Un matin, en faisant défiler mon fil d'actualité, je suis tombée sur une publication de Léa. C'était une photo floue d'un couloir d'hôpital. La légende disait : « Si quelqu'un a des contacts de médecins spécialistes... Les choses ne s'améliorent pas pour mes parents. C'est comme s'ils changeaient... Je ne comprends pas. #aide #médecin #inquiétude »
Le mot "changeaient" a retenu mon attention. Il était temps d'aller voir le résultat de mon expérience de mes propres yeux.
Je suis arrivée à l'hôpital avec un bouquet de fleurs, le visage marqué par une fatigue feinte. Léa était dans le couloir, l'air hagard.
« Amélie ! Tu es enfin venue ! »
« Désolée, j'étais débordée. Comment vont-ils ? »
Elle m'a fait entrer dans la chambre. Le spectacle était encore plus frappant que ce que j'avais imaginé.
Son père était allongé sur le lit, incroyablement maigre. Sa peau était parcheminée, ses membres fins et noueux. Il bougeait à peine, son regard était vide. Il ressemblait de manière troublante au vieux singe du zoo.
Assise sur une chaise à côté, sa mère était tout le contraire. Elle avait pris un poids considérable en quelques jours. Son visage était bouffi, ses traits empâtés. Elle respirait bruyamment, presque en grognant, et fixait le plateau-repas vide avec une avidité dérangeante. Le phacochère.
« Tu vois ? », a murmuré Léa, les larmes aux yeux. « Papa dépérit à vue d'œil, et maman... elle ne fait que manger. Elle a pris dix kilos en une semaine. Les médecins n'ont jamais vu ça. »
Son regard s'est tourné vers moi, suspicieux.
« Et tes parents ? Ils vont bien ? Tu... tu as fait la photo ? »
Je savais qu'elle posait cette question. J'avais préparé ma réponse.
J'ai passé une main sur ma joue, affichant un air radieux.
« Mes parents ? Ils pètent la forme ! Ils sont partis faire une petite randonnée ce matin. Et regarde ! Depuis quelques jours, j'ai une peau incroyable, non ? Je n'ai jamais eu un aussi beau teint. »
C'était un mensonge, bien sûr. Mes parents étaient chez eux avec l'aide-soignante. Mais l'effet sur Léa a été immédiat.
Son visage s'est décomposé. Un mélange de jalousie, de colère et d'incompréhension. Elle pensait que j'avais utilisé l'appareil pour moi-même, volant la chance qui lui était destinée.
« Ta peau ? », a-t-elle répété, la voix tremblante.
« Oui, c'est bizarre, non ? Peut-être que c'est l'air du printemps. »
Elle serrait les poings, ses jointures devenant blanches. Elle n'arrivait plus à se contenir.
« Montre-moi les photos », a-t-elle lâché d'une voix sifflante.
« Quelles photos ? »
« LES PHOTOS ! Celles que tu as prises avec l'appareil que je t'ai offert ! MONTRE-LES MOI ! »
Son cri a fait sursauter sa mère, qui a émis un grognement sourd.
J'ai sorti mon téléphone, l'air innocent, et j'ai ouvert ma galerie. Je lui ai montré la première photo.
Celle du singe.
Le visage de Léa est devenu livide. Elle a regardé la photo, puis son père sur le lit, puis de nouveau la photo. Ses mains se sont mises à trembler de façon incontrôlable.
« Pourquoi... », a-t-elle commencé, la voix étranglée. « Pourquoi tu as pris un singe en photo ? »
Puis, sans attendre ma réponse, elle a arraché le téléphone de mes mains, faisant défiler les images avec une frénésie paniquée.
Elle est tombée sur la photo du phacochère. Puis celle de l'ours.
Son visage a viré du blanc au rouge brique. Elle a levé les yeux vers moi, et pour la première fois, je n'ai vu aucune trace de son masque amical. Il n'y avait que de la haine pure et une fureur sans bornes.
« QU'EST-CE QUE TU AS FAIT, AMÉLIE ?! POURQUOI TU AS PRIS CES PUTAINS D'ANIMAUX EN PHOTO ?! TU ÉTAIS CENSÉE PRENDRE TES PARENTS ! TA FAMILLE ! »
Elle l'avait dit.
Elle avait tout avoué.
L'infirmière qui passait dans le couloir s'est arrêtée, choquée par les cris.
Léa avait perdu tout contrôle. Le piège s'était refermé sur elle.