La vengeance du chef trahi
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Chapitre 2

Le souvenir était gravé dans sa chair, plus réel que la cuisine surchauffée qui l'entourait maintenant.

Dans sa vie d'avant, cette soirée avait été le début de la fin.

Ce soir-là, il n'avait rien soupçonné.

Il avait servi son meilleur menu à Pierre Laurent, sous les encouragements mielleux de Claire, espérant une critique qui lancerait enfin sa carrière.

La critique était sortie trois jours plus tard.

Elle était assassine.

Pierre Laurent avait méthodiquement détruit chaque plat, chaque sauce, chaque intention.

Il avait qualifié sa cuisine de "prétentieuse et mal exécutée", "une insulte à la gastronomie française".

Marc avait été anéanti.

Claire l'avait "consolé", lui disant que Pierre était un vieil aigri, qu'il s'en remettrait, qu'ils se battraient ensemble.

Elle mentait.

Elle était la source du poison.

Il l'avait découvert trop tard.

Une semaine après la critique désastreuse, le restaurant avait commencé à se vider.

Monsieur Dupont, bien que loyal, était un homme d'affaires.

Les chiffres parlaient d'eux-mêmes.

La pression était devenue insoutenable.

C'est à ce moment-là que Claire avait commencé à s'éloigner, prétextant des "voyages professionnels" pour sa carrière d'influenceuse.

En réalité, elle célébrait sa victoire avec son amant.

La trahison avait été double.

Non seulement elle le trompait, mais elle avait activement conspiré avec Pierre pour le détruire.

Pourquoi ?

Pour une promesse.

Pierre lui avait promis de la faire entrer dans le cercle très fermé des influenceuses de luxe, de lui ouvrir les portes des grandes marques, en échange de sa "coopération".

Sa coopération consistait à lui livrer les secrets de Marc, ses doutes, ses angoisses, les points faibles de sa cuisine qu'il ne confiait qu'à elle dans l'intimité.

Pierre avait utilisé ces confidences pour affûter ses critiques, les rendant plus précises, plus cruelles.

Le coup de grâce fut l'article de suivi.

Un article non pas sur la cuisine de Marc, mais sur son "instabilité émotionnelle".

Pierre y citait, anonymement bien sûr, une "source proche" qui décrivait Marc comme un chef arrogant, incapable de gérer la pression, au bord de la dépression.

Cet article avait achevé de le tuer professionnellement.

Monsieur Dupont avait dû se séparer de lui.

Le Saphir ne pouvait pas se permettre une telle publicité.

Marc s'était retrouvé sans travail, sans réputation, criblé de dettes après avoir investi toutes ses économies dans du matériel pour ce poste.

Le pire fut la solitude.

Claire l'avait quitté peu de temps après son licenciement, avec une froideur calculée.

"Je ne peux pas rester avec un homme qui a abandonné ses rêves, Marc. J'ai besoin de quelqu'un d'ambitieux à mes côtés."

Cette phrase l'avait hanté pendant des jours.

Il s'était mis à boire, essayant de noyer le sentiment d'injustice qui le rongeait.

Il avait essayé de la confronter, de confronter Pierre, mais ils étaient devenus intouchables.

Ils s'affichaient ensemble, à peine discrètement, dans les soirées parisiennes, riant de son malheur.

Un soir, ivre et désespéré, il était allé les attendre devant un hôtel de luxe où ils dînaient.

Il voulait juste des explications, peut-être même des excuses.

Quand Pierre était sorti, le bras autour de la taille de Claire, Marc s'était avancé.

"Pourquoi ?" C'est tout ce qu'il avait pu dire.

Pierre l'avait regardé avec un dégoût non dissimulé.

"Dégage, le raté. Tu salis le trottoir."

Claire n'avait même pas osé croiser son regard.

Marc avait insisté, attrapant le bras de Pierre.

La réaction du critique avait été rapide et brutale.

Il n'était pas seul, son chauffeur, un colosse silencieux, était sorti de la voiture.

Pierre lui avait fait un simple signe de tête.

Le chauffeur l'avait attrapé et l'avait traîné dans une ruelle sombre.

Les coups pleuvaient.

Des coups sourds, professionnels, qui brisaient sans faire trop de bruit.

Il sentit ses côtes craquer, le goût du sang dans sa bouche.

Il gisait sur le sol froid et humide, incapable de bouger, regardant Pierre et Claire s'éloigner et monter dans leur voiture de luxe comme si de rien n'était.

Personne n'était venu l'aider.

Il était resté là, pendant ce qui lui sembla une éternité, le corps brisé, l'esprit en miettes.

C'est là, dans cette ruelle puante, qu'il avait perdu connaissance.

La suite était floue.

Un séjour à l'hôpital, des factures qu'il ne pourrait jamais payer, la pitié dans le regard de sa sœur Isabelle, la seule qui lui était restée.

Il avait tenté de porter plainte, mais Pierre Laurent était trop puissant.

Il y avait eu des menaces, des intimidations.

L'affaire avait été classée sans suite.

Quelques semaines plus tard, alors qu'il traversait un pont, le cœur vide, le regard fixé sur l'eau noire de la Seine, il avait glissé.

Ou peut-être avait-il sauté.

Il ne s'en souvenait pas très bien.

Il se souvenait seulement du froid glacial de l'eau, de l'obscurité qui l'enveloppait, et d'une dernière pensée brûlante : si seulement il avait su.

Si seulement il pouvait tout recommencer.

Et puis, il y avait eu la lumière.

Pas la lumière divine des récits, mais la lumière crue et agressive des néons de la cuisine du Saphir.

Il était debout, en pleine santé, dans son uniforme de chef, le calendrier accroché au mur indiquant une date.

La date exacte de la visite de Pierre Laurent.

Deux mois avant sa chute.

Il avait eu une seconde chance.

Un frisson l'avait parcouru, non pas de peur, mais d'une rage froide et pure.

Cette fois, ce ne serait pas lui qui tomberait.

Il connaissait le jeu, il connaissait les joueurs, et il connaissait leurs faiblesses.

Il passa les heures suivantes à élaborer son plan, non pas un plan de survie, mais un plan de destruction.

Il contacta sa sœur Isabelle, styliste de mode avec un carnet d'adresses bien rempli, et lui expliqua une version édulcorée de la situation, disant simplement qu'il avait découvert la liaison et qu'il voulait se venger.

Pragmatique et cynique, Isabelle n'avait pas posé trop de questions, elle détestait Claire de toute façon.

Elle lui trouva le contact d'un blogueur spécialisé dans les potins, un vautour numérique qui ne demandait qu'à faire tomber une célébrité.

Elle lui trouva aussi un photographe discret.

Le plan était simple, mais dévastateur.

Il n'allait pas simplement exposer leur liaison, il allait les faire s'auto-détruire.

Il allait utiliser leur propre vanité, leur propre arrogance, contre eux.

Debout dans sa cuisine, quelques heures avant le dîner fatidique, il sentit son cœur battre, non pas d'anxiété, mais d'une excitation sombre.

C'était le calme avant la tempête qu'il allait lui-même déchaîner.

Il prit une profonde inspiration, l'odeur des herbes et des épices remplissant ses poumons.

Son talent culinaire était son arme.

Et ce soir, il allait servir un plat qui se mange froid.

La vengeance.

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