« Comment ça, tu ne sais pas ? Tu as vu les photos. Marc avec cette femme. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ? »
Les photos. Je les avais trouvées par hasard sur son ordinateur portable, qu'il avait laissé ouvert. Des photos de mon mari, Marc, le célèbre restaurateur, enlaçant une autre femme. Elles riaient, elles s'embrassaient. Elles semblaient heureuses. Une douleur sourde s'est installée dans ma poitrine, une douleur que je connaissais trop bien depuis quelques jours.
« C'est juste que... c'est toute ma vie, Sophie. »
Un silence. Puis Sophie a lâché une sorte de rire sans joie. « C'est drôle que tu dises ça. »
« Qu'est-ce qui est drôle ? »
« J'ai reçu des photos, moi aussi. Anonymes. Mon mari, avec une femme. »
J'ai froncé les sourcils, confuse. « Quoi ? Mais... »
« Attends, ce n'est pas tout », a-t-elle continué. « C'est la même femme, Léa. La même garce est en train de coucher avec nos deux maris. »
Le choc m'a clouée sur place. C'était au-delà de la trahison, c'était une farce cruelle et sordide. Sophie et moi, amies depuis des années, victimes de la même tromperie, par la même femme.
« On ne peut pas laisser passer ça », a dit Sophie, sa voix dure maintenant. « Ces salauds. Ils méritent d'être punis. On doit faire front commun. »
L'idée a commencé à germer dans mon esprit. La punition. La vengeance. Mais d'abord, je devais mettre un point final à mon mariage.
« Tu as raison », ai-je dit, sentant une nouvelle détermination remplacer ma tristesse. « Ce soir. Je vais lui parler ce soir. »
« Bien. C'est ça, ma Léa. Montre-lui qui tu es. Et ne pleure pas, ça n'en vaut pas la peine. »
J'ai raccroché, le cœur battant. Punir. L'idée était à la fois effrayante et étrangement excitante.
Ce soir-là, j'ai préparé le dîner préféré de Marc. Un filet de bœuf sauce au poivre, avec des pommes de terre dauphinoises. J'ai mis la table avec notre plus belle vaisselle, j'ai allumé des bougies, j'ai mis une musique douce. Je voulais que la scène soit parfaite, ironiquement romantique pour la fin de notre histoire. Je voulais qu'il voie tout ce qu'il était en train de perdre.
Les heures passaient. Huit heures. Neuf heures. Dix heures. Le filet de bœuf refroidissait sur le comptoir. Les bougies se consumaient lentement, leurs flammes vacillant comme mes derniers espoirs. J'ai essayé de l'appeler, mais il n'a pas répondu. J'ai envoyé un message. Pas de réponse.
À onze heures, j'ai appelé son restaurant principal, Le Dubois. La voix d'une jeune hôtesse m'a répondu.
« Bonsoir, je suis désolée de vous déranger, je suis la femme de Marc Dubois. Est-ce qu'il est encore là ? »
« Oh, Madame Dubois. Non, Monsieur Dubois est parti il y a plusieurs heures. »
« Vous savez où il est allé ? »
Il y a eu une hésitation. « Je crois qu'il avait un rendez-vous... Il est parti avec Madame Chloé. »
Chloé. Le nom a résonné dans ma tête. C'était donc son nom. Chloé.
Mon cœur s'est serré. Il n'allait pas rentrer. Il était avec elle. J'ai regardé le dîner parfaitement dressé, la table pour deux, et j'ai ressenti une solitude immense. La colère a commencé à monter, brûlante et pure.
Lentement, méthodiquement, j'ai pris les assiettes de la table. Je suis allée à la cuisine, j'ai ouvert la poubelle et j'ai tout jeté dedans. Le filet de bœuf, les pommes de terre, le vin que j'avais ouvert. Chaque geste était précis, délibéré. C'était un rituel. Je n'étais pas en train de jeter de la nourriture, j'étais en train de jeter dix ans de ma vie.
Je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai attendu, assise dans le salon obscur, le silence de l'appartement brisé seulement par le tic-tac de l'horloge.
Le lendemain matin, vers sept heures, j'ai entendu la clé dans la serrure. Marc est entré, l'air fatigué mais satisfait. Il portait les mêmes vêtements que la veille. Il a souri en me voyant.
« Chérie, tu es déjà levée ? »
Je ne lui ai pas rendu son sourire. Je me suis levée et je me suis dirigée vers le bureau du salon. J'en ai sorti une liasse de papiers que mon avocat avait préparée il y a deux jours. Je suis revenue vers lui et je lui ai tendu les documents.
« Qu'est-ce que c'est ? », a-t-il demandé, son sourire s'effaçant.
« Les papiers du divorce. »
Il m'a regardée, surpris. Il n'a pas eu l'air triste, juste surpris. Comme si cette possibilité ne lui avait jamais traversé l'esprit.
« Tu es sérieuse ? », a-t-il dit.
« Je n'ai jamais été aussi sérieuse de ma vie. »
Il a soupiré, passant une main dans ses cheveux. « Écoute, Léa... C'est à propos de Chloé, n'est-ce pas ? »
« Ça n'a plus d'importance. Je veux juste que tu signes. »
Il a fixé les papiers, puis m'a regardée. « D'accord. Si c'est ce que tu veux. » Il n'a pas essayé de se battre, de s'excuser. Il a accepté. C'était peut-être ça le plus blessant.
« C'est Chloé Dubois », a-t-il ajouté, comme si ça expliquait tout. « Mon amour de jeunesse. Je ne pouvais pas... »
Je l'ai interrompu. « Je ne veux pas savoir. Signe juste les papiers, Marc. »
Il a hoché la tête. Pendant qu'il cherchait un stylo, mon esprit était déjà ailleurs. Je pensais à l'entreprise, à ses restaurants. J'avais investi tellement de temps et de talent dans leur design, dans leur succès. J'étais actionnaire. Mais je ne pouvais plus rester. Je devais tout quitter. C'était la seule façon de me reconstruire. Je le regardais, et pour la première fois, je ne voyais plus l'homme que j'avais aimé, mais un étranger. Et je savais que je devais m'éloigner de cet étranger, le plus vite et le plus loin possible.