Chapitre 4

J'ai commencé à mettre mon plan à exécution dès la semaine suivante. Au laboratoire de l'université, j'ai prétexté un projet personnel pour commander divers ingrédients. Rien de dangereux en soi, mais leur combinaison était étudiée pour créer un déséquilibre, pour irriter les muqueuses sensibles et favoriser le développement de bactéries. J'ai choisi une base de crème hydratante tout à fait normale, à laquelle j'ai ajouté des extraits de plantes légèrement irritantes et une substance qui modifiait le pH naturel. L'odeur était agréable, florale, pour masquer sa véritable nature.

Quelques jours plus tard, j'ai présenté le pot à Manon.

« Voilà, j'ai réussi à la faire. Applique-la tous les jours. C'est préventif et réparateur. »

Elle m'a prise dans ses bras, reconnaissante.

« Merci Camille ! Tu es la meilleure des sœurs ! »

J'ai eu un frisson de dégoût en sentant ses bras autour de moi, mais j'ai joué le jeu.

« C'est normal, on est une famille. »

Les semaines ont passé. Manon continuait sa liaison avec Julien, plus insouciante que jamais, persuadée que ma crème la protégeait de tout. Je l'encourageais subtilement.

« Tu as l'air si heureuse, Manon. Profite de ta jeunesse. »

Elle me souriait, flattée, sans voir le venin derrière mes paroles.

Puis, les premiers signes sont apparus. Un soir, je l'ai entendue se plaindre à voix basse dans la salle de bain.

« Ça me gratte, c'est agaçant. »

Quelques jours plus tard, en passant devant sa chambre, j'ai senti une odeur étrange, aigre et désagréable, qu'elle essayait de masquer avec des tonnes de parfum. Mon plan fonctionnait à merveille.

Elle est venue me voir, l'air inquiet.

« Camille, ta crème... Je ne suis pas sûre qu'elle marche. J'ai des démangeaisons, et... c'est bizarre. »

J'ai pris un air faussement surpris et concerné.

« Ah bon ? C'est étrange. C'est peut-être une réaction au début, le temps que ton corps s'habitue aux plantes. C'est ce qu'on appelle une "crise de guérison". Ça veut dire que le produit fait effet, il nettoie tout en profondeur. Surtout, ne va pas voir un médecin ! Il te donnerait des produits chimiques qui arrêteraient le processus. Et imagine si maman l'apprenait... Continue de l'appliquer, peut-être même un peu plus. Ça va passer. »

Elle m'a crue. L'idée que notre mère découvre ses activités la terrifiait plus que tout. Elle a donc suivi mon conseil empoisonné. Elle a continué à utiliser la crème, aggravant son état de jour en jour. Les démangeaisons sont devenues insupportables, l'odeur de plus en plus forte. Elle a commencé à éviter Julien, inventant des excuses. Sa confiance en elle, autrefois si solide, commençait à s'effriter.

Elle essayait de se soigner avec des remèdes de grand-mère trouvés sur internet, des bains de siège au vinaigre, des infusions. Rien ne fonctionnait, bien au contraire. Chaque tentative ne faisait qu'empirer les choses. Je la regardais s'enfoncer, sombrer dans ce cauchemar que je lui avais fabriqué sur mesure, et je ne ressentais aucune pitié. Juste une satisfaction froide et patiente. Chaque grimace de douleur sur son visage, chaque bouffée de son parfum cher pour masquer la puanteur était une petite victoire, un acompte sur ma vengeance.