« C'était une prise d'otage, Antoine. Une performance pour ton ego. Tu ne m'as même pas demandé ce que je voulais. Tu as juste supposé que j'allais tomber dans tes bras, éblouie par ton grand geste. »
Je l'ai repoussé.
« C'est fini. Je veux que tu partes. Maintenant. »
« Non. »
Son expression a changé. La colère a laissé place à une sorte de désespoir possessif.
Il m'a attrapée à nouveau, mais cette fois, son geste était différent. Il m'a attirée contre lui, a enfoui son visage dans mon cou.
« Ne me dis pas ça, Juliette. S'il te plaît. »
Son souffle était chaud sur ma peau. Ça me donnait la nausée.
« Lâche-moi. »
« Non. Tu es à moi. Tu m'appartiens. »
Il a essayé de m'embrasser. J'ai tourné la tête, ses lèvres ont rencontré ma joue. Le contact m'a brûlée.
Je l'ai repoussé de toutes mes forces.
« Arrête ! Tu me dégoûtes ! »
Mes mots l'ont frappé. Il a reculé, l'air blessé.
Puis ses yeux se sont remplis de larmes. Des larmes de frustration, de rage, d'apitoiement.
« Je t'aime, Juliette, » a-t-il sangloté, comme un enfant. « Je sais que j'ai tout gâché. J'ai été un idiot, un monstre. Mais je ne peux pas vivre sans toi. Tu es mon ancre. Sans toi, je ne suis rien. Je suis juste un cuisinier prétentieux. C'est toi qui m'as rendu meilleur. C'est toi qui as donné un sens à tout ça. »
C'était un discours magnifique.
Pathétique.
Il ne parlait pas de moi, il parlait de ce que je représentais pour lui. Un accessoire pour sa propre grandeur.
Je suis restée silencieuse, le regard vide.
Mon indifférence semblait le rendre encore plus fou.
Il allait dire autre chose, peut-être crier, peut-être supplier encore.
Mais son téléphone a sonné.
Une sonnerie stridente, insistante.
Il l'a ignoré une fois. Deux fois.
À la troisième, il a jeté un coup d'œil à l'écran.
Son visage s'est crispé.
Il a décroché, tournant le dos, comme pour me cacher sa conversation.
« Quoi ?... Maintenant ?... Je ne peux pas, je suis occupé... »
Il y a eu un silence. J'entendais une voix féminine, paniquée, à l'autre bout du fil. Chloé.
« Ok, ok, j'arrive. Ne bouge pas. Reste calme. Respire. J'arrive. »
Il a raccroché et s'est retourné vers moi.
Il avait l'air déchiré. L'acteur principal pris entre deux scènes.
« Je... je dois y aller. Chloé... elle ne se sent pas bien. Des saignements. L'hôpital. »
Il a attrapé ses clés sur la console de l'entrée.
« On n'a pas fini notre conversation, Juliette. »
Il a ouvert la porte, prêt à partir.
Je n'ai pas pu m'en empêcher. Un petit sourire amer a étiré mes lèvres.
« Vas-y, Antoine. »
Ma voix était douce, presque moqueuse.
« Ta priorité t'attend. »
Il m'a regardée, a ouvert la bouche pour protester, puis l'a refermée.
Il n'y avait rien à dire.
Mes paroles étaient la vérité.
Il est parti en courant.
Je suis restée seule dans le grand appartement silencieux.
La crise de larmes, la déclaration d'amour éperdue, tout ça s'était évaporé à cause d'un appel téléphonique.
Il avait fait son choix.
Encore une fois.
Et ce n'était pas moi.
J'ai regardé la Seine couler, imperturbable.
Je me sentais vide. Pas triste. Juste vide.
Et déterminée.
La guerre ne faisait que commencer.