Aujourd'hui, c'était la cérémonie du choix. Le jour où l'aura de ma création la plus puissante devait choisir mon futur époux, l'homme destiné à régner à mes côtés sur notre empire du luxe.
Mon cœur battait, mais pas d'excitation ou d'amour. Il battait de la terreur glacée d'un souvenir.
Car j'avais déjà vécu ce jour.
Dans ma vie antérieure, j'étais follement amoureuse d'Antoine Dubois, le fils aîné, l'héritier présumé de la fortune Dubois. J'étais tellement aveuglée que j'avais commis l'impensable : j'avais manipulé l'aura. J'avais forcé le destin pour qu'il le choisisse lui.
Pour lui, j'avais tout donné. Mon talent, les ressources de ma famille, mon âme. J'ai fait de lui un empereur de la mode internationale, un nom que le monde entier vénérait. Et le jour de son couronnement, le jour où notre triomphe devait être absolu, il m'a trahie.
"Léa Dubois, tu es répudiée."
Ses mots résonnaient encore dans mon crâne comme un glas funèbre. Devant toute l'élite mondiale, il m'a humiliée. Il a anéanti ma famille, s'emparant de tous nos biens, de tous nos secrets. Il m'a fait défigurer, a ordonné qu'on me brise les mains, les mains qui avaient créé sa gloire. J'ai été réduite à une esclave, le jouet de ceux qui me servaient autrefois.
Ses derniers mots pour moi, crachés avec un mépris infini, alors que je gisais dans la fange : "Tu n'étais qu'un prétexte pour que je puisse conquérir le monde de la mode ! Sans toi, j'aurais tout aussi bien réussi ! C'est à cause de toi que Camille a été forcée d'épouser un autre et a été brisée ! Tu vas payer pour ça !"
Camille. Sa maîtresse, une chanteuse de rue à l'air innocent qu'il avait toujours gardée à ses côtés.
Mais le destin, dans sa cruauté ou sa pitié, m'a offert une seconde chance. Je suis revenue. Revenue à ce moment précis, dans cette salle, quelques instants avant que la cérémonie ne commence.
Cette fois, je ne commettrai pas la même erreur. Je ne manipulerai rien. Je laisserai l'aura choisir.
Antoine peut bien épouser sa précieuse Camille. Je me marierai avec l'homme que le destin m'a réellement choisi. Je me vengerai en vivant la vie qu'il m'a volée.
Les lourdes portes de la salle s'ouvrirent, et Le Patriarche, mon grand-père, entra, sa présence imposante faisant taire les murmures de l'assemblée. Il était le gardien des traditions, le chef de la famille Dubois.
Il s'avança vers le centre de la salle où se trouvait un piédestal de marbre. Sur ce piédestal reposait la "Pierre d'Aura", un cristal laiteux qui réagissait à la pureté et à la force de caractère. C'était l'épreuve préliminaire.
"La tradition est ancienne," sa voix était grave et portait dans toute la salle. "La créatrice, héritière de notre savoir, présente sa pièce maîtresse. Les candidats au titre de Prince Héritier se présentent. Chacun posera sa main sur la Pierre d'Aura. La pierre révélera la nature de leur cœur. Seuls ceux dont le cœur est jugé digne pourront approcher la création de Léa."
Il me regarda, un éclair d'affection dans ses yeux sévères. "Léa, es-tu prête ?"
Je hochai la tête, le visage impassible. "Je suis prête, Grand-père."
Les candidats étaient nombreux, fils de ducs, de magnats industriels, tous avides de s'allier à notre puissance. Ils se succédèrent, posant leur main sur la pierre. Pour la plupart, elle émettait une faible lueur blanche, signe d'une âme neutre, ni bonne ni mauvaise. Pour quelques-uns, une lueur un peu plus vive, montrant une certaine noblesse de cœur. Personne de remarquable.
Puis, alors que le dernier candidat se retirait, les portes s'ouvrirent à nouveau avec fracas.
Antoine Dubois fit son entrée.
Il était en retard, mais il marchait avec l'arrogance de celui qui se sait attendu, de celui qui pense que le monde lui appartient. Il était vêtu d'un costume impeccable, ses cheveux noirs coiffés à la perfection, un sourire suffisant sur les lèvres. Il ne me jeta même pas un regard, s'adressant directement au Patriarche.
"Pardonnez mon retard, Père. Des affaires urgentes."
Le Patriarche plissa les yeux, mécontent du manque de respect de son fils aîné. Antoine ignorait son père et se tourna vers la Pierre d'Aura.
"Bien, finissons-en," dit-il avec un air d'ennui. "Inutile de perdre plus de temps avec ces formalités. Tout le monde sait qui l'aura choisira."
Il s'avança, mais au lieu de se diriger vers la pierre, il me fit face. Un frisson me parcourut. Je connaissais ce regard. C'était le regard prédateur qu'il avait avant de me dévorer toute crue dans ma vie passée.
"Léa," sa voix était faussement douce. "Je sais que cette cérémonie est importante pour toi. Pour te montrer ma sincérité, je devrais être le premier à passer le test final, celui de ta création. Je n'ai pas besoin de cette pierre pour prouver ma valeur."
Il demandait à briser les règles. À ignorer l'épreuve préliminaire et à passer directement à l'étape finale. Dans ma vie antérieure, aveuglée par l'amour, j'aurais supplié mon grand-père d'accepter.
Aujourd'hui, mon sang se glaça. C'était le début de la fin. Et cette fois, ce serait la sienne.
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