Pendant cinq ans, j'ai été Jeanne Dubois.
Ou plutôt, j'ai été "Madame Moreau", l'épouse parfaite, discrète et élégante, l'accessoire indispensable à la réussite d'Antoine, mon mari.
Notre mariage n'était qu'un contrat, un arrangement bien ficelé qui me garantissait une cage dorée en échange de ma totale obéissance.
Mais aujourd'hui, le contrat touchait à sa fin, non sans la touche de cruauté caractéristique d'Antoine.
Je savais qu'il allait m'annoncer qu'il me quittait pour sa maîtresse, Sophie Lambert, la radiance incarnée, la femme qu'il lui fallait pour sa "nouvelle vie".
Mais l'humiliation suprême est venue sous la forme d'un message, glaçant de mépris : « J'épouse Sophie, mais je suis généreux. Je te propose un poste. Sois sa gouvernante. Tu sauras au moins "prendre soin" de ma nouvelle vie, comme tu l'as toujours si bien fait. »
Il s'attendait à des supplications, des larmes, de la colère.
Il a eu un silence assourdissant, une ligne bloquée, et la découverte stupéfaite que je n'avais jamais touché un centime du compte généreux qu'il m'avait ouvert.
Pour la première fois, le contrôle lui échappait.
Malgré sa fureur, l'accord de divorce que j'avais glissé sur la table, clair et net, était ma déclaration d'indépendance.
L'appartement vidé de mes affaires, l'odeur de mon parfum envolée, tout lui criait que j'étais partie.
Mais ce n'était que le début.
Il n'était pas l'oiseleur, et je n'étais plus l'oiseau.
Je n'étais pas au bout de mes peines, il est vrai.
Mais l'idée de le voir s'enfoncer, lui et sa nouvelle flamme, me faisait terriblement sourire.
C'en était fini de la soumission.
À des kilomètres de Paris, un nouveau chapitre s'écrivait, celui de ma liberté retrouvée.