Chapitre 5 Chapitre 5

– Bon, ce n'est pas tout ça, mais ils sont déjà en chemin. Je m'occupe del'étage. Josh range le salon et la cuisine. Tu pourras t'occuper du jardin après ta douche, s'il te plaît ?

– Ouais, répété-je simplement.

Ses pas l'éloignent de la salle de bains. Lorsque le silence retombe dans la pièce, je prends pleinement conscience de ce qu'il vient de dire.

Cherry arrive.

Des souvenirs aussi précis que le viseur d'une caméra assaillent ma mémoire. À vrai dire, ils ne l'ont jamais totalement quittée.

Je finis de prendre ma douche, me demandant comment je vais pouvoir vivre au quotidien en étant conscient de sa présence dans les parages.

Je m'habille à la va-vite et range ma chambre rapidement avant de sortir. Je récupère un panier à linge à la buanderie, saisis un sac-poubelle dans la cuisine, dont Josh ne s'est apparemment pas encore occupé, et m'attelle à ma propre tâche. Un coup d'œil circulaire sur le jardin me fait regretter la soirée. Contrairement à ce que les parents de mon meilleur ami ont pu penser, je déteste ranger. J'ai pris l'habitude de le faire depuis mon premier été chez eux, pour qu'ils n'aient rien à me reprocher et qu'ils décident de continuer à m'inviter.

Je jette les gobelets et les bouteilles qui traînent sous les transats et le hamac du jardin, mets dans le panier le maillot de bain et le pull que j'ai trouvés et m'occupe ensuite de ranger les bouées éparpillées sur l'eau dans le local qui leur est destiné. Mon occupation n'arrive pourtant pas à accaparer suffisamment mon esprit pour que j'oublie l'appréhension logée dans mon ventre.

Quelques instants plus tard, Teddy et moi nous retrouvons dans la cuisine d'une maison parfaitement rangée.

– Mission accomplie, souffle Josh qui vient de sortir la dernière poubelle. Pour des gens qui étaient en chemin, ils en mettent, du temps.

Il finit à peine sa phrase qu'on entend la porte d'entrée s'ouvrir. Et des pleurs.

Nous nous regardons tour à tour, les sourcils froncés d'inquiétude. Teddy est le premier à se précipiter au salon, Josh et moi sommes juste derrière.

– Cherry, c'est toi ? Tu as un souci ?

Je manque de rentrer dans le dos de Teddy quand il s'arrête brusquement.

– Je savais... je savais que je n'aurais pas dû le laisser... me les mettrelà-bas, halète une voix masculine hachée de pleurs.

La petite sœur de mon ami se tient de dos, sur le pas de la porte, consolant un homme dont les larmes déferlent sur les joues. Je pourrais m'attarder sur son visage qui m'a l'air plutôt sympa mais mes yeux se dirigent automatiquement vers les fesses de Cherry. Maintenant que j'ai constaté que ce n'était pas elle qui pleurait, mon inquiétude a disparu. Ma libido en revanche...

Bordel, ce legging rouge moule à ravir son fessier. Le pervers que je suis se dit même que l'émoji pêche a dû être créé en fonction des courbes de Cherry.

– Qui c'est, lui ? demande Josh tout bas.

Mes yeux reviennent sur l'inconnu aux cheveux blond platine dont les larmes redoublent d'intensité. Mon froncement de sourcils s'accentue. La dernière fois que Cherry nous a présenté un homme, je n'ai pas apprécié sa présence parmi nous.

– Je ne sais pas. Elle disait qu'elle venait avec une amie qui s'était faitlarguer par son mec.

– Spencer, tu n'as rien fait de mal, assure la voix calme de Cherry. Tutrouveras chaussure à ton pied, je t'assure.

– Spencer ? Ah... Spencer est un homme, réalise Ted.

Les gars et moi échangeons de nouveau un regard, rieur cette fois.

– J'espère que tu la trouves bien bonne, la copine de ma sœur, chuchoteTeddy à Josh.

Le reniflement du nouveau venu nous arrête. Cherry s'est retournée pour nous faire face.

