Les trahisons n'ont cessé de s'accumuler. Il a prétendu que c'était elle qui l'avait sauvé. Il m'a abandonnée lors d'un glissement de terrain pour la secourir. Quand je me suis réveillée à l'hôpital avec des côtes cassées, il m'a demandé de donner un greffon de peau de ma jambe pour réparer une égratignure sur son visage.
Il voulait mutiler mon corps pour la femme qui m'avait volé ma vie, la femme qui portait son enfant secret. Mon amour était un fardeau, mon sacrifice une blague dont ils riaient en cachette.
Puis j'ai découvert l'ultime vérité, celle qui m'a anéantie : notre certificat de mariage était un faux. Je n'avais jamais été sa femme, juste un simple bouche-trou.
Cette nuit-là, j'ai pris mon téléphone et j'ai appelé la seule personne dont il m'avait mise en garde.
« Alexandre », ai-je murmuré, la voix brisée. « J'ai besoin de partir. Peux-tu me rejoindre en Europe ? »
Chapitre 1
HÉLÈNE POV:
J'ai appris que mon mariage était terminé de la même manière que le reste du monde : par une alerte info. Mais le mensonge vivait dans ma maison depuis trois ans.
Pendant mille quatre-vingt-quinze jours, mon mari, Charles de la Roche, a eu des troubles de l'érection. Du moins, c'est ce qu'il me disait. C'était une condition qui n'existait qu'entre les murs de notre chambre, une cruauté qui m'était exclusivement réservée.
Ce soir, c'était le 1096ème jour. J'avais vu le rapport du médecin que je n'étais pas censée voir. Charles était en parfaite santé. Le mensonge était un mur qu'il avait construit entre nous, et ce soir, j'allais l'abattre.
Je me tenais devant son bureau, la main levée pour frapper, quand j'ai entendu des voix à l'intérieur. Le rire doux d'une femme, suivi du murmure grave de Charles. C'était Juliette, ma belle-sœur.
« Franchement, Charles, combien de temps encore vas-tu faire semblant avec elle ? Je ne supporte plus de vous voir ensemble », dit Juliette, sa voix suintant ce mépris familier qu'elle me réservait.
Ma main s'est figée en l'air. Mon cœur s'est mis à marteler mes côtes, tel un oiseau affolé, pris au piège.
« Encore un peu de temps, mon amour », la voix de Charles était une caresse, un ton qu'il n'avait jamais utilisé avec moi. « Grand-père surveille toujours. Il se sent redevable envers toi de m'avoir sauvé la vie dans l'accident. Ce mariage avec Hélène n'est qu'une comédie pour le satisfaire, pour te garder dans la famille. »
Le monde a basculé. Le souffle m'a manqué. Elle l'a sauvé ? Non. Ce n'était pas possible. C'est moi qui l'avais extirpé de l'épave en flammes de sa Ferrari. C'est moi dont les mains portaient les cicatrices du verre brisé et du métal tordu.
Les mots suivants de Charles ont fait voler en éclats ce qui restait de mon univers.
« Juliette, tu sais bien que je ne supporte pas de la toucher. Cette parodie de mariage est le seul moyen pour moi d'être avec toi. Une fois que j'aurai le contrôle total du Groupe de la Roche, nous pourrons être ensemble. Pour de bon. »
Il l'aimait. Il l'avait toujours aimée.
« Et qu'en est-il de son frère, Guillaume ? » La voix de Juliette était empreinte d'une cruelle ironie. « Son dernier vœu était que tu prennes soin de sa petite sœur. Il doit se retourner dans sa tombe. »
« Il aurait dû se mêler de ses affaires », cracha Charles, sa voix devenant soudainement glaciale. « Sans lui, je t'aurais épousée il y a des années. Toute ma gentillesse envers Hélène, toute ma patience... ce n'était qu'un jeu d'acteur. Chaque seconde avec elle me semble une éternité. »
Une vague de nausée m'a submergée. Ces trois dernières années, mon amour patient, les soins attentifs que j'avais prodigués à son prétendu traumatisme, mon soutien indéfectible... tout cela n'était qu'une farce pour eux. Une histoire dont ils riaient en secret.
Tout mon mariage était un mensonge. Mon amour était un fardeau. Ma simple présence était un spectacle qu'il était forcé d'endurer.
