« Nous avons nos ordres, madame. L'ordre vient de M. Lambert. Il faut faire vite. »
« Sortez de ma maison, » ai-je dit, ma voix tremblante mais ferme.
Ils se sont regardés, un sourire méprisant aux lèvres.
« Ce n'est pas votre maison, madame. Et nous n'irons nulle part. »
Le plus petit a essayé de me pousser doucement de côté. J'ai résisté. Il a alors utilisé plus de force, me projetant contre le mur du couloir. Ma tête a heurté le plâtre dans un bruit sourd. Des étoiles ont dansé devant mes yeux. J'ai entendu la porte de la chambre s'ouvrir. Des bruits de pas, le son d'un zip.
Je me suis relevée, chancelante, et je me suis précipitée dans la chambre. Ils avaient déjà mis mon fils dans cette housse horrible, comme un déchet.
« Ne le touchez pas ! » ai-je crié, une fureur primale montant en moi.
J'ai essayé de leur arracher la housse des mains. Le plus grand m'a saisie par les bras et m'a immobilisée.
« Calmez-vous, ou ça va mal se passer pour vous. »
J'ai lutté, griffé, mordu. En vain. J'étais impuissante, forcée de regarder ces deux étrangers emporter le corps de mon fils. Alors que je me débattais, le stress, le manque de sommeil et le choc des derniers jours ont eu raison de moi. Une douleur fulgurante a traversé ma poitrine, mon souffle s'est bloqué. Le monde est devenu noir et j'ai sombré dans l'inconscience.
Je me suis réveillée dans mon lit. Une perfusion était plantée dans mon bras. Un médecin que je ne connaissais pas se tenait au pied du lit, l'air grave.
« Vous avez fait une crise de tachycardie sévère, Madame Dubois. Votre corps est à la limite de l'épuisement. Vous devez vous reposer. »
J'ai arraché l'aiguille de mon bras.
« Où est mon fils ? Où est Léo ? »
Le médecin a soupiré. « M. Lambert a donné des instructions claires. Le corps a été pris en charge. Tout est sous contrôle. Votre priorité maintenant, c'est votre santé. Il s'inquiète beaucoup pour vous. »
L'hypocrisie de cette phrase m'a donné la nausée. Marc ne s'inquiétait pas pour moi. Il s'inquiétait qu'un autre "incident" ne vienne perturber ses vacances. Il voulait que je sois droguée, docile, silencieuse.
Le médecin a essayé de me faire prendre un sédatif. "Juste pour vous aider à dormir." Je l'ai repoussé. Dès qu'il a eu le dos tourné, j'ai craché le comprimé qu'il avait réussi à me faire avaler. Je ne pouvais pas me permettre d'avoir l'esprit embrumé. Pas maintenant.
Dans le brouillard de ma fièvre et de mon chagrin, les souvenirs revenaient par vagues. Chaque sacrifice, chaque compromis, chaque mensonge que j'avais accepté. Je me revoyais, jeune et amoureuse, codant jusqu'à l'aube pour lui. Je revoyais mon propre projet, "Phoenix", un système d'IA révolutionnaire que j'avais mis de côté pour sauver son entreprise. Je revoyais son visage le jour où il m'avait abandonnée à ses concurrents, la froideur dans son regard. Je revoyais son excuse, "pour le bien de l'entreprise", et ma propre stupidité de l'avoir cru.
La douleur était physique. Chaque souvenir était une nouvelle blessure. J'avais tout misé sur cet homme, et il avait tout brûlé. Mon talent, mon amour, mon fils. J'étais une idiote. Une idiote qui avait perdu la seule chose qui comptait vraiment.
La rage a cédé la place à une clarté glaciale. Personne ne viendrait me sauver. Mon amie Sarah ne pouvait pas m'atteindre, ses appels étaient certainement bloqués. Les employés étaient des espions. J'étais seule.
Mais j'avais une chose que Marc avait oubliée. Une chose qu'il avait toujours sous-estimée. Mon cerveau.
Je me suis levée, malgré la faiblesse qui me tenaillait. J'ai attrapé mon ordinateur portable personnel, un vieux modèle que j'avais gardé et que personne ne soupçonnait. Je l'ai allumé. À l'intérieur, dans un dossier crypté, dormaient les plans de "Phoenix". Mon projet. Mon chef-d'œuvre. Une intelligence artificielle si avancée qu'elle pouvait s'infiltrer dans n'importe quel réseau, analyser des quantités massives de données et prédire les mouvements du marché avec une précision terrifiante. C'était l'arme parfaite.
Marc pensait m'avoir enfermée. Il pensait m'avoir brisée. Il avait tort. Il m'avait juste donné la seule chose dont j'avais besoin : une raison de me battre.
J'ai commencé à taper. Mes doigts volaient sur le clavier, une danse familière et réconfortante. Le code défilait sur l'écran, des lignes de logique pure et implacable. C'était ma réponse. Ma seule issue.
Je n'allais pas seulement me sauver. J'allais construire l'arme qui le détruirait. Et j'allais le faire avec le talent qu'il avait si longtemps exploité.
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