« Il n'y a jamais "trop" quand il s'agit de faire plaisir à sa famille et à ses amis, tu ne crois pas ? »
Elle n'insista pas, se sentant observée. Elle savait qu'elle ne pouvait rien dire sans déclencher une explosion que je maîtrisais parfaitement.
Le déjeuner de famille fut bref et tendu. Antoine ne parlait que de son futur poste à Paris, de l'appartement qu'il allait louer, de la voiture qu'il allait s'acheter avec "son" argent. Hélène l'écoutait avec des yeux brillants de fierté et de cupidité. Ils étaient déjà en train de dépenser l'argent qu'ils n'auraient jamais.
À 19 heures, nous nous préparâmes. Je portais un costume impeccable. Sophie avait mis une robe élégante, mais son maquillage ne parvenait pas à cacher les cernes sous ses yeux et sa nervosité. Hélène et Antoine étaient sur leur trente-et-un, prêts à jouer leur rôle de famille bienfaitrice.
Quand nous arrivâmes sur la place, le spectacle était impressionnant. Des guirlandes lumineuses étaient tendues entre les arbres. Des buffets chargés de nourriture étaient dressés. Un orchestre jouait une musique entraînante. Et presque tous les habitants du village étaient là. Des centaines de personnes.
Notre arrivée fut saluée par des applaudissements. Le maire, Monsieur Martin, s'approcha de moi et me serra la main avec chaleur.
« Pierre, je n'ai pas de mots. Ce que vous avez fait pour notre village... c'est inoubliable. Vous êtes un homme bon. »
« C'est tout naturel, Monsieur le Maire, » répondis-je en posant une main sur l'épaule de Sophie, qui se raidit à mon contact. « Nous sommes une famille maintenant, n'est-ce pas ? »
Les villageois venaient nous saluer, nous remercier. Hélène et Antoine se rengorgeaient, savourant cette gloire imméritée. Sophie souriait, un rictus figé sur son visage.
À 20 heures, le maire m'invita à monter sur la petite scène installée devant l'écran géant.
« Mes chers amis, mes chers administrés ! » commença-t-il. « Ce soir, nous devons cette magnifique fête à un homme de cœur, notre cher Pierre Dubois ! »
Nouveaux applaudissements. Je pris le micro, le cœur battant d'une excitation froide. Le moment approchait.
« Merci, Monsieur le Maire. Merci à vous tous d'être venus, » commençai-je. « On dit que le Nouvel An est un moment de bilan, un moment pour se souvenir des bons moments de l'année passée et pour prendre de bonnes résolutions pour l'avenir. »
Je fis une pause, balayant la foule du regard. Je vis Sophie, Hélène et Antoine au premier rang, leurs visages levés vers moi.
« Cette année a été riche en émotions pour ma famille et moi. Riche en... découvertes. J'ai beaucoup appris sur les gens qui m'entourent. Sur la loyauté, sur la confiance, et aussi sur la trahison. »
Un murmure parcourut la foule. Sophie devint blême. Hélène fronça les sourcils, ne comprenant pas où je voulais en venir.
« Pour célébrer cette année, j'ai préparé une petite rétrospective. Un montage vidéo de quelques moments marquants. J'espère que cela vous plaira. »
Je me tournai vers le technicien derrière la scène et lui fis un signe de tête. La musique s'arrêta. Les lumières de la place s'éteignirent, plongeant la foule dans l'obscurité. Seule la scène restait éclairée.
Tous les regards se tournèrent vers l'écran géant.
Le silence était total.
Je vis Sophie serrer ses mains si fort que ses jointures blanchirent. Elle savait ce qui allait arriver.
Mais juste avant que je ne donne le signal final, une voix s'éleva sur le côté de la scène.
« Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Dubois. »
C'était Isabelle Lambert. Mon alliée du train. Elle tenait un micro. Elle n'était pas censée être là, pas selon notre plan. Qu'est-ce qu'elle faisait ? Le cœur manqua un battement.
Elle s'avança dans la lumière.
« Je pense qu'avant votre vidéo, il y en a une autre que tout le monde ici devrait voir. Une vidéo qui concerne l'honneur de ce village. »