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Le sédatif entraîna Éloïse dans un gouffre noir, mais il n'y avait pas de paix là-bas. Les cauchemars vinrent, vifs et cruels. Elle était de retour dans la cave humide et froide, l'odeur de moisi et de peur épaisse dans l'air.
Ses mains étaient attachées à une chaise. Ève Mathews se tenait devant elle, non pas la douce et innocente jeune fille que le monde voyait, mais un monstre au visage d'ange.
« Tu es toujours aussi fière, n'est-ce pas, Éloïse ? » La voix d'Ève était douce, mélodieuse, mais lacée de venin. « Même maintenant. »
Éloïse essaya de parler, de crier, mais un bâillon était enfoncé dans sa bouche. Elle ne pouvait que foudroyer du regard la femme qui lui avait volé sa vie.
Ève rit. « Oh, ce regard. J'ai vu ce regard toute ma vie. Le regard de la princesse pour la pauvre petite fille de la bonne. Tu ne m'as jamais vue, n'est-ce pas ? Je faisais juste partie des meubles. »
La mère d'Ève avait été gouvernante au domaine des Delacroix. Une confession sur son lit de mort avait révélé la vérité : elle avait échangé les bébés à la naissance. Ève était l'enfant biologique d'Antoine Delacroix. Éloïse était la fille de la gouvernante.
« Ma mère voulait une vie meilleure pour moi », continua Ève en tournant autour de la chaise. « Elle m'a donnée à eux. Mais ils t'ont tout donné. Le nom. L'argent. Le pouvoir. Ils t'ont même donné Adrien. »
À la mention de son nom, une nouvelle vague de douleur frappa Éloïse.
« Ne t'inquiète pas », ronronna Ève en se penchant près d'elle. « Je prendrai bien soin de lui. Il est déjà à moi. Le test ADN l'a prouvé. Je suis la vraie Delacroix. Tu n'es que... de la merde. »
Le souvenir de la réunion de famille se joua dans sa tête. Son père, Antoine, la regardant comme si elle était un produit défectueux qu'il retournait.
« Tu ne fais plus partie de cette famille, Éloïse. Tu es une voleuse et une menteuse. Tu n'es rien pour moi. »
Alicia, sa belle-mère, avait été encore plus cruelle. « J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez toi. Tu n'as jamais été reconnaissante. Maintenant, nous avons une vraie fille. Une fille qui mérite le nom Delacroix. »
Les mots avaient fait plus mal que n'importe quel coup physique. La trahison absolue des gens qui étaient censés l'aimer.
Dans la cave, Ève prit une petite bouteille sur une table. « Je dois m'assurer que tu ne reviennes jamais. Que tu ne puisses jamais dire la vérité à personne. »
Les yeux d'Éloïse s'écarquillèrent de terreur quand Ève déboucha la bouteille. L'odeur âcre de l'acide emplit l'air.
« Ça va ruiner ce joli visage que tu as », dit Ève d'un ton conversationnel. « Le visage que tout le monde adorait. »
Elle inclina la bouteille. Le feu liquide frappa la peau d'Éloïse. La douleur était absolue, inimaginable. Elle la consuma. Elle se débattit sur la chaise, mais il n'y avait aucune échappatoire.
À travers un brouillard d'agonie, elle vit Ève sourire.
« Maintenant, pour ça », dit Ève en ramassant un lourd marteau. Elle attrapa la main gauche d'Éloïse. « Tu étais peintre, n'est-ce pas ? Si artistique. Si talentueuse. »
Le premier coup atterrit sur ses articulations. Le bruit des os qui se brisent résonna dans la petite pièce. Puis un autre, et un autre. Éloïse hurla dans le bâillon, le son une agonie étouffée.
« Et cette voix », dit Ève, son travail terminé. Elle sortit une paire de ciseaux chirurgicaux. « Toujours si autoritaire. Si sûre de toi. Les gens t'écoutaient toujours. »
Elle arracha le bâillon de la bouche d'Éloïse. Éloïse haleta, la gorge à vif.
« S'il te plaît », râla-t-elle. « Ne fais pas ça. »
« Tu supplies ? Comme c'est pathétique », ricana Ève. Elle força la bouche d'Éloïse à s'ouvrir.
Le souvenir devint un flou de métal froid et de douleur aveuglante. Elle sentit une sensation de déchirement, un flot de sang. Et puis, le silence. Elle ne pouvait plus émettre un son.
Ève s'était penchée, son souffle chaud sur le visage ensanglanté d'Éloïse. « Je leur dirai que tu t'es enfuie en Europe avec l'argent. Adrien et moi allons nous marier. Il t'oubliera complètement. Ils t'oublieront tous. »
Le rêve changea. Ève était partie, et Éloïse était à l'arrière d'une camionnette, jetée sur un tas de chiffons. Ils roulèrent pendant des heures, s'arrêtant finalement dans une ville désolée et misérable au milieu de nulle part. Deux hommes costauds la traînèrent dehors et la jetèrent dans un fossé au bord d'une route de terre.
« Le patron a dit de te laisser ici », grogna l'un d'eux. « Bonne chance. »
Ils partirent, la laissant brisée, défigurée et muette dans un endroit où personne ne connaissait son nom.
Elle se réveilla dans la clinique, haletante, le corps trempé de sueur. La chambre blanche et austère fut un choc après l'obscurité du rêve. Une infirmière se précipita.
« Tout va bien, vous êtes en sécurité », dit l'infirmière, sa voix douce.
Mais Éloïse n'était pas en sécurité. Les souvenirs étaient toujours là, l'attendant. Elle était piégée dans la prison de son propre esprit.
Elle regarda sa main mutilée, les horribles cicatrices sur son bras. Ce n'était pas un rêve. C'était réel. Tout.
Elle ferma les yeux, mais les images ne voulaient pas disparaître. Le sourire triomphant d'Ève. Le visage confus, puis méprisant d'Adrien dans la ruelle. Le rejet glacial de son père.
La douleur émotionnelle était une pulsation constante et profonde, bien pire que toutes ses blessures physiques. Ils n'avaient pas seulement détruit son corps. Ils avaient détruit son âme.
Sa seule pensée était pour Adrien. Le garçon avec qui elle avait grandi, l'homme qu'elle avait aimé. Il l'avait regardée, avait vu le tatouage qui les liait, et il s'était quand même détourné. Il avait choisi le mensonge. Il avait choisi Ève.
C'était la blessure la plus profonde de toutes.
Une larme s'échappa de son œil et glissa sur sa joue balafrée. Ce n'était pas une larme de tristesse, mais de désespoir total et creux.