Le Parfum de l'Oubli
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Chapitre 1

« Hugo, c'est moi. »

Ma voix était basse, presque un murmure.

« J'ai décidé. Je vais le rencontrer. »

Un silence, puis le soupir de soulagement de mon cousin à l'autre bout du fil.

« Enfin, Amélie. Tu as enfin pris ta décision. Maman et papa seront tellement heureux. »

Je fermai les yeux. Le bonheur de mes parents était le prix de mon propre cœur brisé.

« Il est comment ? » demandai-je, sans vraiment vouloir savoir.

« Victor ? C'est un homme bien. Calme, stable, respectueux. Un cardiologue réputé à Paris. Tu sais, la famille Beaumont... »

Oui, je savais. Les Beaumont et les Dubois, deux grandes familles, l'une dans la médecine, l'autre dans la soierie lyonnaise. Une union parfaite aux yeux de tous.

Sauf aux miens.

« Hugo, je dois d'abord régler les choses ici, » dis-je fermement. « Je lui parlerai. Je mettrai fin à tout ça. »

« Fais vite, Amélie. Les Beaumont ont déjà commencé les préparatifs. Ils organisent un grand dîner de fiançailles. Ils veulent que tu invites tes amis proches de Grasse. »

Mon cœur se serra. Mes amis de Grasse. Mon seul ami ici.

« D'accord, » murmurai-je.

« Amélie, tu ne vas quand même pas inviter... »

Je n'eus pas le temps de répondre. La porte de mon petit appartement à Grasse s'ouvrit brusquement.

Léo Martin, joueur star du Stade Toulousain, mon secret depuis six ans, se tenait sur le seuil, un sac de sport nonchalamment jeté sur l'épaule.

« Avec qui tu parles si tard ? » demanda-t-il, un sourire charmeur aux lèvres.

Il avait entendu la fin. Je le savais.

« Mon cousin, » répondis-je en raccrochant rapidement.

Il s'approcha, son odeur de sueur et d'herbe coupée emplissant la pièce. Il me prit dans ses bras, son corps puissant et chaud contre le mien.

« Ton cousin ? Il te manque tant que ça, la famille ? »

Sa main caressa ma nuque. Je frissonnai, mais pas de plaisir. De dégoût.

« Léo, qu'est-ce que nous sommes ? » lâchai-je, la question qui me brûlait les lèvres depuis des années.

Il rit, un rire franc et confiant qui, autrefois, me faisait fondre.

« Qu'est-ce que c'est que cette question ? Tu es ma petite Amélie. Ma parfumeuse. »

Il se pencha pour m'embrasser.

Je tournai la tête. « Je suis fatiguée. La journée a été longue. »

Il me regarda, un éclair de surprise dans ses yeux. Il prit mon évitement pour de la timidité, comme toujours.

« D'accord, ma jolie. Va te reposer. »

Je le regardai s'éloigner vers la salle de bain, et une seule pensée tourbillonnait dans mon esprit.

Substitut.

Je n'étais qu'un substitut.

Notre histoire avait commencé à l'université. Hugo, mon cousin, me l'avait présenté. Léo était déjà une étoile montante du rugby, le meilleur ami d'Hugo. J'étais tombée amoureuse de son charisme, de son rire, de sa façon de me regarder.

Après l'université, j'ai déménagé à Grasse pour ma formation de "nez". Léo, lui, a signé à Toulouse. Il m'a proposé de vivre dans un appartement qu'il possédait ici, un pied-à-terre pour ses rares visites. Au début, il ne se passait rien. Je vivais dans son espace, entourée de son odeur, mais il était distant. Un soir, il est rentré malade, fiévreux. Je me suis occupée de lui toute la nuit, lui appliquant des compresses fraîches, lui préparant des bouillons.

Le lendemain matin, il m'a attiré à lui et m'a embrassé. C'était le début.

Six ans. Six ans à refuser les partis que ma famille me présentait, six ans à attendre qu'il me présente à ses parents, à ses amis. Six ans à être son secret.

La vérité m'avait explosé au visage il y a un mois. Lors d'une fête à Toulouse, un de ses coéquipiers, ivre, m'avait jeté au visage :

« C'est dingue comme tu ressembles à Chloé. Léo a vraiment un type de femme. »

Chloé. Chloé Fournier. La journaliste sportive, son ex-petite amie. Le couple star du rugby dont la rupture avait fait la une.

J'ai mené ma propre enquête, discrètement. J'ai trouvé les vieilles photos, les articles, les interviews. Son obsession pour elle était partout. Et j'étais là, la jeune femme douce aux longs cheveux bruns, qui aimait les mêmes parfums qu'elle, qui avait le même sourire timide. J'étais une copie. Une pâle copie.

C'est là que tout s'est brisé.

Je regardai mon téléphone. Le nom de Hugo était encore affiché.

Je pris une profonde inspiration.

Il était temps de mettre fin à cette mascarade. Il était temps de rencontrer Victor Beaumont.

            
            

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