Il me lança un regard chargé de sous-entendus, un regard qui disait : "Tu es à moi, et tu feras ce que je veux".
Avant que je puisse répondre, une petite silhouette se glissa à ses côtés. C'était Camille Moreau, sa maîtresse. Elle portait une simple robe blanche, ses grands yeux larmoyants fixés sur moi.
"Mademoiselle Dubois," sa voix était un murmure tremblant. "S'il vous plaît, pardonnez l'impétuosité d'Antoine. Il est tellement... passionné. Il vous aime tant. C'est juste que... il a peur. Peur que quelque chose n'aille pas."
Elle jouait la comédie à la perfection, la petite femme fragile et dévouée. Dans ma vie passée, j'avais cru à cette mascarade. Je l'avais même prise en pitié. Quelle idiote j'avais été.
Antoine posa un bras protecteur autour des épaules de Camille.
"Tu vois, Léa ? Tu l'as fait pleurer. C'est de ta faute. Si tu avais simplement accepté ma demande, rien de tout cela ne serait arrivé."
Il me pointait du doigt, m'accusant devant tout le monde. La colère monta en moi, brûlante et familière. Mais je la ravalai. Je devais jouer le jeu.
Je baissai les yeux, prenant un air contrit.
"Tu as raison, Antoine. Pardonnez-moi. Je... je ne voulais pas causer de problème."
Je me tournai vers mon grand-père. "Grand-père, s'il vous plaît. Laissez Antoine passer. Je vais... je vais juste vérifier la Pierre d'Aura. Peut-être qu'elle a été perturbée par le nombre de personnes qui l'ont touchée."
C'était une excuse boiteuse, mais elle servait mon objectif. Le Patriarche me regarda, perplexe, mais il vit la supplication feinte dans mes yeux et céda avec un soupir.
"Très bien. Fais comme tu le souhaites."
Antoine afficha un sourire triomphant. Il se pencha vers Camille et lui murmura quelque chose à l'oreille, puis il l'emmena vers un siège, la traitant comme une reine. Il se retourna vers moi.
"Dépêche-toi, Léa. Je n'ai pas toute la journée."
Pendant qu'il s'éloignait, je m'approchai de la Pierre d'Aura. Je posai mes mains dessus, fermant les yeux comme pour me concentrer. En réalité, je ne faisais rien. La pierre n'avait pas besoin d'être "réparée". Elle était un miroir de l'âme, et elle ne mentait jamais.
J'entendis Antoine et Camille s'éloigner vers une antichambre, prétextant un malaise soudain de la jeune femme. C'était leur plan. Me laisser seule pour que je puisse "arranger" les choses en sa faveur. Comme je l'avais fait avant.
Dès qu'ils eurent disparu, j'ouvris les yeux et reculai de la pierre.
Et là, sous les yeux de quelques invités restés en retrait, la magie opéra.
La surface laiteuse de la Pierre d'Aura, là où Antoine aurait dû poser sa main, commença à s'assombrir. Une couleur gris sale s'étendit, puis vira au noir. Un noir profond, opaque, comme de l'encre. Un noir qui semblait absorber toute la lumière autour de lui.
C'était la marque d'une âme corrompue. D'une ambition sans limites, d'une cruauté et d'un égoïsme purs.
Un murmure horrifié parcourut les rangs des derniers témoins. Ils avaient vu. Ils savaient.
Je restai là, un sourire imperceptible sur mes lèvres. Je n'avais rien eu à faire. La pierre avait simplement montré la vérité. Antoine venait de se condamner lui-même.
Il pensait que j'allais encore une fois tricher pour lui. Il ne réalisait pas que le jeu avait changé. Et que cette fois, c'est lui qui allait tout perdre.
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