Je bloque.

Quatre ans. Quatre ans depuis la dernière fois que je l'ai vue. Quatre ans qui n'ont en rien atténué les envies vicieuses que ses lèvres font ressortir dans mon esprit de dépravé. Son aura a quelque chose de plus confiant. Peut-être est-ce dû à ses quatre nouveaux piercings – deux sur chaque lobe de ses oreilles – ou à l'audacieuse couleur auburn qui colore ses cheveux.

Les mains sur les hanches, elle nous toise et secoue légèrement la tête.

– Encore en train de faire des messes basses ? Vous ne changerez jamais. Spencer, je te présente mon frère, Teddy, et ses deux meilleurs potes, Josh et Luka. Les gars, voici mon meilleur ami, Spencer.

Je n'ai jamais entendu parler de ce type et je peux jurer que Ted non plus.

– Bienvenue à Key West, l'accueille Teddy.

– Merci, répond-il en s'essuyant les joues.– Tu veux un truc à boire ? On a du whisky ou... Ted cherche une aide dans mon regard.

– De l'eau ?

Spencer refuse d'un léger mouvement de la tête.

– J'ai beaucoup trop bu durant le vol. Un verre de plus et je perds monfoie.

– Je crois qu'il préférerait faire une sieste, intervient Cherry. Je vais l'emmener se reposer dans ma chambre.

Oh, oh.

Son grand frère se positionne devant elle, les mains levées pour l'en empêcher.

– Où sont les parents ?

– Ils ne viennent pas avant plusieurs jours. J'ai menti parce que je vousconnais et je ne voulais pas me retrouver dans la pagaille d'une de vos soirées. Et manifestement, j'ai bien fait.

– Qu'est-ce qui te fait dire ça ? demande Josh.

Elle indique un vase non loin de là, duquel ressort une petite culotte rose.

– Désolé. J'avais la charge du salon.

Josh range le sous-vêtement dans la poche de son jean.

– Je crois connaître la propriétaire, tente-t-il de se justifier. Je vais la luirapporter de ce pas.

Nous, ses amis, savons qu'il ne s'agit que d'une culotte de plus dans sa dirty collection. Une boîte qu'il remplit après chaque soirée. Il fait un câlin à Cherry, puis s'éclipse sans aucune gêne.

Cette dernière tente encore d'avancer.

– Pas si vite, s'interpose Teddy en récupérant le sac de Spencer. Tu connais la règle. Tu ne dors pas avec un homme.

– J'ai 23 ans, Teddy ! Et Spencer est gay.

– Peu m'importe. Si les parents ne viennent pas, tu restes dans leur chambre et lui dans la tienne.

– Mais...

Il ne la laisse pas finir sa phrase.

– La discussion est close, Cherry. Luka, aide-la à monter sa valise, s'il teplaît.

D'un pas ferme, il se dirige vers l'escalier. Spencer jette un regard perplexe à la seule femme parmi nous. Ses joues ont rougi de colère et d'embarras.

– Je suis désolée. Il est sympa, mais il peut se montrer parfois...– Protecteur ?

Elle plisse le nez.

– J'allais dire rustre, idiot, inconvenant, mais ton adjectif pourrait aussiconvenir. Attends, je te donne ma Ventoline, au cas où.

Elle se penche pour récupérer le médicament dans son sac à terre. Je ne peux pas ne pas étudier la forme de son corps dans cette position. Je trouve que... Stop, Luka !

Je n'ai pas le droit de faire ça. Je ne peux pas avoir des pensées impures pour la sœur de mon pote.

Elle se redresse, tend l'objet à son ami et lui intime :

– Monte, je te rejoins tout de suite.

Mouchoir au creux des yeux, il s'exécute non sans nous jeter un dernier regard suspicieux. Une fois qu'il est bien avancé dans l'escalier, elle plonge ses yeux dans les miens. J'ai l'impression qu'elle s'autorise enfin à me regarder. Elle se mord dangereusement la lèvre et remonte le menton d'une façon insolente.

– Salut.