Caroline
Ce n'est pas ce que je voulais dire quand j'ai dit que tu devais sortir un vendredi soir de temps en temps.
Caroline
Ce n'est pas ce que je voulais dire quand j'ai dit que tu devais sortir un vendredi soir de temps en temps.
Les mains enfoncées dans les poches de mon pull de Noël beaucoup trop grand, je tentais de contenir ma frustration. Pas celle provoquée par la file interminable, ni celle de la cloche grinçante suspendue à la porte d'entrée de l'animalerie qui n'arrêtait pas de sonner à chaque nouveau client. Non. Une autre frustration, plus sourde, plus tenace : celle d'avoir accepté, encore une fois, un plan qui semblait logique dans la bouche de Brooke, mais qui me faisait douter de ma santé mentale une fois exécuté.
Je plissai les yeux en la regardant, redressant mes épaules et relevant fièrement le menton, comme pour prouver que je suivais ses conseils à la lettre - elle qui, la semaine dernière encore, me reprochait mon inexistence sociale.
- Je suis sortie, non ? Et j'ai un parfait gentleman à mon bras qui a accepté de poser pour des photos avec moi. Je ne vois pas où est le problème.
Brooke balaya la pièce du regard, observant les rayons chargés de croquettes, les jouets couinants et les colliers à paillettes.
- Caroline, tu es au beau milieu d'une animalerie. Le "gentleman" en question est un chien. Et prendre des photos avec le Père Noël pour animaux n'est pas exactement une "séance photo".
Comme pour l'approuver, un dogue allemand aboya lourdement derrière nous.
Mais qu'est-ce qu'ils en savent, Brooke et ce monstre canin, de Biscuit ? Le meilleur chien de toute la planète, même s'il est en train de mâchouiller sans vergogne le pompon rouge pendu à mon vilain pull de Noël. Cette photo allait finir encadrée, suspendue à mon manteau d'entrée pour les fêtes. Et elle serait adorable. Point.
- Et joli décolleté, au fait.
Je retins un rire en repositionnant les bois de renne sur ma tête. Pas question de lui donner la satisfaction de me faire flancher, même si la situation frôlait le ridicule.
- Merci bien.
Nous avancions d'un pas vers le pauvre type qui avait hérité du rôle de Père Noël canin ce soir. Il avait déjà été renversé par un husky surexcité et sa fausse barbe était en lambeaux à cause d'un teckel mordu de vengeance. Il avait l'air aussi épuisé que moi à la fin d'un trimestre.
Et aujourd'hui m'avait littéralement vidée.
- Je sais que c'est loin d'un vendredi soir glamour, mais merci d'être sortie. J'avais besoin de ça. La journée a été... disons, mémorable.
- Oh-oh. Un élève a encore dessiné un sexe sur les disques pédagogiques ? Non... tu l'as coincé, ce vandale. Je parie sur une nouvelle histoire avec M. Mack.
- Comment tu sais ça ?
Brooke leva une main dramatique.
- Je vais fabriquer un panneau : "Nombre de jours depuis la dernière histoire d'Austin Mack". On est à deux, au cas où tu veux savoir.
- Je ne veux pas savoir, répondis-je, les sourcils froncés sous mes bois de renne.
J'en parle beaucoup, oui. Mais il faut avouer que ce prof de chimie a le don de me taper sur le système. On bosse pourtant à l'opposé du bâtiment, lui en sciences, moi en lettres. Pourtant, il se glisse dans ma vie comme un courant d'air glacial qu'on n'a pas invité. Un courant d'air aux yeux bleus trop clairs et au sourire beaucoup trop charmant. Si j'avais pu l'ignorer, croyez-moi, je l'aurais fait.
- Mais je suis juste... agacée.
- Par...?
- Le boulot, la vie... tout.
Austin. Je ne le dis pas, bien sûr. Brooke croit déjà que je suis obsédée. Inutile d'alimenter cette cheminée.
- Tu vas devoir être plus précise.
Je soupirai longuement.
- Tu te souviens que, quand M. Wilson a pris sa retraite, ils m'ont nommée conseillère pédagogique unique du programme G.U.T.S.?
- Gorilles Unis pour Travailler Solidairement. Je me rappelle, répondit Brooke, retenant un fou rire.
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