Le mépris dans la voix de Marc était encore plus dur à supporter que l'aveu lui-même.
« Tu n'as jamais eu ce qu'il fallait, Amélie. Tu étais une artiste, pas une femme d'affaires. Tu te perdais dans tes broderies pendant que le monde avançait. Chloé, elle, sait ce qu'elle veut. »
Chloé se tenait à côté de lui, savourant chaque mot. Elle a ajouté, d'une voix faussement douce :
« Ne le prends pas mal, ma sœur. C'est juste que je suis plus forte. »
J'ai regardé mon mari, l'homme pour qui j'avais renoncé à ma carrière, à ma réputation, à ma vie. L'homme qui m'avait convaincue que j'étais une incapable.
« Et Thomas ? Notre fils ? » ai-je demandé, la voix brisée.
« Thomas comprendra, » a répondu Marc froidement. « Il a besoin d'un père qui réussit et d'une figure maternelle stable. Chloé sera parfaite pour ça. »
Le plan était donc clair. Ils n'allaient pas seulement me prendre ma carrière, ils voulaient aussi me prendre mon fils. Ils allaient m'effacer complètement.
« Maintenant que tu sais, tu vas gentiment rester à ta place et ne pas faire de vagues, » a continué Marc, son ton ne laissant place à aucune discussion. « La marque est à Chloé. Tu n'es plus rien. »
Les souvenirs des dernières années ont défilé dans mon esprit comme un film d'horreur. L'isolement, la honte, le regard déçu de mon père. Chaque fois que je sortais, je sentais les regards des gens, les chuchotements. J'avais enduré tout cela en pensant que c'était ma faute. J'avais accepté mon sort, me punissant pour une erreur que je n'avais pas commise.
Et pendant tout ce temps, le responsable de ma chute dormait à côté de moi. Il me tenait la main, me disait que tout irait bien, tout en complotant dans mon dos.
Je me suis souvenue d'une période, bien avant le scandale, où j'avais traversé une crise de créativité. Je doutais de tout, de mon talent, de mes choix. C'est Marc qui m'avait « sauvée ». Il avait passé des heures à me parler, à me rassurer, à me dire que j'étais la meilleure. Il m'avait aidée à monter notre marque, s'occupant de tout le marketing pour que je puisse me concentrer sur la création. Je le voyais comme mon pilier, mon roc, mon plus grand soutien.
Quelle ironie amère.
Cette « crise » avait sans doute été le moment où il avait commencé à voir mes faiblesses, les failles qu'il pourrait exploiter plus tard. Son soutien n'était pas de l'amour, c'était une évaluation. Il mesurait ma dépendance, préparant le terrain pour sa trahison. Le « sauvetage » n'était qu'une étape de son plan. Il ne me voyait pas comme sa femme, mais comme un atout à utiliser, puis à jeter.
Toutes mes nuits blanches passées à coudre des perles, à perfectionner une broderie, à choisir le tissu parfait... je l'avais fait pour nous, pour notre rêve commun. Mais ce n'était que mon rêve. Pour lui, ce n'était qu'un investissement. Et quand il a trouvé un meilleur investissement en la personne de Chloé, plus jeune, plus malléable, plus ambitieuse selon ses critères, il n'a pas hésité à me liquider.
Mes sacrifices, ma passion, mon art... tout cela avait été non seulement volé, mais nié. À ses yeux, tout ce que j'avais accompli ne valait rien. C'était la négation totale de mon être.
La douleur était si intense qu'elle en devenait physique. C'était une sensation de vide dans ma poitrine, un froid glacial qui se propageait dans mes veines. J'ai regardé ces deux personnes qui avaient orchestré ma ruine. Il n'y avait aucun remords dans leurs yeux. Seulement le triomphe et l'impatience de se débarrasser de moi.
Je ne suis pas restée pour entendre le reste. Je leur ai tourné le dos, et sans un mot, je suis remontée dans ma chambre, le cœur en miettes, mais avec une nouvelle lueur qui commençait à naître dans les ténèbres : la haine.