Quelques semaines après mon départ, j'ai officiellement soumis ma démission par courrier recommandé et j'ai chargé mon avocat de négocier la vente de mes parts dans l'entreprise de Marc. Je voulais couper tous les ponts, financiers et professionnels. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui.
Mon avocat m'a appelée quelques jours plus tard. « Marc a accepté. Il a signé les papiers sans discuter. L'argent sera sur votre compte d'ici la fin de la semaine. »
« Bien », ai-je répondu, sans émotion.
Marc n'avait pas hésité une seconde à me rayer de l'entreprise. C'était une nouvelle preuve de son indifférence. Il ne voulait plus de moi dans sa vie, sous aucune forme. La rapidité avec laquelle il avait signé était une insulte de plus, un signe clair qu'il était pressé de tourner la page.
Le jour où j'ai quitté définitivement l'immeuble de bureaux, après avoir signé les derniers documents, j'ai ressenti un étrange sentiment de légèreté. En franchissant les portes pour la dernière fois, j'ai levé les yeux vers le ciel gris de Paris. C'était fini. Un chapitre de ma vie était clos. C'était douloureux, mais c'était aussi une libération. Pour la première fois depuis des semaines, j'ai senti une lueur d'espoir. Un avenir était possible, un avenir sans lui.
Pendant ce temps, Marc commençait à peine à réaliser l'étendue de mon absence. Au début, il était soulagé. Plus de disputes, plus de regards accusateurs. Il avait Chloé, sa passion retrouvée. Mais les jours passant, des petites choses ont commencé à lui manquer. La façon dont je préparais son café le matin. La façon dont la maison était toujours parfaitement rangée et accueillante. Les conversations que nous avions sur l'art, le design, des choses que Chloé ne comprenait pas.
Un soir, en rentrant, il a trouvé l'appartement en désordre. Des vêtements de Chloé traînaient sur le canapé, des assiettes sales dans l'évier. Il a soupiré. Il a cherché quelque chose dans le bureau et n'a pas trouvé. Il a réalisé que c'était moi qui organisais tout, qui savais où chaque chose se trouvait. Il a essayé de m'appeler, par réflexe, avant de se souvenir que je n'étais plus là. Une sensation de vide l'a envahi.
Il s'est dit que c'était juste une phase, que j'essayais de le faire réagir. Il était convaincu que ma colère n'était qu'une façade, une stratégie pour le faire revenir. Il ne pouvait pas imaginer que je puisse réellement vouloir le quitter, lui, le grand Marc Dubois. Il était trop habitué à ce que je sois là, à ce que je pardonne.
Un matin, il a remarqué que toutes mes plantes vertes, que j'entretenais avec tant de soin, avaient disparu de l'appartement. Il s'est souvenu que je les avais emportées le jour où j'étais venue chercher mes affaires. Ce détail, plus que tout le reste, l'a frappé. C'était si définitif.
Il a pris son téléphone et m'a envoyé un message.
« Tu as pris les plantes ? »
J'ai lu le message, assise à mon nouveau bureau, au milieu de mes plans. J'ai ressenti une pointe d'agacement. C'est tout ce qu'il trouvait à dire après des semaines de silence ? Les plantes ?
Je n'ai pas répondu. Il a envoyé un autre message une heure plus tard.
« Léa, réponds-moi. Pourquoi tu as fait ça ? C'est notre maison. »
Notre maison. L'ironie m'a fait sourire amèrement. Il a fallu qu'il m'appelle. Je n'avais pas envie de lui parler, mais je savais que si je ne le faisais pas, il continuerait à me harceler. J'ai décroché.
« Qu'est-ce que tu veux, Marc ? »
« Les plantes, Léa ! Et toutes tes affaires ! Pourquoi tu as tout pris ? Tu essaies de me punir ? De me faire sentir coupable ? » Sa voix était pleine d'une indignation déplacée.
« Te punir ? », ai-je répété, incrédule. « Ne sois pas ridicule. Ce ne sont que des objets. Ils ne t'appartiennent pas, ils m'appartiennent. Je les ai donc pris. C'est aussi simple que ça. »
« Mais... c'est notre vie ! Tu ne peux pas juste tout effacer comme ça ! »
Un rire m'a échappé, un rire froid et fatigué. « C'est toi qui as tout effacé, Marc. Pas moi. Toi, le jour où tu as décidé de coucher avec une autre femme dans notre lit. Toi, le jour où tu m'as humiliée devant elle. Alors ne viens pas me parler de "notre vie". Il n'y a plus de "notre". Il y a toi, et il y a moi. Et je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. Compris ? »
Il y a eu un long silence à l'autre bout du fil. Il était probablement choqué. Il n'avait jamais entendu ce ton dans ma voix. C'était la voix d'une femme qui n'avait plus rien à perdre.
« Alors, c'est vraiment fini ? », a-t-il murmuré, comme s'il le réalisait pour la première fois.
« C'est fini depuis longtemps, Marc. Tu ne l'avais juste pas remarqué. »
J'ai raccroché avant qu'il ne puisse répondre. J'ai posé mon téléphone, le cœur battant. C'était fait. J'avais enfin dit ce que je pensais, sans filtre, sans peur. Et c'était libérateur.