Souvenirs
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Chapitre 2 Hôpital

Je suis allongée dans ce lit d'hôpital, entourée de murs blancs et de personnels qui courent dans tous les sens autour de moi. Ils font de nombreuses vérifications, me posent des questions, s'agacent que je ne réponde pas, essayent différemment, en étant compréhensible. Mais que pourrais-je leur répondre ? Mon cerveau est vide. Il n'y a rien dedans. Tout ce dont je me souvienne c'est ce rêve étrange. L'odeur des bois. La femme en robe blanche. Que m'arrive-t-il ?

« Mademoiselle, s'il vous plaît... Dites au moins quelque chose... Comment vous sentez-vous ? Les analyses que nous avons faites paraissent montrer que vous êtes dans un très bon état malgré ces deux semaines de coma... Voulez-vous que l'ont fasse venir un psychologue ? » Désespère le docteur Weisz.

Je les entends depuis tout à l'heure, même si je ne réponds pas. Je sais qu'il y a des policiers qui attendent pour pouvoir m'interroger, je sais que le psychologue est déjà là. De l'autre côté de cette porte. Cette porte bleue. C'est le seul contraste dans cette pièce très blanche. Ça sent le propre, mais la seule odeur dont je me souvienne, c'est cette merveilleuse odeur des bois, des feuilles mortes et de l'humidité. J'aimerais aller me promener dans ces bois, malgré le danger qu'ils semblaient présenter dans mon rêve. Ils avaient l'air tellement calme, tellement apaisant, pleins de couleurs et de vie, tout le contraire de cette pièce blanche remplit de blouse blanche qui grouillent dans tous les sens.

« Je sais que vous m'entendez mademoiselle, je vais faire venir le psychologue. »

Le psychologue, c'est un drôle de métier, il écoute et conseille des personnes dans le besoin. Mais je n'en ai pas besoin. Ce dont j'ai besoin ce sont ces bois. Je n'ai pas perdue toute ma mémoire. Je me souviens de la fonction d'un policier, d'un docteur, d'un psychologue, mais dans tout cela, quelle est ma fonction à moi ? La porte de la chambre s'ouvre et un homme entre. Il est assez petit et grassouillet, des lunettes pendent au bout de son nez, il a l'air gentil et sot.

« Bonjour mademoiselle, le docteur m'a parlé de vous. Je m'appelle Leoni Kurtz, quel est votre prénom ? »

Quel est mon prénom monsieur ? C'est une très bonne question, à laquelle moi-même je ne peux répondre. Mais est-ce réellement notre prénom qui nous définit ? Ou est-ce plutôt nos actions ? notre fonction ? Par exemple, pour les autres vous êtes le psychologue, pour vous, Weisz est le docteur. A quoi je pense ? Pourquoi ? Il faut que je me sorte de là, il faut que je sorte de ma propre tête et que je coopère, nous avons besoin de connaitre notre identité dans la vie pour s'en sortir, n'est-ce pas ? Ou peut-être que parfois, la meilleure solution est de ne pas savoir qui nous sommes ?

« - ... Mademoiselle, vous m'entendez ? demande à nouveau le psychologue.

- Je ne sais pas... Je ne sais pas qui je suis... »

A ma réponse, le docteur Weisz se retourne et me regarde attentivement. Le psychologue affiche un sourire compatissant, il a vraiment l'air d'être gentil.

« - Ce n'est pas grave Mademoiselle, ne vous inquiétez pas. Vous souvenez-vous de quelque chose ? Quelque chose qui pourrait peut-être nous aider à vous identifier ?

Je ne sais pas... Je ne sais pas...

Ne vous inquiétez pas, peut-être avez-vous le souvenir de ce qu'il s'est passé ? »

Le souvenir... C'est un très beau mot si on écoute sa résonnance, il irait bien dans une musique, Il irait bien ailleurs, ailleurs qu'avec moi car je n'ai pas de souvenirs de ma vie. Que suis-je sans vie ?

Dans mon cerveaux les questions fusent, les mots s'emmêlent, c'est la pagaille. Mais de ma bouche sort en boucle « Je ne sais pas ». Ma bouche est sèche, j'ai besoin d'eau. De quoi leur parler si je n'ai rien à dire ? il vaut mieux dans ce cas se taire. Mes yeux font des vas et viens à la recherche de ce verre d'eau, malheureusement il est déjà vide, je l'ai fini. Il m'en faut un autre.

« - Est-ce que... de l'eau ? J'arrive à articuler.

Oui, oui bien sûr. Me réponds le docteur aux aguets. Voulez-vous autre chose ?

Les bois. »

Leurs yeux rivés sur moi s'agrandissent. Le psychologue saute directement sur l'occasion pour me reposer une question en reprenant son souffle.

« - Comment ça ?

En dormant... Dans le coma... J'ai rêvé... J'ai rêvé des bois... Il y avait une femme... Elle courait... Elle courait avec moi dans ces bois... »

Le psychologue allait me reposer des questions quand le médecin le coupa net afin de lui aussi poser des questions.

« - Mademoiselle, comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal quelque part ?

- Non... Non... Juste... Je suis engourdit... et ma tête... et j'ai du mal.

- Oui c'est normal, vous avez prit un sacré coup sur votre tête, il faut vous reposer et vous aurez moins de mal à parler. Vous vous en êtes plutôt bien sortie, alors évitons de vous surcharger, qu'en pensez-vous ? Voulez-vous continuer ou plutôt vous reposer un petit peu et reprendre plus tard ? »

Le docteur a l'air gentil, son visage est doux mais marqué par la fatigue, il est assez âgé, les cheveux court gris et une mine épuisée. Mais son regard est apaisant et plein de bonté.

« Vous avez raison... Oui... Plus tard... »

Le docteur acquiesce compréhensif. Le psychologue me salue et quitte la pièce, il trébuche mais se rattrape en rigolant, je souris, on dirait un personnage de bande dessinée. Les infirmières quittent également la pièce, il ne reste que le docteur ave moi. Il vérifie des choses sur son carnet, puis regarde la machine à laquelle je suis branchée et fini par me saluer.

« Reposez-vous bien, reprenez des forces, tout ira bien maintenant ne vous inquiétez pas ».

Il éteint la lumière, sort et ferme la porte. Je n'avais pas remarqué qu'il faisait nuit dehors. Aussi sombre que dans mon crâne, vide de tous souvenirs. Je ferme les yeux en repensant à ce bois.

                         

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