J' ai sorti mon téléphone et j' ai ouvert un fichier que j' avais préparé.
« Faisons les comptes, si vous voulez bien. Il y a deux ans, dix mille euros. L' année dernière, vingt mille. Cette semaine, cinquante mille. Ça fait quatre-vingt mille euros, juste pour les 'emprunts' récents. »
Leur sourire s' est figé.
« Si on ajoute la partie de la dot de mes parents, disons, vingt mille. Et les différents 'dépannages' au fil des ans, que j' estime à la louche à cinquante mille de plus... On arrive à un total de cent cinquante mille euros. Cent cinquante mille euros qui sont sortis de mon compte en banque pour atterrir dans votre poche. Vous appelez toujours ça un détail ? »
Un silence glacial s' est installé. Ma belle-mère a été la première à réagir.
« Espèce de radin ! Tu comptes tout ! Tu oses reprocher à ta femme d' aider sa propre famille ? Et tout ce qu' elle a fait pour toi ? Elle a arrêté de travailler pour élever ta fille, pour tenir ta maison ! Ça n' a pas de prix, ça ! »
« Pardon ? » ai-je répliqué, incrédule. « Sophie a arrêté de travailler parce qu' elle détestait son emploi et qu' elle voulait être femme au foyer. C' était sa décision, pas la mienne. Je lui avais même proposé de payer une nounou pour qu' elle puisse monter sa propre affaire si elle le souhaitait. Elle a refusé. Ne réécrivez pas l' histoire. »
Le bruit de la porte de la chambre de Chloé qui s' ouvrait nous a tous fait taire. Ma fille est apparue dans le salon, frottant ses yeux endormis.
« Papa, il y a du bruit... »
Ma belle-mère l' a fusillée du regard.
« Toi, retourne te coucher ! Toujours dans les pattes des adultes, celle-là ! Aucune éducation ! »
Le venin dans sa voix était palpable. Chloé s' est figée, effrayée.
Sophie, au lieu de défendre sa propre fille, a renchéri.
« Chloé, papa et maman discutent. Va dans ta chambre. »
Son ton était sec, impatient. C' en était trop.
« Ne lui parlez pas sur ce ton ! » ai-je explosé, allant prendre ma fille dans mes bras. « Vous osez parler d' éducation ? Vous êtes la grand-mère la moins aimante que la Terre ait portée ! Et toi, Sophie, tu es incapable de défendre ta propre chair contre les attaques de ta mère ! »
Je tenais Chloé serrée contre moi, elle tremblait.
« Vous voulez savoir pourquoi j' ai tout arrêté ? C' est à cause de ça ! À cause de votre mépris pour ma fille ! Parce que pour vous, la seule enfant qui compte, c' est la fille de Jean ! J' en ai assez de voir ma fille souffrir de votre indifférence et de votre cruauté ! »
La femme de Jean a tenté de calmer le jeu.
« Allons, Pierre, ne disons pas de choses qu' on pourrait regretter. C' est une histoire de famille. L' argent ne devrait pas nous séparer. »
« L' argent ? Mais c' est vous qui ne parlez que de ça ! »
Jean a soudainement paniqué, se tournant vers sa sœur.
« Sophie, tu lui as dit que j' avais besoin des fonds rapidement ? Pour le projet ? Tu m' avais promis ! »
Quoi ? Quel projet ?
Sophie lui a lancé un regard furieux, lui faisant signe de se taire. Trop tard.
J' ai regardé Sophie, une nouvelle vague de rage m' envahissant.
« Quel projet, Sophie ? De quel projet parle-t-il ? »
Elle bafouillait, cherchant une excuse. Jean, réalisant sa gaffe, est devenu blanc comme un linge.
« Il... il voulait monter une start-up... Il avait besoin d' un capital de départ... cent mille euros... » a-t-elle finalement avoué dans un murmure.
Cent mille euros.
Les cinquante mille qu' elle venait de lui donner n' étaient qu' un acompte. Elle comptait me plumer de cinquante mille de plus. Derrière mon dos. En me mentant.
Tout est devenu clair. La voiture, ce n' était qu' un prétexte. Le plan était bien plus grand, bien plus vicieux.
J' ai éclaté d' un rire qui a glacé tout le monde.
« Cent mille euros. Pour une start-up. Dirigée par un type qui n' a jamais réussi à garder un travail plus de six mois. C' est la meilleure blague de l' année. »
Mon rire s' est arrêté net. J' ai regardé Sophie, sans haine, juste avec un immense mépris.
« C' est fini, Sophie. Pas seulement le travail. Nous deux, c' est fini. »
Je me suis tourné vers sa famille.
« Prenez-la. Elle est à vous. Mais l' argent, c' est terminé. La source est tarie. »
Puis, j' ai posé mon regard sur elle une dernière fois.
« Demain, j' appelle un avocat. On va divorcer. »