Il s'est penché légèrement en avant.
« Pourquoi voulez-vous les voir, Léonie ? »
« Je veux les voir, » ai-je répété, sans aucune inflexion dans la voix.
Bernard m'a observée longuement, puis il a hoché la tête et s'est levé. « D'accord. »
Quelques minutes plus tard, la porte s'est ouverte à nouveau. Mes parents sont entrés, ou plutôt, ils ont été poussés à l'intérieur. Ma mère, le visage ravagé par les larmes, les yeux si rouges et gonflés qu'on les voyait à peine. Mon père, le teint cireux, chancelant comme s'il avait vieilli de vingt ans en quelques heures.
Dès qu'elle m'a vue, ma mère s'est précipitée vers moi, ignorant les gendarmes.
« Léonie ! Mon bébé ! »
Ses sanglots étaient déchirants. Elle a essayé de me prendre dans ses bras, mais les menottes l'en ont empêchée. Elle s'est accrochée à mes épaules, secouée de spasmes.
« Dis-leur que ce n'est pas vrai ! Dis-leur que tu n'as rien fait ! Tu ne ferais jamais une chose pareille, pas toi, ma chérie, pas toi... »
Ses paroles se perdaient dans des hoquets. Elle me croyait innocente. Cette foi aveugle, cet amour inconditionnel... c'était pour ça que j'avais tout fait.
Mon père se tenait derrière elle, le regard perdu. Il a regardé l'inspecteur Bernard, sa voix tremblante.
« C'est une erreur... une terrible erreur. Notre fille est incapable de faire du mal à une mouche. Elle... elle aimait son grand-père. Son oncle Jean a payé une partie de ses études... Tous ces gens l'ont aidée... Pourquoi aurait-elle fait ça ? Pourquoi ? »
Sa voix s'est brisée. Il a posé une main sur le mur pour ne pas tomber. La confusion et la douleur se lisaient sur son visage. Il ne comprenait pas. Comment aurait-il pu ?
J'ai regardé ma mère, puis mon père. Pour la première fois depuis mon arrestation, j'ai senti quelque chose bouger en moi. Une vague de tristesse si profonde qu'elle menaçait de me noyer. Mais je l'ai repoussée. Il fallait que je sois forte. Pour eux.
J'ai parlé, et ma voix était étrangement calme, presque douce.
« Maman. Papa. »
Ils se sont tus, me fixant avec un espoir désespéré.
« C'est moi. C'est moi qui ai tout fait. »
Le souffle de ma mère s'est coupé. Le peu de couleur qui restait sur le visage de mon père a disparu.
« Non... non, ce n'est pas possible... » a-t-il murmuré.
« Si, » ai-je continué, mon regard fixé dans le vide. « Je les ai tous endormis. Je les ai mis dans la grange. Et j'ai mis le feu. »
Ma mère a reculé, comme si je l'avais frappée. Des larmes silencieuses coulaient maintenant sur ses joues.
« Mais... pourquoi ? Pourquoi, Léonie ? Ton grand-père... »
« Ils le méritaient, » l'ai-je coupée, et cette fois, il y avait du venin dans ma voix. « Ils méritaient tous de mourir. »
Mon père a eu un haut-le-cœur. Il a regardé l'inspecteur, puis moi, complètement perdu.
« Tu es folle... Tu es devenue complètement folle... »
Je l'ai ignoré. J'ai regardé mes parents, ces deux êtres naïfs et aimants que j'avais dû protéger du monde et de leur propre famille.
Un sourire étrange a étiré mes lèvres. Un sourire qui n'avait rien de joyeux. C'était un rictus de douleur, de haine et de triomphe.
« C'est fini maintenant. Vous êtes en sécurité. »
Ma mère a secoué la tête, ses sanglots redoublant d'intensité.
« En sécurité ? En sécurité de quoi ? Léonie, qu'est-ce que tu racontes ? »
Mes yeux se sont posés sur elle.
« Vous n'avez pas besoin de savoir. C'est mieux comme ça. »
Je me suis tournée vers mon père.
« Papa. Prends bien soin de maman. Et de Léo. Dites à mon petit frère que sa grande sœur l'aime plus que tout. Promets-le-moi. »
Mon ton avait changé. Il était devenu celui d'un adieu. Mon père, malgré son état de choc, l'a senti. Il a froncé les sourcils, une nouvelle peur s'ajoutant à son chagrin.
« Qu'est-ce que tu veux dire, Léonie ? De quoi tu parles ? »
« Promets-le-moi, papa. »
Il a hoché la tête machinalement, trop abasourdi pour discuter.
« Bien, » ai-je dit.
J'ai regardé l'inspecteur Bernard.
« J'ai vu mes parents. Vous pouvez les faire sortir maintenant. »
Ma mère a tenté de se jeter à nouveau sur moi, en criant mon nom.
« Non ! Léonie ! Ne nous laisse pas ! Explique-nous ! »
J'ai détourné le regard. J'ai fermé les yeux, me concentrant sur le visage de mon petit frère, Léo. Son sourire innocent. C'était pour lui. Tout était pour lui.
Deux gendarmes ont raccompagné doucement mes parents vers la sortie. Leurs pleurs et leurs appels résonnaient dans le couloir, puis se sont estompés.
La porte s'est refermée. J'étais de nouveau seule avec ma solitude et mes secrets. Le premier acte était terminé.
---