Elle avait tout imaginé, de la chapelle isolée en Provence aux hortensias blanches, ses préférées, qui orneraient chaque recoin.
Sept ans, c'était long. Assez long pour construire une vie, une carrière, mais apparemment pas assez pour obtenir une promesse. L'enthousiasme d'Amélie pour son propre mariage de rêve commençait à s'effriter, remplacé par une déception silencieuse qu'elle gardait pour elle.
Ce jour-là, elle se trouvait dans une église majestueuse du centre-ville, supervisant la répétition du mariage de l'un de ses plus gros clients. L'orgue jouait une mélodie douce, la lumière filtrait à travers les vitraux, tout était parfait, réglé au millimètre près. C'était sa signature.
L'assistant d'Amélie, Leila, lui fit un signe de la main.
"Amélie, les mariés sont prêts à faire leur entrée."
Amélie hocha la tête, un sourire professionnel sur les lèvres.
"Parfait, lance la musique."
Les grandes portes de l'église s'ouvrirent. L'homme et la femme apparurent, baignés de lumière. Amélie leva les yeux pour vérifier que tout se passait comme prévu, et son cœur s'arrêta.
La future mariée, une femme qu'elle ne connaissait pas, s'avançait lentement au bras de Marc.
Son Marc.
Le sourire d'Amélie se figea. Le monde autour d'elle sembla ralentir. Elle sentit un froid glacial l'envahir, malgré la chaleur de l'après-midi. Marc portait un costume élégant, un de ceux qu'elle lui avait offerts pour son anniversaire. Il souriait à la femme à son bras, un sourire qu'Amélie connaissait par cœur.
Leila, à côté d'elle, sentit le changement.
"Amélie ? Ça ne va pas ?"
Amélie ne pouvait pas répondre. Elle regardait la scène, incrédule. Une douleur sourde commença à naître dans sa poitrine. Ce n'était pas possible. C'était une erreur, un cauchemar.
La répétition se termina. Les invités applaudirent poliment. Marc laissa la femme et se dirigea vers Amélie, l'air un peu mal à l'aise mais essayant de paraître décontracté.
"Salut mon cœur. Alors, impressionnant, non ?"
Amélie le fixa, les yeux vides.
"Qu'est-ce que tu fais là, Marc ?"
Sa voix était plus basse, plus cassante qu'elle ne l'aurait voulu.
"J'aide une amie, c'est tout. Chloé."
Il désigna la femme du menton, qui les observait de loin.
"Son fiancé est coincé à l'étranger, il ne pouvait pas être là pour la répétition. Elle m'a demandé de le remplacer. Tu sais comment c'est."
Il dit cela avec une légèreté qui la blessa profondément. Comme si c'était la chose la plus normale du monde. Aider une amie. Une amie dont il ne lui avait jamais parlé.
"Et tu n'as pas pensé à me le dire ?" demanda Amélie, sa voix tremblante de colère contenue.
"Je ne voulais pas te déranger, tu es toujours si occupée. Et puis, c'est pas grand-chose."
Il haussa les épaules, comme pour minimiser la situation. C'est là que Chloé s'approcha, un sourire mielleux sur les lèvres.
"Amélie, c'est ça ? Marc m'a tellement parlé de vous. Votre travail est incroyable."
Amélie la regarda, puis se tourna vers Marc.
"On doit parler. Maintenant."
Elle l'entraîna dans une petite sacristie, à l'écart des regards. La douleur dans sa poitrine s'intensifiait, devenant une brûlure.
"Marc, je ne comprends pas. Pourquoi elle ?"
"Je te l'ai dit, c'est une amie."
"Depuis quand as-tu des amies dont je ne connais même pas l'existence ?"
Marc soupira, visiblement agacé.
"Écoute, Amélie, ne commence pas à faire une scène. C'est juste un service. En parlant de ça, Chloé adore ton style. Elle a vu quelques-unes de tes idées pour... tu sais, notre mariage. Le dossier sur ton ordinateur."
Amélie sentit le sol se dérober sous ses pieds.
"Quoi ?"
"Elle est tombée dessus par hasard l'autre jour quand elle est passée à la maison. Elle trouve que ton projet est absolument parfait. Elle se demandait... et je suis d'accord avec elle... si tu ne pourrais pas le lui céder."
Il la regardait avec espoir, comme s'il venait de proposer la solution la plus brillante du monde.
"Tu veux que je lui donne... mon projet de mariage ? Celui sur lequel je travaille depuis cinq ans ?"
"Oui ! Ce serait génial, non ? De toute façon, nous, on a le temps. On peut en faire un autre plus tard. Pour elle, c'est urgent."
Chaque mot était un coup de poignard. Il ne comprenait pas. Il ne voyait pas ce qu'il était en train de lui demander. Ce n'était pas juste un projet, c'était son rêve, leur avenir. Un avenir qu'il venait de brader pour une "amie".
Amélie sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle les ravala. Pas ici. Pas maintenant. Elle devait rester professionnelle.
"Je dois retourner travailler," dit-elle d'une voix blanche.
Elle sortit de la sacristie, laissant Marc planté là, perplexe. Elle passa devant Chloé sans un regard et retourna au centre de l'église.
"Bien, tout le monde ! On reprend depuis le début !" sa voix résonna, claire et ferme, mais à l'intérieur, elle s'effondrait.
La douleur dans sa poitrine était si forte qu'elle eut du mal à respirer. Elle mit une main sur son cœur, essayant de calmer les battements erratiques. Elle devait tenir. Juste tenir jusqu'à la fin de la journée.
De l'autre côté de l'église, elle vit Marc poser une main réconfortante sur l'épaule de Chloé. Ce simple geste lui fit l'effet d'une trahison. Une colère sourde, brûlante, monta en elle. Ce n'était pas seulement de la déception. C'était quelque chose de plus profond, de plus primal. La certitude que quelque chose venait de se briser. Définitivement.