L'Épreuve De Leur Amour
img img L'Épreuve De Leur Amour img Chapitre 1
2
Chapitre 5 img
Chapitre 6 img
Chapitre 7 img
Chapitre 8 img
Chapitre 9 img
Chapitre 10 img
img
  /  1
img

Chapitre 1

Les murs du petit appartement parisien semblaient imprégnés du silence et des souvenirs. Jeanne Dubois regardait la seule photo encadrée sur la commode, celle de son père, un militaire au visage sévère mais aux yeux doux, sa poitrine bardée de décorations. Il était mort, laissant derrière lui une médaille de service distingué et deux orphelins : elle et son petit frère, Antoine.

Depuis ce jour, Jeanne avait tout donné pour élever Antoine. Elle avait abandonné ses propres rêves pour que lui puisse poursuivre les siens. Et il avait réussi. Antoine était devenu un jeune artiste peintre plein de promesses, son talent pur et vibrant comme une flamme dans leur vie modeste.

Aujourd'hui, il était assis près de la fenêtre, la lumière de l'après-midi baignant son visage concentré alors qu'il ajoutait les dernières touches à une toile. C'était son chef-d'œuvre, une peinture qui capturait l'âme tourmentée et l'espoir fragile de leur génération. Il l'appelait "Le Cri Silencieux".

Le téléphone sonna. C'était la galerie Fournier, l'une des plus prestigieuses de Paris. Antoine décrocha, le visage illuminé d'espoir. Jeanne l'observait, le cœur battant pour lui. L'espoir se mua rapidement en confusion, puis en déception amère. Il raccrocha, le visage blême.

« Qu'est-ce qu'il y a, Antoine ? »

« Ils veulent "Le Cri Silencieux". Mais... ils ne veulent pas le payer. Ils disent que c'est un honneur pour un jeune artiste comme moi d'être exposé chez eux, que je devrais leur céder l'œuvre en échange de la "visibilité". »

La voix d'Antoine tremblait d'indignation. C'était plus qu'une offre insultante, c'était une extorsion déguisée.

« C'est hors de question. Cette toile, c'est ton âme. Tu ne peux pas la leur donner. »

« Je sais. Je leur ai dit non. »

La décision était juste, mais la peur s'installa dans le silence de l'appartement. La famille Fournier n'était pas connue pour sa clémence.

Deux jours plus tard, leurs craintes se matérialisèrent. On frappa violemment à la porte. Avant même qu'ils puissent réagir, la porte fut défoncée. Deux hommes, des brutes épaisses au service des Fournier, se tenaient sur le seuil. Ils ne dirent pas un mot. L'un se dirigea vers Antoine, le saisit par le col et le projeta contre le mur. Jeanne hurla, tentant de s'interposer, mais le deuxième homme la repoussa si violemment qu'elle tomba au sol, le souffle coupé.

Elle ne put qu'assister, impuissante, à la scène d'horreur. Les hommes ne voulaient pas la toile. Ils voulaient briser son créateur. Les coups pleuvaient sur Antoine, des coups précis, vicieux, visant son visage. Le son mat des poings s'écrasant sur la chair, les craquements sinistres, les gémissements étouffés d'Antoine. Ils détruisaient méticuleusement son visage, ce visage qui portait tant de promesses. Quand ils eurent fini, ils se tournèrent vers la toile, la lacérèrent de plusieurs coups de couteau, puis repartirent comme ils étaient venus, laissant derrière eux un chaos de douleur et de désolation.

Au poste de police, l'indifférence les frappa comme une seconde agression. Le policier de service bâillait en prenant leur déposition.

« La famille Fournier, vous dites ? Vous êtes sûrs ? C'est des gens bien. »

Une heure plus tard, un avocat en costume cher pénétra dans le bureau. Il représentait les Fournier. Sans un regard pour Jeanne ou pour le visage tuméfié et bandé d'Antoine, il posa une "lettre de conciliation" sur le bureau, accompagnée d'une épaisse enveloppe. Le policier lut le document, puis se tourna vers eux.

« Écoutez, c'est un malentendu. Ils pensaient que votre frère avait volé quelque chose. Ils regrettent. Ils vous proposent une compensation financière généreuse. Signez ça et on n'en parle plus. C'est la meilleure solution pour tout le monde. »

Jeanne sentit la nausée monter. La justice était une farce. La vérité était à vendre. Sous la pression et la menace à peine voilée du policier, ils signèrent. Qu'auraient-ils pu faire d'autre ?

Alors qu'ils sortaient du commissariat, brisés et humiliés, une voiture de sport rutilante s'arrêta à leur hauteur. Le jeune héritier Fournier, Charles, était au volant, un sourire narquois aux lèvres. Il baissa sa vitre et leur lança une liasse de billets de banque. L'argent voleta et atterrit dans la poussière à leurs pieds.

« Tenez, pour les soins de votre frère. N'estimez pas que l'art ne paie pas. »

La voiture démarra en trombe, les laissant dans un nuage de gaz d'échappement et de mépris. Jeanne aida son frère, qui peinait à marcher, à rentrer. Dans leur appartement saccagé, le silence était lourd de désespoir. Jeanne ramassa la photo de son père. Elle regarda la médaille de service distingué, cet objet qui symbolisait le sacrifice pour une patrie, pour une justice, pour un honneur. Une patrie qui laissait ses enfants se faire détruire par les puissants. Une justice qui se vendait au plus offrant. Un honneur qui était bafoué et piétiné. Des larmes de rage et de chagrin coulèrent sur ses joues, tombant sur le métal froid de la médaille.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022