Le lendemain matin, je me suis réveillée au son de l'eau qui coulait. Léo était sous la douche.
Quand il est sorti, une serviette nouée autour de la taille, il a passé un temps inhabituel devant le miroir.
Il a essayé trois chemises différentes.
« La bleue ou la blanche, Amélie ? »
Sa voix était légère, presque enjouée.
« La bleue, » dis-je sans le regarder, concentrée sur mon café.
Il a souri dans le miroir. « Bien. Ce soir, il y a un gala après le match. Je te ramènerai un petit quelque chose. »
Il est parti en sifflotant. Une fausse normalité qui me donnait la nausée.
Son téléphone, oublié sur la table de la cuisine, s'est allumé. Un message s'afficha sur l'écran de veille.
De : Chloé.
« J'atterris à 15h. Hâte de te voir. La saison de rugby à Toulouse sera bien plus intéressante avec toi. »
Voilà donc la raison de sa bonne humeur. Le retour de son grand amour.
La porte s'est rouverte. Léo.
« J'ai oublié mon téléphone. »
Son regard s'est posé sur l'écran, puis sur moi. Une lueur de panique.
« Tu as vu ? »
« Non. Je n'ai rien vu. »
Il a semblé visiblement soulagé. Ce soulagement était plus insultant que n'importe quelle accusation. Il avait peur que je découvre son petit secret, pas peur de me perdre.
Je me suis moquée de moi-même. Comment pouvais-je encore espérer quoi que ce soit ?
Je me suis plongée dans mon travail, alignant les flacons, mélangeant les essences. C'était ma seule échappatoire. Mon départ était proche, je devais finaliser mes dernières créations.
L'après-midi, j'ai commencé à faire le tri.
Ce maillot du Stade Toulousain qu'il m'avait donné. Celui que j'avais parfumé avec une création spéciale, juste pour lui. Il m'avait dit un jour, en riant : « C'est bien, mais ça ne vaut pas le parfum que portait Chloé. »
Poubelle.
Cette tasse à café assortie qu'il avait achetée. « Comme ça, même quand je ne suis pas là, on boit notre café ensemble. » Il avait dit la même chose à Chloé dans une vieille interview.
Poubelle.
Les photos, les billets de match, les petits mots. Tout a fini dans un grand sac noir.
Léo est rentré juste à ce moment-là. Il m'a vue, le sac à la main, près de la porte.
« Tu fais le grand ménage ? Bonne idée, ça sentait un peu le renfermé. »
Il n'a même pas reconnu ses propres affaires, ses propres souvenirs. L'ironie était terrible. Mon cœur se serrait, mais je savais pourquoi il était si aveugle.
Son indifférence n'était pas de la méchanceté. C'était pire. C'était un manque total d'intérêt. Ces objets n'avaient de valeur que pour moi.
Il a froncé les sourcils en regardant le salon. « Il manque quelque chose, non ? »
Son téléphone a vibré. Un message de Chloé, sans aucun doute. Il a souri et a oublié sa question.
Ce soir-là, je me suis couchée seule. C'était la Sainte-Catherine. Mon téléphone a vibré toute la soirée. Des messages de ma famille, de mes amis, de Hugo.
« Bonne fête, ma Catherinette ! »
« On pense à toi ! »
« Victor demande de tes nouvelles. »
Tout le monde y avait pensé.
Sauf Léo. L'homme pour qui j'avais sacrifié six ans de ma vie avait oublié.