Mon estomac s'est noué, et un goût amer m'est monté à la gorge. J'ai reculé de la porte, ma main se plaquant sur ma bouche pour étouffer un sanglot. Mon pied s'est pris dans le bord du tapis d'Aubusson, et je suis tombée lourdement, mon genou heurtant violemment le sol en marbre.
Une douleur fulgurante a parcouru ma jambe, vive et brûlante. C'était le même genou que je m'étais blessé en le sortant de cet amas de ferraille. Une nouvelle douleur se superposait à une vieille cicatrice, un rappel physique de la vérité.
Je me suis souvenue du jour où il m'avait demandée en mariage. Il avait pris mes mains cicatrisées dans les siennes, ses yeux remplis de ce que je croyais être de l'adoration. « Hélène », avait-il dit, « ces mains m'ont sauvé la vie. Laisse-moi passer le reste de la mienne à les chérir. »
Tout n'était qu'un mensonge. Un mensonge sublime et dévastateur.
Mon amour pour Charles avait commencé à l'adolescence. Il était le meilleur ami de mon frère, charismatique et brillant. J'avais eu le béguin pour lui pendant des années, écrivant son nom dans mes cahiers, rêvant d'un avenir qui ressemblait maintenant à un cauchemar. J'avais consacré dix ans de ma vie à l'aimer, dont trois en tant que sa femme.
Et pour quoi ? Pour lui servir d'alibi. Pour être le bouche-trou de la femme qu'il aimait vraiment. Pour être un pion dans leur jeu pervers.
Chaque contact doux, chaque « Je suis désolé, Hélène, c'est le traumatisme », chaque nuit passée dans notre lit commun et stérile... tout cela était du poison. Il m'avait épousée pour rembourser une dette envers Juliette. Une dette que j'avais méritée.
Un haut-le-cœur violent m'a échappé. Je me suis relevée en chancelant, mon corps secoué de tremblements incontrôlables. Je devais sortir. Je devais m'échapper de cette maison de mensonges.
Mon téléphone me semblait lourd dans ma main tremblante. J'ai fait défiler mes contacts, mes yeux brouillés de larmes, jusqu'à ce que je trouve son nom. Un nom que je n'avais pas appelé depuis trois ans, depuis que Charles m'avait subtilement convaincue qu'il était une mauvaise influence.
Alexandre Dubois. Mon ami d'enfance. Mon ancre, avant que Charles ne devienne ma tempête.
Le téléphone a sonné deux fois avant qu'il ne décroche.
« Hélène ? » Sa voix était hésitante, surprise.
Le son de son nom sur mes lèvres n'était qu'un murmure rauque. « Alexandre. »
« Salut », dit-il, son ton passant de la surprise à l'inquiétude. « Ça fait un bail. Tout va bien ? »
Je ne parvenais pas à formuler les mots. Un sanglot étranglé fut ma seule réponse.
« Hélène ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Où es-tu ? »
« J'ai besoin de toi », ai-je finalement réussi à dire, les mots se brisant. « Peux-tu m'aider ? Je dois partir. »
Il y eut une pause à l'autre bout du fil, un silence qui sembla une éternité.
« Oui », dit-il, sa voix maintenant ferme, sérieuse. « Bien sûr. Où veux-tu que je sois ? »
Il n'a pas demandé pourquoi. Il n'en avait pas besoin. Il avait vu les ombres dans mes yeux le jour de mon mariage.
« Je peux réserver un vol », ai-je chuchoté. « Peux-tu... peux-tu me rejoindre en Europe ? »
« Tout ce que tu veux », dit-il, sa voix comme une bouée de sauvetage dans l'obscurité. « Mais et lui ? »
« Il ne doit pas savoir », dis-je, la voix tremblante. « Pas encore. »
Un autre son étranglé s'échappa de derrière la porte du bureau. Un gémissement de femme.
J'ai eu la nausée.
J'ai de nouveau entendu la voix de Charles, étouffée mais assez claire. « Ne t'inquiète pas, mon amour. Le bébé aura tout. Nous dirons à tout le monde que c'est un miracle. Nous dirons que c'est le mien et celui d'Hélène. Elle sera la couverture parfaite, comme toujours. »