Le lendemain, elle franchit de nouveau le seuil de la tour Blackwell. Le trajet dans l'ascenseur lui sembla interminable, comme une montée vers un sommet où l'air se raréfie. Lorsqu'elle entra dans son bureau, Damian l'attendait déjà, immobile derrière son immense table en ébène, ses doigts joints, ses yeux fixés sur elle avec une intensité qui la fit frissonner.
- Vous êtes venue, dit-il d'un ton neutre, mais son regard avait l'éclat d'une victoire.
Elle serra les poings.
- Je ne suis pas là pour céder. Je refuse vos conditions.
Un silence s'installa, suivi d'un sourire imperceptible sur ses lèvres. Damian se leva lentement, contourna le bureau et s'approcha d'elle comme un prédateur qui connaît déjà l'issue de la chasse.
- Refuser ? murmura-t-il. Savez-vous vraiment ce que cela signifie ?
Elle tenta de soutenir son regard, mais il s'y logeait une profondeur sombre qui l'engloutissait. Il ne criait pas, il ne menaçait pas : il exposait les faits, froidement, méthodiquement, comme un chirurgien dissèque une plaie.
- Votre père passera le reste de sa vie enfermé, ses biens saisis, ses alliés retournés contre lui. Votre nom sera synonyme de déshonneur. Vous n'avez plus d'argent, plus de réseau, plus personne pour vous tendre la main. Et tout cela, je peux le réduire à néant d'un simple geste.
Ses mots tombaient l'un après l'autre comme des coups de marteau sur une pierre déjà fendue. Amaya sentit sa gorge se nouer. Elle voulut répliquer, mais rien ne sortit, si ce n'est un souffle fragile.
Damian s'était approché si près qu'elle perçut la chaleur qui émanait de lui, mélange enivrant de danger et d'assurance. Son parfum sombre, boisé, l'enveloppait comme une caresse invisible. Un courant invisible vibrait entre eux, à la fois terrifiant et irrésistible.
- Pourquoi moi ? réussit-elle à souffler, la voix tremblante.
Il pencha légèrement la tête, ses yeux brillant d'un éclat insondable.
- Parce que vous êtes à la croisée des chemins. Une femme qui a tout perdu est une femme qui n'a plus de chaînes... sauf celles qu'elle choisit elle-même.
Amaya recula d'un pas, mais il la suivit, la tenant prisonnière de ce magnétisme insoutenable. Son cœur battait si fort qu'elle crut qu'il allait se briser. Elle voulait crier qu'elle le détestait, qu'elle ne plierait jamais, mais ses lèvres restaient closes, prisonnières d'un vertige qu'elle ne comprenait pas.
Damian sortit alors un document d'un tiroir et le posa devant elle. Son regard se fixa sur elle, brûlant, exigeant.
- Signez, et je m'occupe du reste. Refusez, et regardez votre monde s'écrouler jusqu'à ce qu'il ne reste que des cendres.
Ses doigts tremblaient lorsqu'elle saisit le stylo. Elle lutta encore une seconde, deux, mais l'image de son père menotté la transperça. Ses yeux se brouillèrent de larmes qu'elle refusa de laisser couler. Et, dans un souffle brisé, elle traça son nom.
Le silence qui suivit fut lourd, irréel. Damian prit le papier, le rangea avec une précision presque cérémonielle, puis releva vers elle ce regard noir qui semblait l'avoir déjà possédée.
- Bienvenue dans mon monde, dit-il simplement.
Un frisson la parcourut de la nuque aux chevilles. Elle savait qu'elle venait de franchir une frontière invisible, un point de non-retour. Et, dans ce vertige d'angoisse et de désir entremêlés, une certitude glaçante s'imposa à elle : elle venait de se livrer à un homme qui ne renonçait jamais à ce qu'il convoitait.