Chapitre 4 CHAPITRE 4

En tant qu'assistant, Liam voulait s'assurer que tout soit parfait. Après tout, il s'agissait de la future épouse de son patron. Un tel dîner méritait le meilleur.

- Inutile, répondit simplement Patrick.

Liam eut un sourire discret.

- Bien, Monsieur Lowen.

Il songea un instant à la rumeur persistante selon laquelle Patrick serait attiré par les hommes. Lui n'y croyait pas une seconde, mais l'histoire avait tellement circulé que même le vieux M. Lowen s'en était inquiété. Si seulement il pouvait voir son petit-fils rencontrer une femme aujourd'hui... il serait enfin rassuré, pensa Liam.

À des kilomètres de là, Gwendolyn posa le thermomètre et soupira de soulagement : la fièvre de Juliette était enfin tombée. La petite serrait sa poupée contre elle, le visage pâle et aminci.

- Je vais bien maintenant, maman, dit-elle d'une voix douce. Je n'ai plus besoin de prendre ces médicaments amers, hein ?

Gwendolyn caressa ses boucles dorées et lui sourit tendrement.

- Oui, ma chérie, tu es guérie. Mais souviens-toi : pas trop de sucreries, sinon tu retomberas malade.

Juliette avait toujours été fragile. À la naissance, elle pesait à peine deux kilos - un combat dès le premier jour. Elle dormait seulement dans les bras de sa mère et pleurait dès qu'on la posait. Gwendolyn avait passé des années à veiller sur elle, souvent les pieds nus dans les couloirs glacés des hôpitaux.

Cette fois encore, elle avait frôlé la panique. Les frais médicaux avaient dépassé vingt mille dollars, laissant son compte presque vide. Pourtant, elle n'avait toujours pas touché au demi-million qui dormait sur sa carte. Cet argent, elle n'en connaissait pas la provenance. Elle supposait que son grand-père le lui avait envoyé, mais la honte la retenait d'y toucher. Elle refusait de dépendre de qui que ce soit.

Elle sortit sur le balcon pour rentrer le linge, puis aperçut le manteau d'homme soigneusement plié dans l'armoire. Celui que Patrick Lowen lui avait prêté à l'hôpital. Lavé, repassé, prêt à être rendu.

Décidée, Gwendolyn chercha le numéro de son assistant et passa un appel.

- Bonjour, êtes-vous M. Derner ? demanda-t-elle poliment.

- Oui, c'est moi. Puis-je savoir qui parle ?

- Je m'appelle Gwendolyn Ashton. M. Lowen m'a prêté un manteau, et je souhaite le lui rendre. Est-il disponible aujourd'hui ?

Liam jeta un regard rapide à Patrick, installé dans un salon privé du restaurant.

- Venez à cette adresse, répondit-il. M. Lowen y déjeune en ce moment.

Il ne s'attarda pas sur l'appel, persuadé qu'il ne s'agissait que d'une connaissance ordinaire.

Après avoir raccroché, Gwendolyn se tourna vers Juliette, un sourire aux lèvres.

- Prépare-toi, ma chérie. On va sortir dîner.

La petite hocha la tête, ravie à l'idée d'accompagner sa mère, sans se douter qu'elles s'apprêtaient à croiser le chemin d'un homme qui allait, une fois encore, bouleverser leur destin.

Juliette s'ennuyait ferme depuis plusieurs jours à la maison. Soudain, un cri de joie lui échappa, brisant le silence de la pièce.

- Youpi !

Elle sauta sur place, toute excitée. À ce moment précis, Camille, la gouvernante, fit son retour. Elle portait les sacs de courses, ses bras chargés jusqu'aux coudes. Célibataire, en couple avec Gwendolyn depuis six ans, elle considérait la famille de cette dernière comme la sienne.

En voyant Juliette enfiler un manteau en fourrure rose à motifs de lapins, Camille esquissa un sourire attendri.

- Tu sors avec ta maman, Juliette ?

La petite fille, véritable portrait de Gwendolyn, aurait pu faire fondre n'importe qui avec ses grands yeux pétillants et son air candide. Sa douce voix et son manteau coloré la rendaient encore plus craquante.

Gwendolyn prit le sac contenant le manteau, puis la main de sa fille.

- Je sors un instant, Madame Ziegler. Pouvez-vous aller chercher les garçons à la sortie des cours ?

- Pas de problème, répondit Camille en souriant. Amuse-toi bien avec Juliette.

Ses pensées vagabondèrent un instant vers ce qui s'était passé quelques jours plus tôt. Juliette était tombée gravement malade pendant une visite dans sa ville natale. Depuis cet incident, Camille avait décidé de ne plus voyager. Elle resterait à la maison pour s'occuper des trois enfants, coûte que coûte.

