Quand je sortis enfin de la cabine d'essayage, resplendissante en soie argentée, Christian m'attendait, les cheveux légèrement en désordre.
« Désolé », dit-il, sans croiser mon regard. « J'ai eu un problème d'estomac soudain. J'ai dû aller aux toilettes. »
Le mensonge était si pathétique, si transparent, que c'en était presque drôle.
Je ne dis pas un mot. Je me suis juste retournée et suis sortie de la boutique, le laissant se dépêcher de me suivre.
Il passa les trois jours suivants dans un état d'affection écœurante et excessive, essayant de « se racheter » pour sa prétendue négligence. C'était une performance, et j'étais le public involontaire.
Le gala d'anniversaire de Jules était une affaire spectaculaire. La salle de bal du plus grand hôtel de la ville était transformée en un fantasme d'enfant, avec d'imposantes sculptures de ballons et un bar à bonbons qui s'étendait sur toute la longueur de la pièce. C'était un témoignage de la richesse de Christian et de son dévouement à son image publique.
J'avais fait mes propres préparatifs. J'avais invité plusieurs des partenaires commerciaux et investisseurs clés de Christian, des hommes dont l'opinion comptait.
La soirée s'éternisa, un flou de faux sourires et de conversations polies. Finalement, le moment arriva. L'énorme gâteau d'anniversaire fut amené, et Christian monta sur scène pour faire un discours. Il était un maître, charmant et éloquent, peignant le tableau d'une famille parfaite et aimante.
Puis, il se tourna vers moi. « Et maintenant, quelques mots de ma magnifique épouse, Carmen. »
Je me dirigeai vers la scène, le micro froid dans ma main. Je regardai la mer de visages expectatifs, le sourire fier de Christian, Cassandre se tenant discrètement dans un coin.
« Merci à tous d'être venus célébrer le septième anniversaire de Jules », commençai-je, ma voix claire et stable. « Mais il y a quelque chose que vous devez tous savoir. Jules n'est pas mon fils. »
Un hoquet collectif parcourut la salle. Le silence qui suivit fut assourdissant. Le sourire de Christian se figea, puis se tordit en une grimace. Ses parents, assis à la table d'honneur, semblaient complètement déconcertés.
Je vis la main de Cassandre voler à sa bouche, ses yeux écarquillés de ce que je pensais être de la panique. J'ai pris ça pour de la peur. Je pensais qu'elle était acculée. J'avais tort.
« J'ai des preuves », dis-je, ma voix résonnant de triomphe. Je brandis une copie du test ADN. « C'est un test de paternité. Il prouve... »
Je flanchai. J'avais baissé les yeux sur le papier dans ma main, et les mots n'étaient pas ce à quoi je m'attendais. Mes yeux se levèrent brusquement, balayant la foule jusqu'à ce qu'ils se posent sur Cassandre. Elle me regardait, un minuscule sourire triomphant jouant sur ses lèvres.
Elle avait échangé les rapports.
« Qu'est-ce qu'il y a d'écrit, ma chérie ? » lança mon beau-père, sa voix empreinte de confusion.
Je fixai le papier, les mots accablants, impossibles. Probabilité de Maternité : 99,99 %. Probabilité de Paternité : 0 %.
Selon ce document falsifié, Jules était mon fils, mais pas celui de Christian. C'était moi l'infidèle.
« Cassandre », sifflai-je, ma voix tremblant de rage. « C'est toi qui as fait ça. »
Elle recula, ses yeux s'emplissant de larmes. « Carmen, je... je ne sais pas de quoi tu parles. Je sais que tu as été sous beaucoup de stress ces derniers temps... »
« Elle ment ! » criai-je, me tournant vers la foule. « Christian est le père ! Ils ont eu une liaison ! »
Cassandre laissa échapper un sanglot, un son parfait et déchirant. « Je vous jure, il n'y a rien entre M. Norman et moi. Je ne trahirais jamais votre confiance comme ça, Carmen. »
Le récit avait été retourné avec une expertise terrifiante. Les murmures dans la foule se tournèrent contre moi.
« Je n'arrive pas à croire qu'elle lave son linge sale en public comme ça. »
« Et dire que Christian est si bon avec elle. Il élève l'enfant d'un autre homme comme le sien. »
Christian s'avança, enroulant un bras protecteur autour de Cassandre. Il me regarda avec une expression de profonde déception. « Carmen, ça suffit. C'est un malentendu. Nous pouvons en parler à la maison. »
Il fit un signe de tête subtil aux invités. « Je m'excuse pour ce dérangement. S'il vous plaît, profitez du reste de la soirée. »
Les invités, sentant que le drame était terminé, commencèrent à s'éloigner, murmurant des promesses de garder le « secret de famille ».
Je restai sur scène, isolée et humiliée, sentant le poids d'une centaine de regards accusateurs. Le pire était le visage de Christian. Il savait. Il connaissait la vérité, et il choisissait de me laisser porter le chapeau, pour protéger sa maîtresse, pour protéger son mensonge.
Mes beaux-parents se précipitèrent sur scène. « Christian, que se passe-t-il ? » exigea sa mère.
« Ce n'est rien, Maman », dit-il, sa voix douce comme de la soie. « Carmen est juste un peu... émotive ces derniers temps. C'est de ma faute. J'ai trop travaillé. »
« Comment oses-tu ? » crachai-je, la voix tremblante. « Dis-leur la vérité ! Dis-leur que tu es un lâche et un menteur ! »
Il me regarda, ses yeux froids comme de la glace. « Je pense que c'est toi qui dois une explication à tout le monde, Carmen. »
Sa mère se tourna contre moi. « Carmen, comment as-tu pu faire ça à Christian ? Après tout ce qu'il a fait pour toi ? »
Le front uni était impénétrable. J'étais la folle. L'infidèle. La méchante de leur histoire tordue.