Chapitre 4 Chapitre 4

Je m'abaisse et ramasse ma serviette pour cacher le rouge de mes joues.

D'accord, ma propension à me faire des films à son sujet est ingérable.

D'accord, il m'est complètement et totalement interdit.

Mais peut-être...

Peut-être pas tant que ça... non ?

1. « Ma bite est un stylo, c'est écrit partout sur son visage » (extrait de la chanson « All the Time », de Jeremih).

Luka...

Mon prénom me parvient de loin, comme si quelqu'un m'appelait au bout d'un long tunnel. La petite brise qui dorlote mes cheveux me souffle de me rendormir paisiblement. Je l'écoute. La nuit a été trop agitée pour que je veuille quitter les paisibles havres du sommeil.

Un léger mouvement entre mes jambes me fait esquisser un demisourire. Je ne sais plus avec qui j'ai terminé la soirée mais j'adore me réveiller avec des caresses sur le sexe. La main de la jeune femme est moins lourde que d'habitude. J'ai envie de lui dire que je préfère les attouchements plus directs mais mes lèvres restent scellées par la fatigue. Je n'ai pas la force d'exiger une branlette digne de ce nom. Une branlette tout court fera l'affaire.

– Luka !

La voix qui crie mon nom s'est rapprochée. C'est Teddy, mon meilleur pote, qui ignore sûrement qu'il est en train de gâcher mon moment de plaisir. Je ne réponds pas parce que je suis sûr que dès qu'il verra que je suis sur le point de recevoir une petite gâterie, il s'en ira sans demander son reste.

La main sur mon érection s'est immobilisée. J'essaie de l'encourager à poursuivre.

– Continue, ne t'arrête pas, soufflé-je.

Tandis que j'attends qu'elle repasse à l'acte, je sens mon corps se balancer doucement dans mon lit. Hum... bizarre, je n'ai pas de matelas à eau. Ce doit être les reliquats des effets de l'alcool que j'ai ingurgité hier. – Luka ! Qu'est-ce que tu es en train de...

La phrase de Teddy se termine dans un fou rire tellement tonitruant que j'écarquille les yeux de surprise. La scène se déroule à une allure beaucoup trop rapide pour mon esprit encore baigné de whisky. L'oiseau de malheur, que j'ai confondu – va savoir comment – avec une paume féminine, m'a mordu les burnes avant de filer se cacher dans le ciel. Mon mouvement de recul pour le chasser me fait tomber à la renverse dans la piscine. Très rapidement, je remonte à la surface.

– Josh, viens voir ! Luka était en train de supplier un oiseau de la lui tailler, lâche mon meilleur pote.

– Ta gueule, Ted ! crié-je en nageant pour me rapprocher de lui.

– Je ne t'avais jamais vu prendre autant ton pied.

Je grogne, m'accroche au bord et sors du bassin rectangulaire. Attiré par le bruit, Josh arrive dans le jardin avec une boisson verte entre les doigts. Il ne lâche jamais ses habitudes de sportif. Peu importe à quel point la nuit a été longue, dès qu'il se réveille, il se prépare un smoothie détox et va courir.

– Tu as dormi dans la piscine ? demande-t-il, sans grand étonnement dans le ton.

– Ce n'est pas la première fois, réponds-je.

Mon short alourdi dégouline sur mes pieds pendant que je me fraie un chemin entre mes potes, dépassant des bouteilles et des paquets de chips au sol pour me diriger vers ma chambre. En réalité, il s'agit de la chambre des invités des Preston, mais je l'occupe depuis tellement d'années qu'elle est devenue la mienne. Mes meilleurs potes à mes trousses, j'ouvre la baie vitrée puis retire mon short et mon boxer, que je laisse dehors pour ne pas mouiller l'intérieur.

– Sérieux, je ne l'ai jamais fait avec un animal. Comment c'était, Luka ? demande Ted.

– Est-ce qu'on peut dire que cet oiseau t'a donné des ailes ? continue Josh.

Ils sont tous les deux explosés de rire. Moi, je grommelle mon mécontentement avec une onomatopée indescriptible.

– Tu veux dire que son bec t'a fait monter au ciel ? renchérit Ted.

– Vous êtes désespérants. Pourquoi tu criais mon nom tout à l'heure ?

demandé-je pour changer de sujet.

– Quoi ? Tu aurais préféré que je te laisse te faire déplumer la queue ?

Ils n'arrêtent pas de rigoler et je finis par me joindre à eux. Ils sont cons, ça, c'est clair, mais qui se ressemble s'assemble. Je ne suis pas mieux.

– Vos gueules, putain !

Je rentre dans la salle de bains, fais fi des cernes que me renvoie le miroir ovale. Un soupir las s'échappe de mes lèvres. De toutes les soirées que nous avons faites ces trois dernières semaines, celle d'hier était la plus déjantée. Dans la douche, je tourne le mitigeur au moment où Teddy, sur le pas de la porte, explique :

– Cherry arrive avec une de ses potes et nos parents. Il faut qu'on rangele bordel de la maison.

Mes membres se bloquent. La vitrophanie opaque de la douche l'empêche de voir la réaction que cette nouvelle produit en moi.

– Je croyais que ta petite sœur devait passer l'été à Miami dans votremaison principale ?

– Tu passes trop de temps avec ton appareil photo ! Les vacances sont finies, Luka ! La rentrée est dans trois jours. Au fait, Cherry nous demande d'être courtois avec son amie. De ce que j'ai compris, elle s'est fait larguer trois fois d'affilée et, maintenant, elle déteste tous les hommes.

– Elle ne m'a pas encore rencontré, s'exclame fièrement Josh.

– Tu vas la dégoûter à vie, dit Ted en rigolant.

Moi, je ne ris plus. Je ne veux pas paraître prétentieux en montrant que l'arrivée de Cherry ne m'enchante pas. Leur fille a le droit de venir si elle le souhaite. C'est chez elle après tout. C'est juste que... je n'avais pas prévu de revoir Cherry aussitôt. Pas avant ses fiançailles ou la naissance de son premier gosse. Nous ne nous sommes pas croisés depuis quatre ans. Pour moi, le message était clair.

– Pourquoi elle ne retourne pas en Europe ? demandé-je d'une voix que je veux neutre.

– Je viens de le dire, la rentrée est dans quelques jours.

Les gouttes d'eau tiède qui s'écoulent du pommeau viennent balayer celles de la piscine.

– Tu... tu veux dire que Cherry est inscrite à notre ancienne fac ?

– Ouais ! Son échange universitaire est fini. Elle a décidé de reprendre l'entreprise de papa ici. Ils ont pensé qu'il valait mieux qu'elle termine la fac à Key West du coup. Elle se familiarisera plus facilement avec le marché et les clients en bossant à ses côtés. Je ne te l'avais pas dit ?

J'empoigne mon shampoing, un peu trop fort.

– Non, tu ne l'avais pas précisé, Ted, réponds-je avec un brin de contrariété dans le ton.

Heureusement qu'il ne peut pas me voir.

– J'espère que sa copine est bonne, réagit Josh depuis la chambre. J'ail'impression d'avoir géré toutes les filles de l'île.

– Pas toutes, rectifie notre pote. Tape-toi qui tu veux, du moment que cen'est pas ma sœur. Ce serait dégoûtant.

J'imagine d'ici le regard lourd d'avertissement de Teddy sur lui.

– N'est-ce pas, Luka ?

La mousse dans les cheveux, je me crispe. Il ne cherche pas juste une confirmation. Son ton sonne comme une mise en garde déguisée, à mon égard également.

– Ouais, carrément.