Sept ans. Le fameux cap des sept ans. Pour elle, cela avait été sept ans de construction, sept ans à bâtir sa carrière pierre par pierre, jusqu'à devenir une référence dans son domaine. Sept ans à aimer cet homme, à s'adapter à ses humeurs, à attendre un signe, une promesse. Pour lui, visiblement, c'était sept ans d'inertie. Une relation confortable qui ne demandait aucun effort.
Son téléphone vibra sur la table de chevet. C'était un message de sa mère.
"Alors ma chérie, toujours pas de nouvelles pour le mariage ? Ton père s'impatiente, tu sais."
Amélie soupira. C'était la même conversation depuis deux ans. Ses parents, aimants mais traditionnels, ne comprenaient pas pourquoi, à presque trente ans, leur fille si brillante n'était toujours pas mariée. Elle leur servait les mêmes réponses vagues à chaque fois.
"Bientôt, maman. On y pense."
Mais y pensaient-ils vraiment ? Elle se souvint de toutes les fois où elle avait essayé d'aborder le sujet avec Marc. Il avait toujours une excuse.
"On est bien comme ça, non ? Pourquoi se presser ?"
Ou bien :
"Un mariage, ça coûte une fortune. Attendons d'être plus stables financièrement."
Une excuse ridicule, sachant qu'ils gagnaient tous les deux très bien leur vie. La vérité, c'est qu'il ne voulait pas s'engager. Il était à l'aise dans cette relation sans attaches, où il pouvait garder ses options ouvertes. Une "vieille flamme" pouvait resurgir à tout moment, et il voulait être libre de l'accueillir.
La colère qu'elle avait ressentie dans l'église revint, plus forte, plus amère. Elle se leva doucement pour ne pas le réveiller et alla dans le salon. Le dossier "Notre Jour" était toujours ouvert sur son ordinateur. Elle le regarda, les larmes aux yeux. Cinq ans de rêves, de recherches, de détails méticuleux. La chapelle en Provence, les guirlandes de lumière, la robe qu'elle avait dessinée. Tout cela, il voulait le donner. Le jeter en pâture à une autre femme.
Marc se réveilla et la rejoignit dans le salon, baillant.
"Qu'est-ce que tu fais debout ?"
"Je n'arrivais pas à dormir."
Il vit l'écran de l'ordinateur. Son visage se ferma.
"Amélie, on en a déjà parlé. C'est important pour Chloé."
"Et pour moi, Marc ? Ce n'est pas important pour moi ?" sa voix se brisa.
"Bien sûr que si, mais... ce n'est qu'un plan. On peut en faire un autre. Tu es douée pour ça."
"JE NE VEUX PAS EN FAIRE UN AUTRE !"
Elle cria, une chose qu'elle ne faisait jamais. Le son rauque de sa propre voix la surprit. Toute la frustration, la déception et la douleur des dernières années semblaient s'être concentrées dans ce cri.
"JE VEUX CELUI-LÀ ! AVEC TOI ! EST-CE QUE TU COMPRENDS ÇA ?"
Elle le fixait, haletante, les larmes coulant enfin sur ses joues. Son calme habituel, sa maîtrise professionnelle, tout avait volé en éclats. Elle n'était plus l'organisatrice de mariages parfaite. Elle était juste une femme dont le cœur était en train de se briser.
Marc la regarda, abasourdi, sans voix. Il n'avait jamais vu cette facette d'elle.
Amélie sentit une douleur aiguë lui transpercer la poitrine, si intense qu'elle dut se pencher en avant, le souffle coupé. Elle porta la main à son cœur, grimaçant.
La colère la quitta aussi vite qu'elle était venue, la laissant vide et épuisée. Elle regretta immédiatement son explosion. Ce n'était pas elle.
"Je... je suis désolée," murmura-t-elle.
Elle se détourna et se dirigea vers la salle de bain, cherchant à tâtons dans l'armoire à pharmacie. Ses mains tremblaient alors qu'elle ouvrait un flacon d'analgésiques puissants, ceux que son médecin lui avait prescrits pour la "douleur persistante" dans sa poitrine, en attendant les résultats des examens plus approfondis. Elle en avala deux avec un verre d'eau, priant pour que la douleur physique, au moins, se calme. La douleur émotionnelle, elle, semblait incurable.