Alexandre Dubois frottait le plan de travail en marbre, son sanctuaire de verre et d'acier, empli du parfum réconfortant d' un poulet rôti.
Il était l' homme au foyer de Chloé, sa femme galeriste, un rôle qu' il avait accepté en mettant sa carrière d' architecte entre parenthèses, tout, toujours, pour elle.
Son téléphone vibra : un message de Chloé glaça le sang dans ses veines, exigeant un Château Margaux 2015 à plus de 800 euros pour Antoine, l' artiste « branché » et omniprésent ami d' enfance.
Malgré sa règle absurde de ne dépenser plus de 100 euros qu' avec son accord, la réponse fut cinglante : « C' est pour Antoine. C' est une dépense professionnelle. Achète-la. »
Sur le chemin, sous une pluie battante, une voiture lui coupa la route, son scooter dérapa.
Le monde bascula.
Il se réveilla à l' hôpital, sa main droite, celle avec laquelle il dessinait, brisée.
L' opération coûtait 3000 euros.
Il appela Chloé, le cœur serré.
« Le vin ? Il n' est pas cassé, j' espère ? » fut sa seule question.
Puis, glacialement : « 3000 euros ? Tu plaisantes ? Je ne gagne pas de l' argent pour que tu me siphonne ! »
Son opération fut retardée, laissant des séquelles permanentes.
Quelques jours plus tard, il tomba sur un post Instagram d' Antoine, montrant une Patek Philippe de 50 000 euros, offerte par Chloé.
Le cœur d' Alexandre devint un puits asséché, vidé de toute émotion.
Alors qu' elle célébrait le Nouvel An avec Antoine, Alexandre assistait, impuissant, à un spectacle de drones payé par Chloé pour son « ami d' enfance » : « AIMER COMME AU PREMIER JOUR, SANS COMPTER Le PRIX. »
Ces mots scintillaient pour Antoine, pas pour lui.
« Bonne année, Alexandre, » murmura-t-il à son reflet, une solitude choisie l' envahissant.
L' année qui commençait serait la sienne.
Le lendemain, il décrocha son téléphone.
« Marc ? C' est Alexandre. »
Le chemin vers sa nouvelle vie venait de commencer.