Chapitre 2 No.2

Le lendemain matin, le petit-déjeuner au Manoir Vance ressemblait à une cérémonie funèbre. La longue table en acajou séparait Harrison, plongé dans le Wall Street Journal, de Charlotte, qui picorait des fruits rouges avec une délicatesse étudiée.

Vivian descendit les escaliers. Elle portait un tailleur gris strict, ses cheveux tirés en un chignon sévère. Elle tenait une chemise cartonnée contre sa poitrine.

Une domestique servit du café à Charlotte, puis déposa une tasse devant la chaise vide de Vivian. Vivian ne s'assit pas.

Harrison ne leva pas les yeux de son journal.

- Il y a le gala de charité de la Fondation ce soir, dit-il d'une voix monotone. Ne viens pas. Tu ne ferais que nous embarrasser. La dernière fois, tu as à peine décroché un mot aux invités.

Charlotte émit un petit rire cristallin.

- Oh, Harrison, ne sois pas si dur. Vivian n'est pas habituée à ce monde. Ce n'est pas sa faute si elle manque... de conversation.

Harrison tourna une page, le froissement du papier résonnant dans le silence.

- Je préfère éviter les risques. Reste ici.

Vivian s'avança jusqu'à lui. Elle ne tremblait pas. Elle posa la chemise cartonnée sur le journal ouvert, recouvrant les cours de la bourse.

Harrison fronça les sourcils, abaissant lentement le papier pour révéler son visage sculpté, marqué par l'irritation.

- C'est quoi ça ? Encore une facture ?

- C'est une demande de divorce, dit Vivian. Signe-le.

Le silence se fit total. Charlotte suspendit sa fourchette en l'air. Harrison fixa Vivian, incrédule, puis un rictus méprisant déforma ses lèvres.

- Le divorce ? répéta-t-il. C'est ta nouvelle stratégie pour attirer mon attention ? C'est pathétique, Vivian. Tu sais très bien que sans moi, tu n'es rien.

Il se leva, la dominant de toute sa hauteur.

- Tu penses que je vais te retenir ? Tu penses que tu vaux la peine que je me batte ?

Vivian soutint son regard, ses yeux gris comme de l'acier froid.

- Je ne veux pas que tu te battes, Harrison. Je veux que tu me laisses partir. Je ne demande rien. Pas de pension, pas de biens. Juste ma liberté.

- Tu bluffes, dit-il froidement. Tu as supporté trois ans de silence, tu ne partiras pas maintenant. Tu n'as nulle part où aller.

- J'ai signé. Ton avocat recevra la copie numérique.

Elle retira son alliance, un simple anneau en or blanc. Elle ne la jeta pas. Elle la posa doucement sur la table, à côté de la tasse de café intouchée. Le petit tintement du métal sur le bois fut le seul bruit dans la pièce.

- Adieu, Harrison.

Elle fit demi-tour.

- Vivian ! Reviens ici ! ordonna-t-il, perdant soudain son calme face à cette indifférence qu'il ne reconnaissait pas.

- Aïe ! Harrison !

Charlotte s'affaissa sur sa chaise, une main sur sa poitrine.

- Mon cœur... Harrison, j'ai des palpitations...

Harrison s'arrêta net. Il regarda le dos droit de Vivian qui franchissait la porte, puis Charlotte qui gémissait. Le choix était habituel.

- Je suis là, Char. Respire.

Vivian ne se retourna pas. Elle sortit dans la lumière crue du matin new-yorkais, monta dans un taxi qui l'attendait, et ne regarda pas en arrière.

            
            

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