Chapitre 4 Chapitre 4 : La Première Éclat

Le silence était devenu un linceul entre Maïa et Alexandre, un silence si pesant qu'il étouffait les moindres étincelles de leur ancien amour. Les mots doux s'étaient éteints, remplacés par des non-dits cinglants et des regards froids. Mais bientôt, même ce silence précaire allait être brisé par l'écho des premiers chocs, les prémices d'une violence qui allait déchirer le voile de leur existence.

Maïa, désespérée, tentait encore de communiquer, de percer le mur de glace qu'Alexandre avait érigé entre eux. Son cœur criait au secours, incapable d'accepter que l'homme qu'elle aimait s'était transformé en étranger, puis en bourreau.

Un soir, après un dîner où Alexandre avait à peine prononcé dix mots, Maïa le suivit dans le salon. Il s'était affalé sur le canapé, le regard rivé sur son téléphone, comme si le monde entier se résumait à cet écran lumineux. La tension était si palpable qu'elle crépitait dans l'air.

« Alexandre, s'il te plaît, » commença-t-elle, sa voix hésitante mais ferme. « On ne peut pas continuer comme ça. On ne se parle plus. Tu es... distant. »

Il leva lentement les yeux de son téléphone, son expression un mélange de fatigue et d'agacement. « Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Maïa ? Que tu as raison ? Tu es toujours en train de te plaindre. »

« Je ne me plains pas, » rétorqua-t-elle, les larmes commençant à piquer ses yeux. « Je suis malheureuse. Je ne te reconnais plus. On voulait cet enfant ensemble, on rêvait d'une famille ! Et maintenant... c'est comme si j'étais la seule fautive. Ta famille me harcèle, et toi... tu me rabaisses ! »

Son visage se crispa. « Harcèlement ? Tu appelles ça du harcèlement ? Ils veulent juste un petit-enfant ! C'est si difficile à comprendre pour toi ? Tu es incapable de leur donner ce qu'ils attendent, et ce que j'attends aussi ! » Le mot incapable résonna, plus fort, plus cinglant que jamais.

Maïa recula d'un pas. « Incapable ? Mais les médecins ont dit qu'il n'y avait rien ! Et même s'il y avait un problème, c'est ensemble qu'on devrait affronter ça, pas en te retournant contre moi ! » Sa voix monta d'un cran, la frustration et la douleur la submergeant. « Je suis ta fiancée, Alexandre ! Je ne suis pas une machine à fabriquer des bébés pour ta famille ! »

Ce fut comme si un interrupteur venait d'être enclenché. Le visage d'Alexandre se déforma, une veine palpitant à sa tempe. Ses yeux bleus acier, si souvent empreints de tendresse, devinrent d'une froideur mortelle, des gouffres de fureur. « Tu me parles sur ce ton, maintenant ? » sa voix était basse, dangereuse. « Tu crois que je n'ai pas le droit d'être fatigué de cette situation ? Fatigué d'avoir une femme qui est incapable de me donner un héritier ? Une femme qui ne fait que pleurer et se plaindre ? »

Il se leva d'un bond, son corps tendu, et Maïa recula encore, le dos plaqué contre le mur. Elle ne l'avait jamais vu si furieux. L'air était soudain chargé d'une électricité dangereuse.

« Mais je... je t'aime, Alexandre, » bredouilla-t-elle, les larmes roulant enfin sur ses joues. « Je veux qu'on retrouve notre complicité, qu'on soit heureux... »

« Heureux ? » Il ricana, un son amer et déformé. « Comment veux-tu que je sois heureux quand tout ce que je vois, c'est cette déception dans les yeux de mes parents ? Cette... cette lacune ! » Il fit un geste vague vers son ventre. « Tu es une lacune, Maïa ! »

Ces mots furent une gifle plus violente que n'importe quel coup. Maïa sentit une douleur physique poignante dans sa poitrine. « Arrête ! » cria-t-elle, une dernière tentative de le ramener à la raison. « Arrête de dire ça ! »

C'est là que le barrage céda. La main d'Alexandre, qu'elle avait connue si douce, si protectrice, s'abattit sur sa joue. Le son claqua dans le silence du grand salon, fort, brutal, comme un coup de fusil. La tête de Maïa fut projetée sur le côté, une douleur fulgurante la traversant. Elle tomba à genoux, la bouche ouverte d'incrédulité, sa main portée à sa joue rougie, brûlante.

Le choc fut si intense qu'elle ne put même pas crier. Elle leva les yeux vers lui, le visage brouillé par les larmes, cherchant une once de regret, une étincelle de l'Alexandre qu'elle connaissait. Mais il n'y avait rien. Son visage était une toile de fureur froide, sans la moindre trace d'humanité.

