Trahison et Renouveau Conjugal
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Chapitre 2

Le train arriva en gare en fin d'après-midi. Le village de ma belle-famille était typique de la province française : une église, une place centrale, quelques commerces et beaucoup de maisons en pierre. C'était un monde à part, loin de l'agitation de Paris. Un monde où les réputations se faisaient et se défaisaient sur la place publique.

Avant de me rendre chez Hélène, je fis un détour par le seul bar-tabac du village, "Le Relais des Amis". C'était le cœur battant de la commune, là où toutes les nouvelles et les rumeurs prenaient naissance.

Je poussai la porte. Une dizaine d'hommes étaient accoudés au comptoir. Le silence se fit quand ils me virent. J'étais le Parisien, le gendre de la Moreau, une figure à la fois respectée pour son argent et regardée avec une certaine méfiance.

Je m'avançai vers le comptoir avec un large sourire.

« Bonjour à tous ! Jean-Pierre, sers une tournée générale ! C'est pour moi ! »

Le patron, un homme massif au visage rubicond, écarquilla les yeux. Les autres clients se regardèrent, surpris, puis un murmure d'approbation parcourut la salle.

« À la bonne vôtre, Monsieur Dubois ! » lança un homme.

Je trinquai avec eux, discutant de la météo, des dernières récoltes, de la vie du village. Je parlais avec le maire, un homme simple et honnête nommé Monsieur Martin. Il se plaignait du manque de budget de la commune.

« On n'a même plus assez pour réparer les jeux pour enfants sur la place, » dit-il en soupirant. « Et le réseau internet est une catastrophe. Les jeunes s'ennuient et partent à la ville. »

Je hochai la tête, l'air pensif. C'était parfait.

« C'est dommage, » dis-je à voix haute pour que tout le monde entende. « Une si belle place... »

Je quittai le bar une demi-heure plus tard, laissant derrière moi une impression de générosité et de sympathie. J'avais gagné mes premiers alliés.

J'arrivai enfin devant la maison d'Hélène. Une bâtisse respectable mais dont la façade commençait à s'écailler. Le toit, sujet de ses constantes réclamations, semblait en effet avoir besoin de réparations.

Je sonnai. Hélène m'ouvrit, le visage crispé par un sourire forcé.

« Pierre ! Quelle surprise ! On ne t'attendait pas si tôt ! »

Sophie apparut derrière elle. Elle était pâle. Ses yeux fuyaient les miens. Elle avait dû recevoir un appel paniqué de sa mère.

« Mon amour, » dit-elle en s'approchant pour m'embrasser.

Je lui tendis la joue, un geste froid qui ne lui échappa pas.

« Tu as l'air fatiguée, » dis-je sans aucune chaleur dans la voix. « Le voyage, sans doute. »

Je rentrai dans la maison sans attendre de réponse. Je posai mes affaires et me tournai vers elles, le visage illuminé par un enthousiasme feint.

« J'ai eu une idée formidable dans le train ! Cette année, pour le Nouvel An, on ne va pas faire les choses à moitié. »

Hélène et Sophie me regardèrent, méfiantes.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » demanda Hélène.

« Je vais organiser une grande fête pour tout le village ! Sur la place centrale ! J'ai parlé au maire, il est d'accord. Je vais payer pour un traiteur, un orchestre, des feux d'artifice ! Et ce n'est pas tout ! »

Je marquai une pause pour laisser l'effet s'installer.

« Je vais faire un don à la commune pour rénover la place, réparer les jeux pour enfants et installer la fibre optique dans tout le village ! »

Le silence qui suivit fut total. Sophie me regardait comme si j'étais devenu fou. Hélène, elle, avait une expression partagée entre l'incrédulité et une fureur contenue.

« Mais... Pierre... » balbutia-t-elle. « C'est... c'est une somme énorme ! Et le toit ? Et l'argent que tu devais me donner ? »

Le piège se refermait.

« Hélène, pense à notre réputation ! » dis-je d'un ton enjoué. « La famille Moreau-Dubois, les grands bienfaiteurs du village ! Tout le monde parlera de notre générosité. Tu seras la femme la plus respectée de la région. N'est-ce pas merveilleux ? Comment pourrais-tu refuser une telle chose ? Ce serait si... égoïste. »

Je la regardai droit dans les yeux. Elle était coincée. Si elle s'opposait à ce projet public, elle passerait pour la femme avide et cupide qu'elle était réellement. Elle était obligée d'accepter, de sourire, et de faire semblant d'être ravie.

« Oui... oui, bien sûr, » dit-elle d'une voix étranglée. « C'est... c'est une idée formidable, mon cher Pierre. Absolument formidable. »

Sophie, quant à elle, ne disait rien. Elle se contentait de me fixer, le visage décomposé par une peur grandissante. Elle sentait que quelque chose n'allait pas. Que ce déferlement de générosité cachait autre chose. Elle avait raison.

C'était le prix de son silence. Le prix de sa complicité. Le début de leur chute.

            
            

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