Alexandre a défait son nœud papillon et l'a jeté sur la table. Il a ensuite arraché la fleur blanche de sa boutonnière et l'a écrasée dans sa main. Le geste était symbolique. C'était la fin. Définitivement.
Dehors, il a entendu la voix de Léa crier son nom, mêlée aux supplications de ses parents. Puis le son d'une voiture qui démarre et s'éloigne. Le silence est retombé.
Ses parents se sont approchés. Sa mère lui a caressé la joue, les larmes aux yeux.
« Oh, mon chéri. Je suis tellement désolée. »
Son père l'a pris dans ses bras. Une étreinte forte, maladroite, mais qui disait tout.
« On t'avait prévenu pour cette fille, mais on est là. On sera toujours là. »
Alexandre a hoché la tête, incapable de parler. Il s'est senti comme un enfant qui vient de tomber de vélo, le genou écorché, cherchant le réconfort de ses parents.
Plus tard dans la soirée, Théo est passé. Il a apporté une bouteille de whisky et deux verres. Ils se sont assis dans le salon sombre, sans parler. Théo a simplement versé le liquide ambré.
« Je savais que c'était une garce », a finalement dit Théo après le premier verre. « Et Marc... ce type, je ne l'ai jamais senti. Toujours à traîner dans ton ombre, à profiter. »
Alexandre a bu une longue gorgée. L'alcool brûlait sa gorge, mais c'était une douleur bienvenue, une douleur physique qui masquait celle, plus profonde, de son âme.
« J'étais aveugle, Théo. Complètement aveugle. »
Il a ri, un rire sans joie.
« Je lui ai acheté une voiture pour son anniversaire le mois dernier. J'ai payé les dettes de jeu de son père. Je lui ai donné une carte de crédit sans limite pour qu'elle puisse \"lancer sa petite entreprise de design\". Quelle blague. »
Théo a secoué la tête.
« Tu n'étais pas aveugle, tu étais amoureux. Ce n'est pas pareil. Tu es un type bien, Alex. Trop bien pour elle. »
Ils ont bu en silence. Les souvenirs continuaient de le hanter. Un jour, il avait surpris Léa et Marc en train de chuchoter et de rire en regardant son relevé de compte. Quand il était entré, ils avaient changé de sujet brusquement. Léa avait dit qu'ils admiraient juste sa réussite. Il l'avait crue.
Un autre jour, Marc lui avait demandé un \"prêt\" de cinquante mille euros pour un \"investissement immobilier infaillible\". Alexandre avait refusé poliment, disant qu'il ne mélangeait pas l'amitié et l'argent. Marc avait eu l'air vexé. Le lendemain, Léa lui avait fait une scène, l'accusant d'être égoïste et de ne pas faire confiance à son meilleur ami. Pour avoir la paix, il avait fini par signer le chèque. L'investissement, bien sûr, n'avait jamais existé.
« L'argent... » a murmuré Alexandre. « Tout n'était qu'une question d'argent. »
« Toujours », a confirmé Théo. « C'est la seule chose qui intéresse les gens comme eux. L'argent facile. »
Alexandre a vidé son verre et l'a reposé brutalement sur la table.
« Elle m'a dit que j'étais ennuyeux. »
« Parce que tu travailles pour ton argent au lieu de le voler », a rétorqué Théo. « Crois-moi, dans quelques mois, quand la carte de crédit sera bloquée et que la voiture sera reprise, tu lui paraîtras beaucoup moins \"ennuyeux\". »
Il a rempli de nouveau les verres.
« Écoute-moi bien, Alex. Ils vont revenir. Ils vont essayer de te manipuler, de te faire culpabiliser. Ne cède pas. Pas un centime. Pas un mot. Coupe les ponts. Complètement. »
« C'est déjà fait. »
« Non. Je veux dire, vraiment. Bloque leurs numéros. Change tes serrures. Ne réponds à aucun message, à aucun appel. Fais le mort. C'est la seule façon de t'en sortir. »
Alexandre a fixé le liquide dans son verre. Théo avait raison. Il devait devenir une forteresse. Impénétrable. La douleur était encore là, vive et lancinante, mais une nouvelle détermination commençait à naître de ses cendres. Il ne serait plus jamais la victime. Plus jamais. Il a levé son verre.
« À la fin d'une erreur. »
« Et au début du reste de ta vie », a ajouté Théo en trinquant.
Cette nuit-là, Alexandre n'a pas dormi. Il a repensé à chaque mensonge, chaque manipulation. La colère a finalement laissé place à une immense lassitude. Il s'est senti vidé, mais aussi, étrangement, plus léger. Le poids de cet amour factice avait disparu. Il était seul, mais il était libre.