Au début, je pensais à une erreur de ma part. La fois suivante, j'ai fait très attention. Et j'ai vu. J'ai vu sa main, rapide comme l'éclair, glisser un article dans son grand sac à main alors que je regardais ailleurs.
Quand je lui en ai parlé, doucement, sans l'accuser, elle a nié avec une indignation théâtrale.
« Moi ? Une voleuse ? Mais pour qui tu me prends, ma petite ? C'est toi qui l'as mis là et qui ne t'en souviens plus ! »
Jean-Luc, bien sûr, l'avait défendue.
« Liliane, tu exagères. Maman ne ferait jamais une chose pareille. Tu es fatiguée, c'est tout. »
Alors, j'ai commencé à payer pour ses erreurs. Discrètement, je retournais au magasin pour régler l'article volé, inventant une excuse bidon. Je le faisais pour éviter la honte, pour protéger l'image de la famille. J'étais jeune, naïve, et je pensais que c'était mon rôle de bonne épouse et de bonne belle-fille.
Les vols sont devenus plus audacieux. Elle a commencé à prendre des choses chez les voisins. Un pot de fleurs sur un palier, des légumes dans le jardin partagé, le journal de la voisine dans la boîte aux lettres.
Chaque fois, c'était la même histoire. Le voisin venait se plaindre, Monique niait effrontément, et Jean-Luc et Pierre minimisaient l'incident, me faisant parfois porter le chapeau.
« C'est sûrement Liliane qui a déplacé le pot de fleurs sans s'en rendre compte, elle est si distraite. »
Une fois, une voisine a menacé de porter plainte pour le vol de son portefeuille, qu'elle avait laissé un instant sur la table du hall d'entrée. J'ai su immédiatement que c'était Monique. J'ai fouillé sa chambre en son absence et j'ai retrouvé le portefeuille, vide, caché sous son matelas.
J'ai dû prendre sur mes propres économies pour rembourser la voisine, en la suppliant de ne rien dire. J'ai dû m'excuser, la supplier, j'étais à deux doigts de me mettre à genoux pour qu'elle garde le silence. La honte me brûlait le visage.
Ce soir-là, j'ai confronté toute la famille. J'ai mis le portefeuille vide sur la table.
« C'est allé trop loin. Elle a besoin d'aide. »
Monique s'est mise à hurler.
« Tu as fouillé dans mes affaires ? Espèce de petite fouine ! C'est toi qui l'as mis là pour m'accuser ! »
Pierre, son mari, a baissé les yeux, lâche comme toujours.
« Allons, Monique, calme-toi. Ce n'est qu'un malentendu. »
Mais le pire, ça a été la réaction de Jean-Luc. Mon mari. L'homme que j'aimais. Il m'a regardée avec déception.
« Liliane, je ne te reconnais plus. Accuser ma mère comme ça... C'est bas. Je suis tellement déçu. »
Ce jour-là, j'ai senti que le ciel me tombait sur la tête. J'étais seule, complètement seule face à leur déni collectif.
Le point de non-retour a été atteint quelques mois plus tard, lors du mariage de mon cousin. C'était une grande fête, tout le monde était heureux. Monique portait une robe élégante et souriait à tout le monde, jouant parfaitement son rôle de belle-mère charmante.
Pendant la soirée, la mère de la mariée s'est rendu compte que son collier, un bijou de famille d'une valeur inestimable, avait disparu de la chambre où elle l'avait laissé.
La panique s'est installée. La fête s'est arrêtée. Tout le monde a commencé à chercher, la tension était palpable. Mon premier réflexe a été de regarder Monique. Elle était étrangement calme, presque triomphante.
Quelqu'un a suggéré de vérifier les sacs des invités. Une idée horrible, mais la famille de la mariée était désespérée. J'ai senti un nœud se former dans mon estomac.
Quand mon tour est arrivé, j'ai tendu mon sac à main sans crainte. Je n'avais rien à me reprocher. Mais au moment où j'allais le donner, Monique s'est approchée de moi, l'air affolé.
« Oh mon Dieu, Liliane, c'est terrible ! »
Dans un geste qui semblait être un élan de réconfort, elle m'a prise dans ses bras. Et c'est là qu'elle l'a fait. J'ai senti quelque chose de froid et de lourd glisser dans mon sac resté ouvert.
Avant que je puisse réagir, la cousine de la mariée a pris mon sac.
« Désolée Liliane, il faut qu'on vérifie... »
Elle l'a ouvert et a renversé son contenu sur une table.
Et le collier est tombé, brillant de mille feux sous la lumière crue, au milieu de mes clés et de mon rouge à lèvres.
Le silence qui a suivi a été la chose la plus assourdissante que j'aie jamais entendue. Tous les regards se sont tournés vers moi. Des regards de choc, de dégoût, d'accusation.
J'ai regardé Jean-Luc, le suppliant du regard de me défendre, de dire que c'était impossible. Mais il me regardait avec une horreur qui m'a transpercée. Il me croyait coupable.
Monique a joué la comédie à la perfection. Elle a poussé un cri d'orfraie.
« Liliane ! Comment as-tu pu faire ça ? Après tout ce qu'on a fait pour toi... »
J'ai été arrêtée ce soir-là. Personne de ma belle-famille n'a levé le petit doigt. Jean-Luc n'est même pas venu me voir au poste. Pierre a dit à la police que j'avais toujours été "un peu étrange".
J'ai été condamnée. Le témoignage de Monique, ma "belle-mère éplorée", a été accablant. J'ai passé huit ans en prison. Huit ans à pourrir dans une cellule pour un crime que je n'avais pas commis. Huit ans pendant lesquels mon mari a divorcé et obtenu la garde exclusive de notre fils, qui a appris à me détester.
Quand je suis sortie, je n'étais plus rien. Une coquille vide. Brisée. J'ai essayé de survivre, mais le poids de l'injustice était trop lourd. Un soir, j'ai avalé tout ce qui me restait de somnifères et je me suis laissée couler dans l'eau froide de ma baignoire.
Et puis... je me suis réveillée. Au son de ces coups frappés à la porte.
La haine qui a rempli mon cœur à ce moment-là était pure et totale. Ce n'était pas un simple retour en arrière. C'était une seconde chance. Et cette fois, je n'allais pas être la victime. Je serais le bourreau. Je leur ferais payer chaque larme, chaque seconde de mes huit années volées. Je les haïssais au point de vouloir les dépecer vivants.