« Ça, c'est pour que tu apprennes à te taire, » cracha-t-il, sa voix rauque de rage. « Tu commences à me taper sur les nerfs avec tes jérémiades. Tu n'es bonne qu'à ça, visiblement ! »

Il se détourna, la laissant seule, à genoux sur le sol, le corps tremblant, le cœur brisé en mille morceaux. La douleur physique était intense, mais la douleur morale, celle de la trahison, de la haine dans ses yeux, était mille fois pire. Elle resta là, prostrée, le goût du sang dans la bouche, le silence pesant des murs luxueux étant les seuls témoins de son calvaire.

Les jours qui suivirent furent un purgatoire. Maïa se murait dans un silence protecteur. Elle évitait le regard d'Alexandre, inventant des excuses pour ne pas dîner avec lui, pour rester dans la chambre d'amis qu'elle avait commencé à occuper la plupart du temps. La joue n'était plus enflée, mais la marque invisible de la gifle était gravée dans sa chair, dans son âme.

Alexandre, lui, agissait comme si rien ne s'était passé. Il la saluait le matin d'un air distant, vaquait à ses occupations. C'était cette normalité forcée qui était la plus terrifiante. Comme si la violence était devenue une chose banale, un incident sans importance. Maïa, sidérée, ne comprenait plus. Comment pouvait-il faire comme si de rien n'était ? Le déni était si épais qu'il en était suffocant.

Elle tentait de rationaliser. C'était un accident. Il était sous pression. Il ne le ferait plus. La partie d'elle qui l'aimait encore s'accrochait désespérément à ces miettes d'espoir, tentant de reconstruire une illusion qui s'écroulait.

Mais la brèche était ouverte. Les altercations verbales, les mots qui rabaissaient son incapacité à concevoir, devinrent le terrain propice à la répétition. La fois suivante, ce fut quelques jours plus tard, une dispute encore plus violente, née d'une remarque anodine sur la famille Valois.

« Tu as parlé à ta mère de ce que je t'ai dit hier ? » demanda-t-elle prudemment, alors qu'ils étaient dans la cuisine.

Alexandre claqua la porte du réfrigérateur. « Qu'est-ce que tu as encore à raconter sur ma mère, Maïa ? Tu la détestes, c'est ça ? Tu crois que tu es trop bien pour nous ? »

« Non, bien sûr que non ! J'essaie juste de comprendre pourquoi elle... »

« Il n'y a rien à comprendre ! » Il s'approcha d'elle, son visage menaçant. « Elle a raison sur un point : tu n'as pas l'air de faire beaucoup d'efforts. »

« Des efforts ? J'ai tout essayé, Alexandre ! Tout ! » Elle sentit la colère monter, supplantant la peur un instant. « Peut-être que le problème n'est pas seulement de mon côté, tu y as pensé ? »

Le mot fut lâché, une bombe dans le silence tendu. Les yeux d'Alexandre s'étrécirent. « Le problème de mon côté ? Tu m'accuses, maintenant ? Tu te prends pour qui ? » Il saisit son bras avec une force inattendue, ses doigts s'enfonçant dans sa chair. « Tu crois que c'est moi le problème, la stérile, c'est ça ? »

La douleur de sa prise était vive, mais la rage dans ses yeux était plus effrayante encore. Maïa essaya de se dégager. « Lâche-moi ! Tu me fais mal ! »

Il serra plus fort, son visage à quelques centimètres du sien. « Tu vas apprendre le respect, Maïa. Tu vas apprendre qui commande ici. » Il la poussa violemment, la faisant trébucher et heurter le comptoir de la cuisine. Une assiette se brisa au sol avec un bruit fracassant. Maïa sentit une douleur aiguë au niveau de sa hanche.

Elle se releva avec difficulté, le souffle court, ses yeux fixés sur lui, remplis d'une horreur glacée. L'homme qu'elle avait épousé, qui l'avait juré amour et protection, était en train de se transformer sous ses yeux en un monstre. Les premières violences physiques étaient devenues une réalité. Le vernis de leur vie parfaite avait craqué, révélant une abomination qu'elle n'aurait jamais imaginée.

La peur, une peur froide et paralysante, s'installa en elle. Ce n'était plus un accident, c'était une escalade. Chaque tentative de communication, d'expression de sa douleur, était devenue un catalyseur pour sa fureur. Maïa Hayes, la femme intelligente et joyeuse, était désormais piégée dans une spirale de violence, son monde se réduisant à la peur du prochain coup, de la prochaine insulte. Elle savait, au plus profond d'elle-même, que le point de non-retour approchait, et que sa vie, telle qu'elle la connaissait, ne tiendrait plus très longtemps.

            
            

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