Le lundi matin, je suis allée au siège de l'entreprise. Je devais finaliser le dossier de notre nouveau projet à Lyon avant de partir. C'était une question de professionnalisme. Je ne voulais pas laisser mes équipes dans le pétrin.
J'étais dans le bureau de Marc, qui était aussi un peu le mien, en train de rassembler les derniers documents. L'endroit était rempli de souvenirs, de photos de nous deux lors des inaugurations, de prix que nous avions gagnés. J'essayais de ne pas y penser, de me concentrer sur ma tâche.
La porte s'est ouverte sans qu'on frappe. Chloé Dubois est entrée, un grand sourire aux lèvres. Elle portait une robe rouge moulante qui semblait déplacée dans un environnement de bureau.
« Léa ! Je ne m'attendais pas à te voir ici. » Sa voix était douce, presque mielleuse. C'était faux.
Je l'ai regardée froidement. « Je finalise un dossier. Je pars après. »
« Oh, c'est vrai. Marc m'a dit pour le divorce. Je suis vraiment désolée pour toi. Ça doit être si difficile. » Elle s'est approchée du bureau, passant une main manucurée sur le bois précieux.
Je n'ai rien dit. Je continuais à trier mes papiers.
Elle a continué, sa voix toujours aussi faussement compatissante. « Marc se sent tellement coupable, tu sais. Mais entre nous, c'était inévitable. Notre amour est si... puissant. On s'est retrouvés après toutes ces années. C'est le destin. »
Chaque mot était une provocation. Elle voulait me faire réagir, me voir pleurer ou crier. Je ne lui ai pas donné cette satisfaction.
« J'ai du travail, Chloé. »
Elle a ri doucement. « Toujours la femme sérieuse. Marc dit toujours que tu es un peu trop rigide. Il a besoin de passion, de spontanéité. C'est ce que je lui apporte. » Elle a pris une tasse de café posée sur le bureau, une tasse que j'utilisais souvent. « Tu veux un peu de café ? Oh, attends, il doit être froid maintenant. Comme ton mariage, non ? »
C'en était trop. J'ai levé les yeux vers elle, mon regard glacial. « Sors de ce bureau. »
Son sourire s'est élargi. C'est exactement ce qu'elle voulait. Elle a fait un pas en arrière, a fait semblant de trébucher sur le tapis et a renversé la tasse de café brûlant sur sa robe rouge.
« Aïe ! » a-t-elle crié, un cri aigu et théâtral. « Mais tu es folle ! Tu m'as poussée ! »
Elle s'est mise à hurler, prétendant que je l'avais agressée. La porte du bureau s'est ouverte à la volée. Marc est entré en courant, alerté par les cris.
Il a vu Chloé, debout, avec la tache de café sur sa robe, le visage déformé par une fausse douleur. Il m'a regardée, moi, debout, silencieuse, à côté du bureau.
« Léa ! Qu'est-ce que tu as fait ? » a-t-il crié, sa voix pleine de fureur. Il n'a même pas cherché à savoir ma version des faits. Il s'est précipité vers Chloé, la prenant dans ses bras.
« Marc, elle est folle ! Elle m'a attaquée ! Elle m'a jeté son café dessus ! », a sangloté Chloé dans ses bras, me jetant un regard triomphant par-dessus son épaule.
« Ça va, mon amour, je suis là », a-t-il murmuré à Chloé, avant de tourner un regard assassin vers moi. « Comment oses-tu ? Tu es pathétique ! Tu ne supportes pas de me voir heureux, alors tu t'en prends à elle ? Sors d'ici ! Sors de ma vie ! »
Je suis restée immobile, le regardant la consoler. L'humiliation était totale. Il ne me croyait pas. Il ne m'avait même pas posé la question. Il l'avait choisie, elle, sans une seconde d'hésitation. Et dans ses yeux, je n'ai vu que du mépris.
À cet instant précis, quelque chose s'est brisé en moi. Ce n'était pas de la tristesse. C'était une prise de conscience, froide et définitive. L'amour que j'avais eu pour cet homme, l'amour qui avait survécu aux doutes et aux mensonges, venait de mourir. Il ne restait plus rien. Pas même de la haine. Juste un vide immense.
J'ai regardé Marc, puis Chloé, qui savourait sa victoire. J'ai pris mon sac à main, laissant les dossiers sur le bureau. Je n'ai pas dit un mot. Je me suis retournée et j'ai quitté le bureau, la tête haute.
En passant devant la secrétaire de Marc, je me suis arrêtée.
« Dites à Monsieur Dubois que je démissionne. Avec effet immédiat. Et que mon avocat le contactera pour la vente de mes parts. »
Puis je suis partie, sans un regard en arrière. Je ne sentais plus la douleur. Je ne sentais plus la tristesse. Je ne sentais que le froid. Le froid de la liberté, et la naissance d'une nouvelle détermination. Ils avaient voulu me détruire, mais ils venaient de créer un monstre.