Je n'ai pas cillé. J'ai soutenu son regard et j'ai répondu d'une voix calme :
« Je ne savais pas que vous aviez une sœur. »
Chloé a été décontenancée une seconde. Mais elle a vite retrouvé son assurance.
La fête battait son plein, mais l'attention de Léo n'était que pour Chloé. Il riait à ses blagues, lui remplissait son verre, la touchait constamment. J'étais un fantôme à côté de lui.
À un moment, Chloé a voulu prendre un verre de whisky. Léo l'a arrêtée.
« Non, pas ça. Tu sais bien que tu ne le supportes pas. Tu vas être malade. »
Un de ses amis a ri. « Il la connaît par cœur. C'est beau, l'amour qui dure. Il était pareil avant. Toujours à la protéger. »
Léo a fusillé son ami du regard. « Tais-toi. »
Puis il s'est tourné vers moi, l'air gêné. « Il dit n'importe quoi. »
Je suis restée silencieuse. Mon silence semblait l'inquiéter plus que des cris.
Plus tard, ils ont commencé un jeu de "vérité ou conséquence". La question est tombée pour Chloé : « Regrettes-tu d'avoir rompu avec Léo ? »
Elle a souri, a regardé Léo droit dans les yeux et a dit : « Vérité. Non, je ne regrette rien. C'était la meilleure décision de ma vie. »
Le visage de Léo s'est décomposé. La douleur était si visible que j'en ai eu pitié.
Chloé, voyant son effet, a lancé un autre jeu. Une sorte de défi à boire. Elle a mis tout le monde mal à l'aise. Elle a perdu exprès. La conséquence était de boire un verre cul sec.
Léo l'a attrapée par le bras et l'a entraînée sur la terrasse.
Je les observais de loin. Ils se disputaient. Il était furieux, blessé. Elle pleurait. Il l'a prise dans ses bras. L'intensité de ses sentiments pour elle était une évidence. Il n'y avait pas de place pour moi dans ce tableau.
Je me suis sentie étrangement calme. Nous partagions la même vulnérabilité, Léo et moi. L'amour non réciproque.
Il est parti peu après, furieux. Chloé est revenue, triomphante. La fête s'est dispersée.
Je suis allée aux toilettes. La porte était entrouverte. J'ai entendu la voix de Chloé.
« ... il est toujours aussi facile à manipuler. Il est encore fou de moi. Il fallait juste que je le rende un peu jaloux, que je lui montre que je ne suis pas acquise. »
Une autre voix, celle d'une de ses amies. « Et la petite parfumeuse ? »
« Oh, elle ? Elle a été utile. Un bon substitut pour le garder au chaud pendant mon absence. Il fallait bien qu'il s'occupe. Mais maintenant, c'est terminé. Il va la jeter comme une vieille chaussette. Regardez-le ce soir, il n'avait d'yeux que pour moi. »
Un rire cruel a suivi.
Je suis restée figée, le sang glacé dans mes veines.
J'ai poussé la porte.
Elles se sont tues, me regardant, choquées.
« J'ai tout entendu. »