- Je vous rapporterai de bons petits plats plus tard, Madame Ziegler ! lança Juliette en agitant la main.

Son ton enjoué montrait bien qu'elle allait mieux.

- Parfait, ma chérie. Merci, Juliette, répondit la gouvernante avec tendresse.

Sur le pas de la porte, Gwendolyn songea qu'il fallait bientôt payer Camille. Une légère inquiétude lui serra le cœur.

Il faut vraiment que je trouve un autre emploi à temps partiel...

Elle démarra sa vieille Fiat et prit la route jusqu'au restaurant privé. À peine entrée, Juliette poussa un petit cri émerveillé.

- Waouh, les plats ont l'air délicieux ! Je dois absolument commander à emporter pour Justin, Julian et Madame Ziegler !

La fillette avait toujours été très gourmande. Son appétit dépassait souvent celui de ses frères, même si elle restait fine et fragile, incapable de prendre le moindre gramme.

- Très bien, ma puce. Tu pourras commander après. Je vais juste rapporter le manteau, d'accord ?

Gwendolyn choisit une table près de la fenêtre, posa son sac et se dirigea vers le salon privé attenant. Juliette, restée seule, attrapa le menu et se mit à le feuilleter avec un sérieux comique. Elle ne savait pas lire, mais les photos l'aidaient à faire son choix.

Pendant ce temps, Gwendolyn, en route vers le salon, aperçut une silhouette familière. Son pas se ralentit.

Felicia.

Six ans sans se voir. Elle avait beaucoup changé. Son visage semblait... différent, presque artificiel. Peut-être avait-elle eu recours à la chirurgie. Elle était jolie, oui, mais dégageait cette superficialité propre aux influenceuses. Rien de naturel.

Felicia entra dans le salon VIP 101. Gwendolyn s'approcha d'un homme qui se tenait à la porte.

- Excusez-moi... êtes-vous Monsieur Derner ?

Liam leva les yeux, surpris. Il l'avait déjà vue en photo, mais en vrai, c'était une autre histoire. Vêtue d'un manteau noir et d'un pantalon moulant, Gwendolyn dégageait une élégance sobre et captivante.

- Oui, répondit-il avec un léger sourire. Êtes-vous Mademoiselle Ashton ?

Elle hocha la tête.

- Dites-moi, qui est la femme qui vient d'entrer ?

- C'est la fiancée de Monsieur Lowen, répondit-il naturellement.

Le visage de Gwendolyn se figea.

Ses doigts se crispèrent sur le manteau qu'elle tenait encore. La bonne impression qu'elle avait de Patrick s'effondra instantanément.

Sa fiancée... C'est donc Felicia.

Elle avait prévu de lui rendre son manteau et de le remercier personnellement, mais à présent, elle n'en voyait plus l'intérêt.

- C'est son manteau. Aidez-moi à le lui rendre, s'il vous plaît.

Sa voix était calme, presque froide. Sans attendre la réponse de Liam, elle fit demi-tour et s'éloigna d'un pas rapide.

Liam resta un instant immobile, songeur. Il avait voulu la retenir, mais se ravisa. Mieux valait éviter tout malentendu : c'était la première rencontre entre M. Lowen et sa fiancée. L'arrivée soudaine d'une autre femme aurait pu tout compliquer.

De retour dans la salle, Gwendolyn chercha Juliette du regard... mais la chaise était vide.

Son cœur manqua un battement.

Juliette avait disparu.

Gwendolyn sentit la panique monter lorsqu'elle constata que Juliette n'était plus à sa table. Son regard balaya la salle de restaurant, cherchant désespérément la petite silhouette familière. Rien. Son cœur se serra.

Elle interpella aussitôt un serveur.

- Excusez-moi... où est la petite fille qui est entrée avec moi tout à l'heure ?

Le serveur la reconnut immédiatement : cette adorable fillette aux grands yeux vifs et à la voix douce n'était pas passée inaperçue.

- Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, répondit-il avec un sourire rassurant. Elle est simplement allée se laver les mains.

Gwendolyn poussa un soupir de soulagement.

- Ah, c'est bien, murmura-t-elle. Elle se souvient de ce que je lui ai appris... toujours se laver les mains avant de manger.

Devant les toilettes, un lavabo commun brillait sous la lumière. Juliette se tenait sur la pointe des pieds, frottant ses mains pleines de mousse en chantonnant gaiement :

- ♪ Se laver les mains avant d'aller au lit te rendra plus jolie ! ♪