Mon ton moqueur l'a fait grincer des dents.
« Tais-toi, Alexandre. Tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu es juste jaloux. »
Il s'est tourné vers la vendeuse, qui nous observait avec des yeux ronds.
« Dites-lui », a-t-il ordonné. « Dites-lui qui je suis. Dites-lui qui est le fiancé de Chloé Leclerc. »
Il cherchait une validation, un allié pour renforcer son mensonge. La vendeuse, voyant son client de prestige se faire humilier, n'a pas hésité une seconde. Elle s'est redressée, le menton haut, et m'a adressé un regard plein de dédain.
« Monsieur, je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous voulez, mais cet homme, Monsieur Marc Dubois, est le fiancé de Mademoiselle Leclerc. Ils ont rendez-vous pour leurs photos de fiançailles. Vous êtes en train de gâcher un moment très important. »
Son ton était sec, accusateur. Pour elle, j'étais un intrus, un fauteur de troubles. Marc portait un costume à plusieurs milliers d'euros, j'étais en jean et chemise. Le choix était vite fait.
Le vendeur lâche qui avait laissé tomber son cintre s'est approché, se rangeant clairement du côté de son collègue et du client aisé.
« Vous devriez partir, monsieur. Nous allons devoir appeler la sécurité. »
Marc a savouré son petit triomphe. Il a croisé les bras, son assurance revenue.
« Tu entends, Alexandre ? Tu n'as rien à faire ici. Je t'ai accueilli dans ma maison, je t'ai traité comme un frère malgré tes sautes d'humeur et ta personnalité effacée. Et c'est comme ça que tu me remercies ? En venant ruiner le plus beau jour de ma vie ? Sors d'ici. Maintenant. »
Cette tentative de me faire passer pour l'ingrat, le parasite, c'était sa spécialité. Dans ma vie passée, ces mots m'auraient anéanti. Aujourd'hui, ils ne faisaient que nourrir ma froide résolution.
À ce moment-là, une femme plus âgée, impeccablement vêtue, est sortie d'un bureau situé à l'arrière. C'était la gérante de la boutique, une femme au regard dur et au sourire commercial.
« Que se passe-t-il ici ? Pourquoi tout ce bruit ? »
La vendeuse s'est précipitée vers elle.
« Madame, cet homme est entré et a agressé Monsieur Dubois. Il prétend que... eh bien, il raconte n'importe quoi. »
La gérante m'a toisé, son regard balayant mes vêtements avec une moue de dégoût.
« Monsieur Dubois ? » a-t-elle demandé en se tournant vers Marc, son ton devenant immédiatement respectueux. « Je suis sincèrement désolée pour ce désagrément. Nous allons régler ça immédiatement. »
Puis, elle s'est tournée vers moi, son visage une nouvelle fois un masque de glace.
« Monsieur, qui que vous soyez, je vous demande de quitter les lieux sur-le-champ. »
Je n'ai pas bougé. J'ai simplement levé un sourcil.
« Vous l'avez appelé 'Monsieur Dubois'. C'est intéressant. Vous savez qui est la famille Dubois ? Vous savez ce qu'elle représente à Paris ? »
La gérante a paru légèrement décontenancée par mon aplomb.
« Bien sûr que je le sais. C'est pour cela que nous sommes honorés d'avoir Monsieur... »
« Alors vous devriez aussi savoir », l'ai-je interrompue, « qu'usurper l'identité de l'héritier d'une telle famille est un délit grave. Je suis sur le point de sortir mon téléphone et d'appeler la police. Nous verrons bien ce qu'ils penseront de votre 'Monsieur Dubois'. »
Le mot « police » a jeté un froid. Marc a pâli légèrement. La gérante a froncé les sourcils, une lueur d'incertitude dans ses yeux. J'avais planté la première graine du doute.