Chloé a vu le changement sur le visage de Marc. Elle a réagi au quart de tour.
Elle s'est blottie contre lui, ses larmes de crocodile coulant à nouveau.
« Tu vois ? Tu vois comme elle était douée pour ça ? » a-t-elle sangloté. « Elle écrivait ces choses pour que les gens aient pitié d'elle. Elle a toujours été comme ça, une manipulatrice. C'est de ma faute... j'étais trop naïve, je l'ai crue... »
Elle jouait la carte de la culpabilité, une de ses stratégies préférées.
Marc l'a regardée, son expression vacillant entre le doute et la loyauté forcée qu'il lui devait. Finalement, la faiblesse a gagné. Il a serré les poings, son visage se durcissant.
« Tu as raison, » a-t-il dit d'une voix rauque. « C'était une menteuse. Tout ce qui sortait de sa bouche était un mensonge. »
Il a resserré son étreinte autour de Chloé, comme pour se convaincre lui-même. Une vague de dégoût m'a submergée.
Mon père, toujours un verre à la main, a hoché la tête avec approbation.
« Bien dit, mon garçon. Cette fille était pourrie jusqu'à la moelle. Chloé, ma chérie, ne pleure pas pour elle. Elle ne le mérite pas. Vous deux, vous êtes l'avenir de cette famille. Elle n'était qu'une erreur, un corps étranger que nous avons eu la bêtise d'accueillir. »
Une famille. Ils formaient une belle petite famille, unie dans leur haine pour moi.
Pendant ce temps, dans l'atelier, Antoine avait tourné quelques pages. Il était complètement absorbé par sa lecture.
« Écoutez ça... une autre entrée. Quelques mois plus tard. »
Il a repris sa lecture, sa voix un peu plus hésitante.
« 3 décembre. Aujourd'hui, c'était la présentation de notre projet de fin d'année à l'école de design. J'avais travaillé pendant des semaines sur une robe. Chloé disait qu'elle était magnifique. Juste avant la présentation, elle m'a apporté un café. En me le donnant, elle a "trébuché" et a tout renversé sur ma création. La robe était fichue. J'étais dévastée. Elle n'arrêtait pas de s'excuser, de pleurer, de dire que c'était un accident. Mes professeurs n'ont rien voulu savoir, j'ai eu un zéro. Le soir, Chloé est venue dans ma chambre. Elle m'a serrée dans ses bras et m'a dit : "Ne t'inquiète pas, grande sœur. De toute façon, il ne peut y avoir qu'une seule créatrice de talent dans cette famille." Elle souriait en disant ça. »
Le silence dans le chat en direct était palpable. Les premiers commentaires de doute ont commencé à apparaître.
« C'est bizarre comme "accident". »
« La phrase à la fin est flippante. »
Antoine a continué, comme s'il sentait qu'il tenait quelque chose d'important.
« Page suivante... »
« 25 janvier. Quelqu'un a volé cent euros dans le portefeuille de Maman. Tout le monde m'a regardée. Chloé a dit, en pleurant, qu'elle m'avait vue près du bureau la veille. C'est faux ! Je n'y étais pas ! Papa m'a giflée. C'était la première fois. Il a crié que j'étais une ingrate, une voleuse, que le sang des rues ne mentait jamais. Marc était là. Il n'a rien dit. Il a juste regardé ailleurs. Plus tard, j'ai trouvé le billet de cent euros déchiré en deux dans la poubelle de la chambre de Chloé. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a juste dit : "Parce que tu ne mérites rien de tout ça. Ni cette famille, ni leur argent. Surtout pas Marc. Il est à moi." J'ai tellement peur... »
En lisant la dernière phrase, la voix d'Antoine s'est brisée. Il a relevé la tête du journal, le visage choqué.
Il commençait à comprendre.