Beldi m'a tout dit. Est-ce que je peux le voir ?

Même à la distance où je me trouvais je pouvais voir que la gamine était sur les nerfs.

– Non, je suis désolée, il a vraiment besoin de repos, et il est trop tard pour les visites. Mais revenez demain.

– D'accord, et bah dès que vous le voyez dites-lui que je viendrai pas demain, j'ai d'autres choses à foutre. Et dites lui que c'est un abruti fini, il comprendra pourquoi je dis ça.

Sur ce, elle remercia l'infirmière et le médecin sous leurs regards étonnés, et se rua dehors comme une furie.

Et bé. Soirée riche en émotion on dirait.

Je me tournai de nouveau vers mes amis qui somnolaient suite aux trop nombreux joints consommés dans la soirée, quelque peu déçu de ne pas avoir pu connaître le fin mot de l'histoire de la gamine.

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Titre du chapitre : Eagles, « Witchy Woman »

            
            

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