Chapitre 1

La musique s'est arrêtée. Le prêtre a souri, fermant son livre. Devant l'autel, sous les applaudissements discrets des invités, Alexandre Dubois tenait la main de Léa Martin. C'était le plus beau jour de sa vie. Il la regardait, sa femme, enfin. Riche, beau, avec un avenir brillant, il avait tout, et maintenant il avait l'amour. Il s'est penché pour l'embrasser.

Mais Léa a tourné la tête.

Un murmure a parcouru l'église. Alexandre s'est figé, confus.

« Pas maintenant, mon amour », a-t-elle chuchoté, un sourire étrange sur les lèvres.

Elle s'est tournée vers Marc Fournier, le meilleur ami d'Alexandre, son témoin. Marc se tenait à côté d'eux, un air narquois sur le visage.

« Marc, mon cher ami, m'a toujours dit qu'il ne se marierait jamais. Il ne sait pas ce que c'est que d'embrasser quelqu'un à l'autel. Je veux juste lui montrer. Une petite expérience, pour la science. »

Alexandre n'a pas eu le temps de réagir. Sous les yeux de centaines d'invités, de leurs familles réunies, Léa a attrapé le col de la chemise de Marc et l'a embrassé. Ce n'était pas un baiser amical. C'était long, passionné, dévorant. Le flash d'un photographe a immortalisé la scène, le son de l'obturateur a claqué comme un coup de feu dans le silence de mort qui s'était installé.

Le cœur d'Alexandre a cessé de battre. Le monde autour de lui a disparu. Il ne voyait que leurs deux visages collés, les mains de Léa dans les cheveux de son meilleur ami. La honte, brûlante et glaciale à la fois, l'a submergé. C'était une humiliation publique, calculée, cruelle.

Quand ils se sont séparés, haletants, Léa a ri. Un rire cristallin et faux qui a résonné dans toute l'église.

« Alors, Marc ? C'était comment ? » a-t-elle demandé, comme si de rien n'était.

Marc a haussé les épaules, un sourire arrogant aux lèvres.

« Pas mal. Je comprends mieux maintenant. Merci pour la démonstration, Léa. »

Il a regardé Alexandre, un défi dans les yeux. Il n'y avait ni regret, ni excuse. Juste du mépris. C'était comme regarder deux prédateurs jouer avec leur proie. La colère a commencé à monter en Alexandre, une vague bouillante qui a chassé le choc et la douleur. Il a vu le visage de ses parents dans l'assemblée, pâles, horrifiés. Il a vu Théo, son autre ami, le poing serré, le regard noir.

Alexandre a respiré profondément. Sa voix, quand il a parlé, était étonnamment calme, tranchante comme une lame.

« C'est terminé. »

Il a pris le micro de l'autel. Sa voix a résonné, claire et forte.

« Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'être venus. Malheureusement, le mariage est annulé. »

Un tumulte a éclaté dans l'assemblée. Léa l'a regardé, les yeux écarquillés, son sourire s'effaçant enfin.

« Alexandre, qu'est-ce que tu fais ? Arrête cette blague ! »

Il l'a ignorée. Il s'est tourné vers le responsable de la salle de réception, qui se tenait près de la porte, l'air déconfit.

« La facture pour la réception, la nourriture, les boissons, tout. Envoyez-la à Mademoiselle Léa Martin. Elle a eu son \"expérience\", elle peut en payer le prix. »

Puis, il a descendu les marches de l'autel, sans un regard en arrière. Il est passé à côté de ses parents. Sa mère pleurait en silence. Son père a posé une main lourde et réconfortante sur son épaule. Ce simple geste disait tout. Ils étaient là. Ils le soutenaient.

Dans la voiture qui le ramenait chez lui, le silence était pesant. Alexandre regardait par la fenêtre, les rues de Paris défilant comme un film sans intérêt. Les souvenirs des trois dernières années avec Léa lui revenaient en flashs douloureux. Les cadeaux coûteux, les voyages luxueux, les chèques qu'il signait sans poser de questions pour aider sa \"famille en difficulté\". Il avait tout donné, aveuglé par un amour qu'il croyait réciproque.

Quelle naïveté. Quelle bêtise. Il avait financé le style de vie de sa fiancée et, sans doute, celui de son meilleur ami. La complicité entre Léa et Marc aujourd'hui n'était pas nouvelle. Il la voyait maintenant, dans des dizaines de souvenirs. Leurs regards échangés, leurs blagues privées, leur proximité excessive qu'il avait mise sur le compte d'une forte amitié. Il avait été l'idiot de la farce.

Une douleur sourde et profonde s'est installée dans sa poitrine. Ce n'était pas seulement son cœur qui était brisé, c'était sa confiance, sa vision du monde. L'homme qu'il appelait son frère et la femme qu'il allait appeler son épouse l'avaient poignardé dans le dos, devant tout le monde, le jour qui aurait dû être le plus heureux de sa vie. La douleur était si intense qu'il a eu du mal à respirer.