Notre compétition a vraiment commencé à l'école primaire.
J'étais une bonne élève, sans forcer, j'aimais apprendre et les choses me venaient assez facilement.
Chloé, elle, travaillait d'arrache-pied, poussée par sa mère, mais ses résultats restaient souvent juste derrière les miens.
Je me souviens d'un concours de sciences en CM2.
Nous étions en binômes, et par malchance, j'étais avec Chloé.
Le projet était complexe, il fallait construire une petite éolienne fonctionnelle.
J'ai passé des semaines à faire des recherches, à dessiner des plans, à assembler les pièces.
Chloé, elle, ne faisait pas grand-chose, elle se contentait de me regarder avec un air supérieur, comme si elle attendait quelque chose.
La veille de la présentation, elle a "accidentellement" fait tomber notre prototype, le brisant en plusieurs morceaux.
J'ai vu la panique dans ses yeux, mais elle a vite été remplacée par un air de défi.
Plutôt que de la dénoncer, j'ai passé toute la nuit à tout reconstruire.
J'étais épuisée, mais je ne voulais pas d'histoires.
Le jour de la présentation, notre éolienne a parfaitement fonctionné.
Quand le professeur nous a demandé qui avait fait la plus grande partie du travail, Chloé a levé la main sans hésiter et a commencé à expliquer en détail "ses" recherches et "sa" construction.
J'étais stupéfaite, mais je n'ai rien dit.
Nous avons gagné le premier prix.
J'ai laissé Chloé monter sur l'estrade et recevoir les applaudissements.
Je pensais que ce petit sacrifice apaiserait les tensions, mais je me trompais.
Après cet épisode, le comportement de Chloé a changé.
Elle n'était plus simplement compétitive, elle est devenue méprisante.
Le fait d'avoir obtenu une victoire par le mensonge semblait lui avoir donné une sorte de confiance tordue.
Elle a commencé à croire qu'elle méritait tout, peu importe la manière de l'obtenir.
Au collège, nous nous sommes retrouvées dans la même classe.
C'est là que les choses ont empiré.
Elle a commencé à se comporter avec une arrogance insupportable, se vantant de ses notes, de ses vêtements, de tout.
Elle me traitait comme si j'étais inférieure à elle, faisant des remarques désobligeantes sur mes vêtements ou ma famille devant les autres élèves.
« Oh, Amélie, tu portes encore ce pull ? Ma mère dit que c'est important de bien s'habiller pour montrer son statut. »
Ou encore :
« Mon père va avoir une promotion, bientôt on aura la plus grande maison du quartier. Et ton père, il fait quoi déjà ? »
Ses mots étaient calculés pour blesser, pour m'isoler.
Elle a réussi à monter un petit groupe d'élèves autour d'elle, des filles qui admiraient sa confiance et sa méchanceté.
Ensemble, elles ont fait de ma vie un enfer.
Elles chuchotaient quand je passais dans les couloirs, elles cachaient mes affaires, elles m'excluaient de tous les groupes de travail.
J'ai commencé à détester l'école.
Je me sentais seule, constamment sur mes gardes.
Mes notes ont commencé à baisser, je n'arrivais plus à me concentrer en classe, trop occupée à anticiper la prochaine attaque de Chloé.
Le soir, je rentrais à la maison le cœur lourd, je n'avais plus d'appétit, je passais des heures dans ma chambre à pleurer en silence.
Je ne voulais pas inquiéter mes parents, je leur disais que tout allait bien, que j'étais juste un peu fatiguée.
Mais ils ont fini par remarquer que quelque chose n'allait pas.
Un soir, ma mère est entrée dans ma chambre et m'a trouvée en larmes.
Je lui ai tout raconté, le harcèlement, l'isolement, la méchanceté de Chloé.
Le visage de ma mère s'est durci.
Le lendemain, mes parents ont pris rendez-vous avec le directeur du collège.
Ils étaient calmes mais fermes, ils ont expliqué la situation, demandant que des mesures soient prises pour que le harcèlement cesse.
Ils pensaient, naïvement, que l'école allait résoudre le problème.
Mais ils avaient sous-estimé la famille Martin.
Leur intervention n'a fait qu'aggraver les choses, transformant une querelle d'adolescentes en une véritable guerre entre nos deux familles.