Monique, La Belle-Mère Et L'Enfer
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Chapitre 4

Le lendemain, Jean-Luc est parti au travail l'air soucieux. La plainte que j'avais déposée contre le livreur le stressait, même s'il ne voulait pas l'admettre. Monique, elle, semblait avoir déjà oublié l'incident du colis. Elle s'ennuyait. Et quand Monique s'ennuyait, elle cherchait des distractions.

Vers midi, mon téléphone a sonné. C'était Jean-Luc. Sa voix était tendue, presque un murmure.

« Liliane, tu ne devineras jamais ce qui vient de se passer. »

« Quoi donc ? » ai-je demandé, feignant l'inquiétude.

« Il y a eu un vol au bureau. Un truc complètement dingue. »

Je souriais intérieurement. Je le savais. Je savais qu'elle ne pourrait pas s'en empêcher. La veille, Jean-Luc avait mentionné qu'une de ses collègues, jeune maman, tirait son lait et le conservait dans le frigo commun du bureau.

« Un vol ? On vous a pris de l'argent ? »

« Pire », a-t-il soufflé. « Quelqu'un a volé les biberons de lait maternel de Sandrine. Tous. Elle est dans tous ses états, son bébé ne boit que ça. C'est invraisemblable. Qui ferait une chose pareille ? »

J'ai pris une voix choquée.

« Du lait maternel ? Mais c'est horrible ! Et dégoûtant ! »

« Je sais ! Tout le monde est sous le choc. Le chef est furieux, il a dit que c'était inadmissible. Sandrine pleure dans son bureau. »

Un petit silence. Puis il a ajouté, avec une sorte de fierté mal placée.

« J'ai dit au chef qu'il fallait absolument trouver le coupable. J'ai exigé qu'on regarde les enregistrements de la caméra de surveillance de la salle de pause. On ne peut pas laisser passer ça. »

J'ai failli éclater de rire. C'était trop parfait. Il s'était jeté lui-même dans la gueule du loup.

« Tu as bien fait, mon chéri. C'est une question de principe. »

J'ai attendu. Je savais que l'appel suivant ne tarderait pas. Il est arrivé vingt minutes plus tard. C'était encore Jean-Luc. Mais cette fois, il ne chuchotait plus. Il semblait au bord de l'apoplexie.

« Liliane... »

Sa voix était blanche.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Vous avez trouvé le voleur ? »

Un long silence. J'entendais sa respiration saccadée.

« C'est maman. »

Il l'a dit comme s'il venait de recevoir un coup de poing.

« Quoi ? »

« On a regardé la vidéo. Elle est passée ce matin, soi-disant pour m'apporter un pull que j'avais oublié. Sur la vidéo, on la voit... on la voit ouvrir le frigo, regarder autour d'elle, prendre les trois biberons, les mettre dans son sac et partir. »

J'ai entendu des voix en arrière-plan. Son chef, probablement.

« Le chef vient de me voir. Il m'a montré l'écran. Il m'a demandé si je connaissais cette femme. J'ai dû lui dire... J'ai dû lui dire que c'était ma mère. »

Le son de sa voix était un mélange de honte et d'incrédulité.

« Mon Dieu, Liliane... Le visage de mon chef... Et Sandrine... Tout le monde me regarde. »

L'humiliation. La honte publique. C'était exactement ce que j'avais ressenti, multiplié par mille, le jour du mariage. C'était son tour.

« Qu'est-ce que je vais faire ? » a-t-il gémi.

« Rentre à la maison, Jean-Luc. On va gérer ça ensemble », ai-je dit d'une voix douce et réconfortante.

Quand il est rentré une heure plus tard, il était livide. Il a claqué la porte d'entrée si fort que les murs ont tremblé. Monique, qui était dans le salon en train de lire un magazine, a sursauté.

« Ben qu'est-ce qui te prend ? Tu as passé une mauvaise journée ? »

Jean-Luc s'est avancé vers elle, le visage déformé par la rage. Il tenait son téléphone à la main, l'écran allumé. Il lui a mis sous le nez. C'était une capture d'écran de la vidéo de surveillance.

« C'est toi, ça ? C'est toi ? »

Monique a plissé les yeux.

« Oui, c'est moi quand je suis venue t'apporter ton pull. Pourquoi... »

Il n'a pas attendu la fin de sa phrase. Il a hurlé, d'une voix que je ne lui avais jamais entendue.

« TU TE FOUS DE MOI ? TU AS VOLÉ LE LAIT D'UN BÉBÉ ! LE LAIT MATERNEL DE MA COLLÈGUE ! MAIS QU'EST-CE QUI NE VA PAS CHEZ TOI ? TU PEUX PAS T'ARRÊTER DE VOLER, PUTAIN ? »

C'était la première fois. La toute première fois qu'il la confrontait directement, qu'il nommait son acte. "Voler". Le mot était enfin lâché.

Monique l'a regardé, abasourdie par sa violence. Puis son visage s'est fermé.

« Mais enfin, Jean-Luc, pourquoi tu me cries dessus ? Je pensais que c'était du lait périmé. Qu'elle allait le jeter. Je l'ai pris pour le chat du voisin, le pauvre... »

Le mensonge était si pathétique, si ridicule, qu'il a fait perdre à Jean-Luc le peu de contrôle qui lui restait.

                         

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