Marc est sorti de la voiture, le visage livide, mais pas de la peur que j'attendais. C'était de la rage. Il a marché vers moi d'un pas rapide, son regard noir fixé sur le mien.
"Claire ! Qu'est-ce que tu as fait ?" a-t-il crié, sa voix tremblante de colère.
"Ce que j'ai fait ? Je me suis mise en sécurité", ai-je répondu froidement.
"Tu m'as laissé là ! Tu aurais dû me pousser, comme la dernière fois !"
La dernière fois.
Ces mots ont résonné dans ma tête. Alors, ce n'était pas seulement moi. Lui aussi. Il se souvenait. Mon sang s'est glacé. L'univers ne m'avait pas seulement donné une seconde chance, il avait aussi ramené mon bourreau avec moi.
Le conducteur de l'autre voiture est sorti, paniqué.
"Oh mon Dieu, je suis tellement désolé ! Mes freins... ils ont lâché d'un coup ! Je ne sais pas ce qui s'est passé !"
Marc ne lui a même pas jeté un regard. Il a continué à me fixer.
"Tu vois ? Un problème technique. C'était censé arriver", m'a-t-il dit à voix basse, un sarcasme cruel dans la voix. "Et tu étais censée jouer ton rôle."
Je n'en croyais pas mes oreilles. La réalité de la situation m'a frappée. Il n'était pas seulement conscient de notre vie passée, il s'attendait à ce que je la répète. À ce que je me sacrifie à nouveau pour lui. La nausée m'est montée à la gorge.
"Mon rôle ?" ai-je répété, un rire sans joie s'échappant de mes lèvres. "Mon rôle est terminé, Marc."
"De quoi tu parles ?" a-t-il sifflé, s'approchant encore plus. "Tu sais très bien de quoi je parle. C'est grâce à ton sacrifice que ma carrière a décollé. C'est grâce à ça que j'ai obtenu tout ce que je voulais."
"Et moi ? Qu'est-ce que j'ai obtenu, Marc ? Une main paralysée, un mari qui me méprisait et une mort solitaire ?"
Son visage s'est crispé. Il a regardé autour de lui, voyant que les gens commençaient à nous observer, attirés par notre dispute.
"Baisse la voix", a-t-il ordonné. "On ne peut pas parler de ça ici. Remonte dans la voiture. On va faire comme si de rien n'était. On va dire que tu as eu un choc."
"Non."
Ma voix était ferme, sans appel.
"Je ne remonterai plus jamais dans une voiture avec toi. Je ne serai plus jamais ton bouclier, ton excuse, ton sacrifice."
Je l'ai regardé, lui, l'homme que j'avais aimé au point de mourir pour lui, et je n'ai ressenti que du dégoût. Son arrogance était sans limites. Il pensait sincèrement que je lui devais une autre vie de misère pour son propre bénéfice.
"Tu es folle", a-t-il lâché, abasourdi par ma résistance. "Tu es en train de tout gâcher."
"Non, Marc. C'est toi qui as tout gâché. Dans notre autre vie, et tu n'auras pas l'occasion de recommencer dans celle-ci."
Des passants s'étaient rassemblés. Ils nous regardaient, curieux. J'ai vu la panique dans les yeux de Marc. Il détestait perdre le contrôle de son image publique.
"Écoute, on en reparlera plus tard", a-t-il dit en essayant de me prendre le bras.
J'ai reculé d'un pas sec.
"N'essaie même pas de me toucher."
Je me suis retournée et j'ai commencé à marcher, le laissant planté au milieu de la route, au centre de l'attention qu'il chérissait tant, mais pour les mauvaises raisons cette fois. Je ne me suis pas retournée.
Je marchais vers ma nouvelle vie. Mon premier objectif : m'assurer que mes projets pour le concours d'architecture de Paris soient déposés à temps. Dans ma vie précédente, l'accident m'avait fait manquer la date limite. Cette fois, rien ne m'arrêterait.