« Ne bouge pas. Je m'occupe de tout. Tu auras un nouveau passeport, un nouveau nom et une confirmation de vol dans l'heure. Les parts sont une offre généreuse, Alix, mais mon aide n'en dépend pas. »
« Non », dit-elle, sa voix se raffermissant. « C'est une transaction. J'achète ma liberté. Vous le détestez. Démonter son entreprise de l'intérieur sera votre récompense. »
Elle connaissait assez bien Damien pour savoir qu'il était pragmatique. Faire appel à sa rivalité avec Adrien était plus intelligent que de faire appel à sa pitié.
Il y eut une brève pause à l'autre bout du fil. « D'accord, Alix. C'est une transaction. J'envoie une voiture. Sois prête. »
La ligne se coupa.
Le soulagement et la terreur se livraient bataille en elle. Elle se déplaça rapidement, sa main brisée un rappel sourd et lancinant de sa réalité. Elle trouva une pile de documents sur le bureau d'Adrien – des propositions d'investissement, des contrats, des accords de partenariat.
Au bas de la pile, elle glissa les papiers de divorce que son avocat avait rédigés des mois auparavant, un fantasme qu'elle n'aurait jamais cru avoir le courage de réaliser.
Elle retourna dans sa chambre, ses pas légers, presque flottants.
Adrien revint une heure plus tard. Il la trouva allongée dans son lit, l'image d'une épouse fragile et repentante.
Il se précipita à ses côtés, le visage empreint d'inquiétude. Il prit sa main non blessée, son contact étonnamment doux.
« Mon amour, je suis tellement désolé », murmura-t-il, la voix chargée de ce qui ressemblait à un regret sincère. « Je déteste te faire ça. Je déteste ça. »
Il se pencha, son souffle chaud contre son oreille. « Ne pense jamais à me quitter, Alix. Je ne sais pas ce que je ferais. Je crois que je deviendrais fou. »
Elle se souvint de la fois où elle était partie pour une conférence d'architecture de trois jours à Lyon. Il avait suivi son avion, acheté toutes les chambres de l'hôtel où elle séjournait et avait fait une crise de panique quand son téléphone s'était éteint pendant deux heures. Il était obsessionnel. Possessif.
Il ne voyait pas son amour comme un cadeau, mais comme sa propriété.
Alix le regarda simplement, son expression soigneusement neutre. Elle ne pouvait pas le laisser voir la fureur froide qui couvait sous la surface.
« J'ai de nouveaux projets que j'aimerais que tu regardes », dit-elle, la voix douce. « C'est un nouveau projet de complexe hôtelier. Les investisseurs sont impatients. »
Elle fit glisser la pile de papiers sur le lit, l'accord de divorce caché en toute sécurité à l'intérieur. « Ta signature est nécessaire pour l'approbation préliminaire. »
Adrien, désireux de retrouver son rôle de mari compréhensif, ne les regarda même pas. Il lui faisait une confiance aveugle en matière d'affaires et de design. C'était le seul domaine où il la considérait comme son égale.
Il prit son stylo et signa la première page, puis feuilleta, signant chacune sans réfléchir. Sa signature sur les papiers de divorce était un gribouillis rapide et arrogant.
« Tout ce que tu veux, mon amour », dit-il en mettant les papiers de côté. « Je soutiendrai toujours tes rêves. »
Elle sentit une pointe de triomphe amer. Il venait de signer la fin de son mariage, et il n'en avait aucune idée.
Il insista ensuite pour la nourrir lui-même, apportant un plateau de soupe et de pain au chevet du lit. C'était un monstre, mais sa performance de mari aimant était impeccable.
Alors qu'elle finissait la dernière cuillerée, la porte de sa chambre s'ouvrit brusquement.
Chloé se tenait là, un sourire vicieux aux lèvres. Elle brandit son téléphone.
« Regarde ça, Alix. Une nouvelle cicatrice pour ta collection. Celle sur ta main est particulièrement laide. Je me demande si tu pourras un jour tenir un crayon à nouveau. »
Sur son téléphone, il y avait une photo en gros plan de la main meurtrie et enflée d'Alix.
Alix se souvenait vivement de cette punition. Adrien lui avait cassé deux doigts parce que Chloé prétendait qu'Alix lui avait lancé un « sale regard ».
« Efface ça, Chloé », dit Alix, la voix basse. « Et sors de ma chambre. »
« Fais-moi sortir », la nargua Chloé en s'approchant.
Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Adrien revenait.
Les yeux de Chloé se tournèrent vers la porte, une lueur de panique puis d'inspiration cruelle dans son regard.
Elle attrapa un coupe-papier sur le bureau d'Alix, se fit une entaille superficielle sur le bras et recula juste au moment où Adrien entrait.
« Adrien ! » s'écria-t-elle, des larmes coulant sur son visage. « Alix... elle m'a attaquée ! Elle a dit qu'elle allait me tuer ! »
Les yeux d'Adrien volèrent du bras ensanglanté de Chloé au coupe-papier par terre près des pieds d'Alix.
Alix s'attendait à l'explosion. À la rage. À la croyance immédiate dans les mensonges de Chloé.
Mais cela n'arriva pas.
Adrien ignora complètement Chloé. Il se précipita aux côtés d'Alix.
« Tu vas bien ? Elle t'a fait mal ? » demanda-t-il, ses mains planant au-dessus d'elle, vérifiant s'il y avait des blessures.
Il regarda Chloé avec une froide irritation. « Chloé, qu'est-ce que tu fais ici ? »
« Elle a essayé de me poignarder ! » hurla Chloé en tendant son bras.
« Alix est blessée. Elle peut à peine bouger, encore moins t'attaquer », dit Adrien, la voix plate. « Ne sois pas ridicule. »
Alix le dévisagea, perplexe. C'était une première. Il la défendait.
« Je ne l'ai pas touchée, Adrien », dit Alix, sa voix tremblant d'un mélange de fureur et d'émotion sincère. « Vérifie les caméras. S'il te plaît. Juste, vérifie les caméras pour une fois. »
Son corps entier tremblait. L'injustice de tout cela, les années d'accusations sans fondement, s'abattirent sur elle.
Le visage d'Adrien s'adoucit. Il la serra doucement dans ses bras. « Chut, mon amour. Ce n'est rien. Je te crois. Je te croirai toujours. »
Il lui caressa les cheveux. « Tu n'as rien à me prouver. »
Il se tourna ensuite vers Chloé. « Rentre chez toi, Chloé. Alix a besoin de se reposer. »
Chloé parut stupéfaite, puis furieuse, mais elle sortit de la pièce en trombe.
Alix sentit une lueur de quelque chose de dangereux. L'espoir.
« Tu... tu me crois vraiment ? » demanda-t-elle, d'une petite voix.
« Bien sûr, mon amour », murmura-t-il en lui embrassant le front. Il la serra fort un instant, puis la lâcha. « Je vais te chercher de l'eau. Ne bouge pas. »
Il sortit de la pièce, ses pas s'éloignant dans le couloir.
Alix laissa échapper un souffle qu'elle n'avait pas réalisé qu'elle retenait. Pendant un seul instant de folie, elle pensa qu'elle s'était peut-être trompée. Qu'il pouvait peut-être changer.
Cette pensée fut anéantie une seconde plus tard.
Quelqu'un l'attrapa par derrière, une main serrant un chiffon imbibé de produit chimique sur sa bouche et son nez.
Le monde bascula, l'odeur douce et écœurante remplissant ses poumons.
Sa dernière pensée consciente fut les derniers mots d'Adrien. Je te crois.
Un autre mensonge. Le plus brutal de tous.