Chapitre 4

Le silence qui a suivi ma déclaration était total. Les gardes de sécurité se sont arrêtés net. La vendeuse a fixé la photo, la bouche entrouverte. Le visage de Marc est devenu livide. Le piège qu'il avait si soigneusement tendu était en train de se retourner contre lui.

La gérante a été la première à réagir. Mais au lieu de reconnaître son erreur, elle a doublé sa mise. Pour elle, admettre qu'elle s'était trompée, qu'elle avait failli expulser le véritable héritier Dubois pour plaire à un imposteur, était impensable.

Avec une rapidité surprenante pour une femme de son âge, elle s'est jetée sur la table et a arraché mon téléphone.

« C'est un faux ! » a-t-elle crié, sa voix montant dans les aigus. « C'est un montage ! Regardez, on voit que c'est du Photoshop ! Ce... ce garçon est un harceleur ! Il est obsédé par Mademoiselle Leclerc et Monsieur Dubois ! »

Elle brandissait le téléphone comme une preuve à charge contre moi, son visage déformé par la panique et la fureur. C'était tellement absurde que j'ai failli en rire.

Marc a immédiatement sauté sur l'occasion, son talent d'acteur reprenant le dessus.

« Elle a raison ! » a-t-il dit, le visage empreint d'une tristesse feinte. « Alexandre a toujours été... possessif. Il n'a jamais accepté que Chloé m'aime, moi. Il nous a suivis. Il a pris des photos de nous pour ensuite monter ces... ces horreurs. C'est un pauvre garçon malade, voilà tout. »

Il m'a regardé avec une pitié simulée.

« Alexandre, je suis ton cousin. Je veux t'aider. Mais tu dois arrêter ce cirque. »

Sa capacité à mentir avec un tel aplomb était presque admirable. Il tissait une toile de mensonges si complexe, se peignant en victime bienveillante, qu'il aurait pu convaincre n'importe qui. Les employés de la boutique, déjà prédisposés en sa faveur, buvaient ses paroles, me regardant maintenant avec un mélange de peur et de pitié.

J'ai soupiré intérieurement. J'avais espéré que la photo suffirait à clarifier la situation, mais leur stupidité et leur partialité dépassaient mes attentes. J'ai compris qu'argumenter avec ces gens était une perte de temps. Leurs esprits étaient déjà faits.

Très bien. Passons à l'étape suivante.

J'ai ignoré leurs accusations et j'ai sorti un deuxième téléphone de ma poche intérieure – un téléphone professionnel que personne ne connaissait. Sous leurs regards stupéfaits, j'ai cherché un contact et j'ai lancé l'appel, en activant le haut-parleur.

La sonnerie a retenti une fois, deux fois. Puis, une voix de femme, impatiente, a répondu.

« Allô ? Alexandre ? Qu'est-ce qu'il y a encore ? Je suis en route. »

C'était Chloé.

La voix de ma fiancée, si pleine d'agacement à mon égard, a flotté dans la boutique silencieuse. Le visage de Marc s'est décomposé. Il ne s'attendait pas à ça.

J'ai parlé d'une voix neutre et forte, pour que tout le monde entende.

« Chloé. Je suis à la boutique. Annule la séance photo. »

Il y a eu un silence à l'autre bout du fil, puis son ton est devenu glacial.

« Quoi ? Pourquoi ? Ne me dis pas que tu vas encore faire une de tes crises. »

« Je suis très sérieux », ai-je poursuivi, mon regard fixé sur Marc. « Dis à ton amant de spectacle, Marc, de retirer mon costume, de quitter cet endroit, et de ne plus jamais se faire passer pour moi. »

Un cri d'indignation est venu de Chloé. Au même moment, Marc s'est précipité vers le téléphone.

« Chloé, c'est moi ! Ne l'écoute pas ! Il est devenu fou ! Il est ici, il a frappé des gens, il nous humilie ! Dépêche-toi de venir, s'il te plaît ! »

Sa voix était pleine de panique, le parfait appel à l'aide d'une victime.

À l'autre bout du fil, j'ai entendu Chloé jurer.

« J'arrive. Ne bougez pas. Alexandre, tu vas me le payer. »

La communication a été coupée.

Un sourire mauvais s'est dessiné sur les lèvres de Marc. Il pensait avoir gagné. À ses yeux, l'arrivée imminente de Chloé allait sceller mon sort et le conforter dans son rôle. Il ne réalisait pas qu'il venait de sauter à pieds joints dans la deuxième partie de mon piège.