« Jeanne, j'ai deux propositions incroyables pour toi ! La première, c'est de devenir l'égérie de la nouvelle campagne de la marque de luxe Veyron. C'est énorme ! »
Veyron. La marque avec laquelle Antoine venait de signer un partenariat majeur. L'idée de travailler près de lui me donnait la nausée.
« Et la deuxième ? » ai-je demandé, sans enthousiasme.
« C'est différent. C'est une nouvelle émission de télé-réalité pour M6. Le concept est original : "Héros du Quotidien". Ils veulent plonger une dizaine de célébrités et d'influenceurs en immersion totale dans une caserne de pompiers pendant un mois. Entraînement, simulations, vie en communauté... C'est risqué, mais ça pourrait complètement redorer ton image, montrer une autre facette de toi. »
Une émission sur les pompiers. Mon cœur s'est emballé. C'était un signe. C'était plus qu'un signe, c'était une autoroute que le destin venait de paver pour moi.
« Je veux l'émission sur les pompiers, » ai-je dit sans la moindre hésitation.
Mon agent était abasourdi. « Mais Jeanne, Veyron, c'est un contrat en or ! Et puis, te rouler dans la boue avec des pompiers... ce n'est pas vraiment ton style. En plus, j'ai entendu dire qu'Antoine serait sûrement impliqué dans la campagne Veyron. Ce serait l'occasion de vous réconcilier publiquement... »
« C'est hors de question, » l'ai-je coupée, ma voix glaciale. « Je ne veux plus jamais être associée à Antoine Moreau. Jamais. Annule tout ce qui pourrait me lier à lui, de près ou de loin. C'est clair ? »
Il y a eu un silence choqué à l'autre bout du fil.
« Très clair, Jeanne. Je contacte la production de "Héros du Quotidien". »
Quelques jours plus tard, alors que je signais le contrat, Antoine a eu l'audace de m'appeler. J'avais ignoré tous ses messages et appels précédents, mais cette fois, j'ai décroché. Je voulais qu'il entende ma voix.
« Jeanne, mon amour, enfin ! Je m'inquiétais tellement. Tu ne réponds plus... Qu'est-ce que j'ai fait ? On peut arranger les choses, je le sais. »
Sa voix dégoulinait d'une fausse sincérité qui me provoquait des haut-le-cœur.
« Il n'y a rien à arranger, Antoine. C'est terminé. »
« Mais pourquoi ? C'est à cause de Sophie ? Ce que tu as entendu, ce n'est pas ce que tu crois... »
« Oh, je pense que c'est exactement ce que je crois, » ai-je rétorqué, savourant chaque mot. « Efface mon numéro. Si tu me contactes encore, ou si tu t'approches de moi, je te jure que je ferai de ta vie un enfer. Tu n'as aucune idée de ce dont je suis capable. »
J'ai raccroché avant qu'il ne puisse répondre. C'était libérateur. J'avais coupé le dernier lien toxique avec mon passé.
Le premier jour du tournage est arrivé. J'étais à la fois nerveuse et excitée. La production nous avait donné l'adresse du lieu de tournage. En entrant l'adresse dans mon GPS, un immense sourire s'est dessiné sur mon visage.
Caserne Malar.
Le destin avait un sens de l'humour exquis.
Je suis arrivée sur les lieux, tirant ma valise. Les autres participants étaient déjà là, un mélange d'acteurs de seconde zone, de chanteurs oubliés et d'influenceurs fitness. Ils se plaignaient déjà du manque de confort.
J'étais différente. J'étais en mission. Je cherchais Marc du regard, impatiente de voir sa réaction en me découvrant ici.
Un chef de caserne, un homme plus âgé à l'air sévère, nous a rassemblés dans la cour.
« Bienvenue à la Caserne Malar. Pour le mois à venir, cette caserne est votre maison, et nous sommes votre famille. Vos instructeurs vont vous prendre en charge. Ils sont la crème de la crème, alors je vous demande de leur montrer le plus grand respect. »
Il s'est tourné vers la porte d'où j'avais vu Marc sortir des semaines plus tôt.
« Instructeur Leroy, les recrues sont à vous. »
La porte s'est ouverte. Et il est apparu.
Mais ce n'était pas le Marc un peu gêné que j'avais taquiné. Il portait un uniforme impeccable, le regard dur, la mâchoire serrée. Il dégageait une aura d'autorité et de professionnalisme absolu. Il a balayé l'assemblée de ses yeux bleu-gris, et son regard s'est arrêté sur moi.
Juste une fraction de seconde. Aucune surprise, aucune reconnaissance. Juste un regard froid et distant.
Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Ce n'était pas le scénario que j'avais imaginé. Ce n'était pas Marc, le pompier sympa.
C'était l'instructeur Leroy. Et j'étais sa recrue.