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Je m'apprêtais à croquer dans mon biscuit quand un chien - copie presque parfaite de Biscuit, en un peu plus massif - fendit la file d'attente et fonça à mes pieds. Lui aussi portait des bois, version miniature des miens. Identiques à ceux que j'avais dans mon sac, que Biscuit avait catégoriquement refusé de porter.
« Eh bien, salut toi », dis-je en lui caressant la tête. Il avait une laisse, donc clairement un fugueur. « Où est ton humain, l'ami ? »
Je m'accroupis pour le caresser. Même fourrure dorée. Même bouclettes. Même empressement à me couvrir de bave.
« Eh, oh, du calme toi aussi ! » Je tentai d'éloigner sa langue insatiable de mon visage, sans succès.
« Oh non... », s'exclama Brooke d'en haut. J'étais trop occupée à me faire attaquer affectueusement pour savoir d'où elle parlait. « Vos bois sont emmêlés. »
« Génial... Tu peux faire quelque chose ? » Je soulevai le chien dans mes bras et me remis debout.
« Je vais essayer. Mais tiens-toi tranquille, d'accord ? »
« Je fais ce que je peux », soufflai-je alors que l'animal continuait de me lécher comme si mon visage était une friandise géante. Pendant ce temps, Biscuit tourna en rond puis bondit sur mes jambes, jaloux. C'était SON visage à lécher, pas celui de ce voleur de Noël !
Et pour couronner le tout, voilà que la sono du magasin lançait « Mamie s'est fait écraser par un renne ».
Évidemment.
« Je m'en occupe », déclara Brooke en retirant délicatement les bois de nos deux têtes. « Tu peux le poser. »
« Euh... » Je baissai les yeux pour voir que les griffes du chien étaient coincées dans mon pull. Il avait visé un pompon décoratif, mais c'est ma poitrine qui en avait fait les frais. Charmant.
Je jetai un coup d'œil à ma meilleure amie qui tentait (en vain) de contenir son fou rire.
« Un peu d'aide ici, non ? On est les prochains, et j'aimerais avoir l'air un tant soit peu présentable pour cette photo. »
« Et tu ne trouves pas que l'image d'un chien inconnu collé à toi suffit ? »
« Non. Pas vraiment. » Je dégageai prudemment sa patte de mon pull et soupirai de soulagement. Pas de trou. Miracle.
« T'as vraiment eu de la chance sur ce coup. »
« C'est ça, je suis une vraie veinarde. En moins de douze heures, un chien m'a tripotée et j'ai découvert que je devais bosser avec Austin, l'homme qui peuple mes cauchemars. »
« Ouais. J'ai entendu dire que ce gars était une vraie plaie. »
Fils de Biscuit.
Je connaissais cette voix. Trop bien. Elle s'était déjà infiltrée dans assez de mes cauchemars pour que je la reconnaisse instantanément. Et bien sûr, elle venait de derrière moi.
Le sort venait littéralement de me dire : tiens ma bière. Ou plutôt tiens mon fût entier.
Je ne suis pas du genre à médire sur les collègues. Je suis du genre sympa, professionnelle, irréprochable. Mais Austin... il me pousse à la limite. Et si je ne gère pas bien cette situation, il en profitera pour le rappeler à tout le monde pendant des années. Il pourrait me peindre en mégère dans la salle des profs, et rien que d'y penser, j'ai la nausée. J'aurais pu le respecter... s'il m'en avait laissé la possibilité.
Je pris une profonde inspiration, me retournai lentement, et arborai un sourire sucré à en provoquer une crise de diabète.
« Je... »
Il me regardait, sourcils haussés, mains sur les hanches, m'invitant à continuer. Mais je restai figée. Ma bouche grande ouverte, si longtemps que j'étais à deux doigts d'atteindre le record mondial de luxation de la mâchoire.
Mentir était peut-être ma seule planche de salut.
« Oh, Austin », fis-je en agitant la main comme si je le saluais à distance. « Je savais que tu étais là depuis le début. »