Un Destin Douloureux, Un Amour Fort
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Chapitre 3

Plus le baccalauréat approchait, plus les mensonges de Manon devenaient désespérés. La pression montait pour tout le monde, et son mécanisme de défense tournait à plein régime.

« L'admission à Sciences Po est pratiquement assurée », a-t-elle déclaré un jour à la cantine, en picorant son plateau repas, qui, comme d'habitude, ne contenait qu'une maigre portion de légumes et un morceau de pain.

« Papa connaît personnellement le directeur. Il lui a juste passé un coup de fil. Apparemment, mon dossier est déjà en haut de la pile. »

Cette fois, personne n'a ri. L'énervement était palpable.

« Tu te rends compte de ce que tu dis ? », a répliqué Léa, qui avait passé des mois à préparer son dossier pour la même école.

« Il y a des gens qui travaillent comme des fous pour avoir une chance, et toi, tu viens nous narguer avec tes histoires de piston ? »

« Ce n'est pas du piston, c'est du réseau », a corrigé Manon avec un air supérieur.

« Vous ne pouvez pas comprendre. »

C'en était trop pour moi. Depuis l'incident des toilettes, je la voyais différemment. Sa vantardise ne me mettait plus en colère, elle me faisait de la peine. Je savais qu'elle s'enfonçait, et je voulais l'empêcher de se noyer.

Je l'ai prise à part dans le couloir.

« Manon, arrête. S'il te plaît. Tu te fais du mal. »

Elle m'a regardée avec des yeux froids.

« Laisse-moi tranquille, Chloé. Occupe-toi de tes affaires. »

« Mais ce que tu dis... ça blesse les autres. Et ça te rend détestable. Personne ne te croit. Ils se moquent de toi dans ton dos. »

« Je me fiche de ce qu'ils pensent ! », a-t-elle sifflé, la voix tremblante.

« Je n'ai pas besoin d'eux. Je n'ai besoin de personne. Et surtout pas de toi. Tu crois que tu es meilleure que moi parce que tu m'as vue une fois dans une mauvaise situation ? Tu ne sais rien de ma vie. »

Elle avait raison. Je ne savais rien. Mais je voyais la panique dans ses yeux.

Les jours suivants, les rumeurs ont commencé à enfler. On ne se contentait plus de se moquer de ses mensonges, on commençait à spéculer.

« J'ai entendu dire qu'elle était dans un foyer. »

« Non, apparemment ses parents sont en prison. »

« C'est une mythomane pathologique, c'est tout. »

Les chuchotements la suivaient partout. Elle faisait semblant de ne pas les entendre, la tête haute, le regard fixé droit devant elle. Mais je voyais ses épaules se tasser un peu plus chaque jour.

Un après-midi, en cours d'histoire, le professeur a lancé un débat sur le mérite et l'égalité des chances. C'était comme jeter de l'huile sur le feu. Plusieurs élèves ont lancé des piques à peine voilées en direction de Manon, parlant des « privilégiés qui n'ont pas besoin de travailler ».

Manon est restée silencieuse, le visage blême. Elle fixait son cahier, ses jointures blanches à force de serrer son stylo.

Puis, soudainement, le bruit d'une chaise qui racle le sol.

Elle s'est levée d'un coup, a renversé sa trousse, et sans un mot, elle a couru hors de la salle, le visage inondé de larmes.

Le professeur a crié son nom, mais elle était déjà loin. Un silence embarrassé a rempli la pièce. Tout le monde avait compris qu'on avait dépassé les bornes.

Ce soir-là, en rentrant chez moi, j'ai trouvé mon père à la cuisine, l'air soucieux. Il est avocat, et il avait une grosse affaire qui l'inquiétait. Il m'a parlé de la pression, de la peur de l'échec.

« Parfois, Chloé, on a l'impression que tout le monde attend qu'on tombe. Et c'est là qu'il faut se battre le plus fort. »

En l'écoutant, je ne pensais qu'à Manon. Elle se battait, à sa manière. Avec les mauvaises armes, peut-être, mais elle se battait. Elle se battait contre une réalité que personne ne connaissait.

            
            

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