La vengeance du chef trahi
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Chapitre 1

Les bruits de la cuisine du "Le Saphir" étaient une symphonie chaotique, un mélange de commandes criées, de sifflements de poêles et du cliquetis métallique des couteaux sur les planches à découper.

Au milieu de ce chaos, Marc Dubois bougeait avec une précision calme, presque surnaturelle.

Ses mains, habituellement si expressives, se déplaçaient avec une économie de mouvement, préparant une réduction de vin rouge avec une concentration absolue.

Soudain, une voix grasse et suffisante coupa à travers le vacarme.

"Alors, Dubois ? On s'entraîne pour la cantine du coin ?"

Marc n'eut pas besoin de se retourner, il reconnut immédiatement la voix de Pierre Laurent, le critique gastronomique le plus redouté et le plus corrompu de Paris.

Il se tenait à l'entrée de la cuisine, un sourire suffisant aux lèvres, ses petits yeux scrutant chaque recoin comme un prédateur en quête d'une faiblesse.

Marc sentit les regards de ses commis et des serveurs se poser sur lui, curieux de sa réaction.

Il continua à remuer sa sauce, le dos toujours tourné.

"Bonjour, Monsieur Laurent. Vous êtes en avance."

La voix de Marc était neutre, dénuée de toute émotion, ce qui sembla irriter encore plus le critique.

"L'avance, c'est le privilège des gens importants, mon petit. J'espère que vous avez prévu quelque chose de décent ce soir. Ma réputation est en jeu quand je daigne m'asseoir à une table comme la vôtre."

Chaque mot était une pique, une tentative de le déstabiliser.

Marc sentit une vague de chaleur monter en lui, non pas de la colère, mais un souvenir glacial, une image d'un autre temps, d'une autre vie.

Il se retourna lentement, son visage impassible contrastant avec le regard méprisant de Pierre.

"Ne vous inquiétez pas, Monsieur Laurent. Le menu de ce soir sera inoubliable."

Il y avait quelque chose dans le ton de Marc, une certitude tranquille qui déconcerta Pierre un instant.

Mais le critique retrouva vite sa contenance arrogante.

"On verra ça."

Il fit demi-tour et retourna en salle, laissant derrière lui une tension palpable.

Les autres membres du personnel se remirent au travail, mais les chuchotements avaient commencé.

Marc, lui, resta immobile une seconde, le fouet à la main.

Son regard se perdit dans le vague.

Ce n'était pas de la colère qu'il ressentait, c'était une certitude froide, la certitude d'un homme qui avait déjà vécu cette scène.

Car il l'avait vécue.

Dans une autre vie, il y a à peine quelques semaines selon le nouveau cours du temps, ce même Pierre Laurent avait ruiné sa carrière, l'avait humilié publiquement, tout ça avec la complicité de sa propre petite amie, Claire.

Il était mort, écrasé par le chagrin et la dette, pour se réveiller inexplicablement deux mois plus tôt, le jour même où tout avait commencé à basculer.

Cette fois, il n'était plus le chef naïf et amoureux, il était un fantôme revenu pour se venger.

Un commis s'approcha timidement.

"Chef ? Tout va bien ?"

Marc cligna des yeux, revenant au présent.

"Parfaitement. Assure-toi que les mises en place pour la table sept sont impeccables."

Sa voix était redevenue celle d'un chef, autoritaire et précise.

Personne ne pouvait deviner le maelström qui agitait son esprit.

Pierre Laurent ne se fit pas prier pour continuer son manège.

Installé à la meilleure table du restaurant, il faisait des remarques audibles à chaque plat, des critiques acerbes déguisées en bons mots, juste assez fort pour que les tables voisines entendent.

"Le veau est un peu... commun, n'est-ce pas ? On s'attendrait à plus d'audace de la part d'un jeune chef qui se veut prometteur."

Il parlait à Claire, qui était assise en face de lui, jouant son rôle de petite amie solidaire, mais dont les yeux brillaient d'une ambition froide que Marc connaissait désormais trop bien.

Elle hochait la tête, l'air concerné, mais son regard fuyait celui de Marc à chaque fois qu'il passait près de leur table.

Marc ignorait les provocations, se contentant de superviser le service avec un calme olympien.

Son attitude déconcertait le personnel, habitué à le voir réagir avec passion à la moindre critique.

"Il est bizarre, ce soir," murmura un serveur à un autre. "On dirait qu'il s'en fout."

Mais Marc ne s'en foutait pas, il attendait.

Son téléphone vibra dans sa poche, il le sortit discrètement.

Un message de sa sœur, Isabelle.

"Tout est en place. Le photographe est au bar d'en face. Dis-moi quand."

Marc répondit par un simple "Bientôt" et rangea le téléphone.

Il fit un signe de tête à un serveur.

"Apportez la bouteille de Château Margaux 1996 à la table sept. Offert par la maison."

Le serveur écarquilla les yeux, c'était une bouteille d'une valeur inestimable, réservée aux occasions très spéciales.

Monsieur Dupont, le propriétaire, qui observait la scène de loin, fronça les sourcils mais ne dit rien, faisant confiance à son chef.

Le vin fut présenté à Pierre, dont l'arrogance atteignit des sommets.

"Ah, enfin ! Dubois commence à comprendre comment on traite les gens de mon rang. Claire, ma chérie, goûte-moi ça. C'est le nectar des dieux, pas la piquette pour touristes."

Il posa sa main sur celle de Claire d'une manière un peu trop familière.

Claire rit, un rire un peu trop aigu, et retira sa main avec une fausse pudeur.

Marc observa la scène depuis le passe-plat, son visage toujours aussi neutre.

Puis, son téléphone vibra de nouveau.

C'était Claire.

"Bébé, Pierre est un peu lourd ce soir. Ne t'inquiète pas, je gère. C'est pour ta carrière. Je t'aime."

Marc lut le message, un rictus imperceptible se forma sur ses lèvres.

L'hypocrisie était parfaite.

Il attendit quelques minutes, le temps que le vin fasse son effet, que l'arrogance de Pierre et la nervosité de Claire soient à leur comble.

Puis, il se dirigea vers leur table.

Il s'arrêta à côté de Pierre, qui leva vers lui un regard imbibé de suffisance.

"Alors, Dubois ? Vous venez chercher les lauriers ?"

Marc le regarda droit dans les yeux, son calme se fissurant pour la première fois de la soirée, remplacé par un éclat glacial.

"Non, Monsieur Laurent," dit-il d'une voix claire et forte, qui fit taire les conversations aux tables voisines.

"Je viens vous demander pourquoi vous envoyez des photos de vous et de ma petite amie, dans votre chambre d'hôtel, à un blogueur spécialisé dans les scandales."

Le silence dans le restaurant fut total.

Le visage de Pierre se figea, son verre à mi-chemin de ses lèvres.

Claire devint blême, ses yeux s'écarquillèrent d'horreur.

"Qu-quoi ? De quoi tu parles, Marc ? C'est absurde !" bégaya-t-elle.

Marc ne la regarda même pas, il sortit son propre téléphone et le posa sur la table, l'écran allumé sur une conversation.

Une conversation entre lui et un contact nommé "GossipPro", avec des photos explicites de Pierre et Claire, et un message de Marc : "Publie tout dans cinq minutes."

"Je vous le demande, Monsieur Laurent," répéta Marc, sa voix résonnant dans le silence de mort. "Pourquoi feriez-vous une chose pareille ?"

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